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ce que

dans l'existence en Égypte de monuments arabes, où se voient des ogives, dans la forme des arcades du palais de la Ziza, en Sicile, bâti, à l'on croit, du neuvième au onzième siè– cle par les émirs sarrasins, maîtres du pays; enfin dans quelques édifices construits par les Maures d'Espagne. A peine cette opinion futelle formulée, qu'elle fut vivement contestée. <«< Rien ne prouve, dit Milner, que les Maures d'Espagne aient employé l'ogive avant les autres peuples; on ne peut trouver aucun monument qui en donne une preuve certaine, et d'ailleurs on sait qu'ils se servaient d'architectes byzantins. La cathédrale de Cordoue, où l'on voit des arches romanes en fer-à-cheval et des ogives, était dans l'origine une mosquée; elle fut commencée par Abdéram Ier, et terminée par son fils Issen, vers l'an 800; mais il est certain que cet édifice a été aggrandi par la suite, et l'on ne peut rien affirmer positivement sur la date des différentes parties qui le constituent. Le palais de l'Ahlambra, à Grenade, est bien en ogives, mais il fut bâti depuis 1273, et par conséquent longtemps après que l'ogive eut été adoptée dans toute l'Europe. En un mot beaucoup d'édifices mau

resques, antérieurs au douzième siècle, sont construits dans le genre roman, et pas un édifice à ogives n'est prouvé appartenir à une époque plus ancienne que les autres monuments du même genre qui existent dans le reste de l'Europe. >>

M. de la Borde rejette aussi l'origine arabe de l'architecture ogivale: « C'est une grande erreur, dit-il, dans son Essai sur l'Espagne, que d'attribuer aux Arabes l'invention de l'architecture gothique, et de la voûte à ogives, qui constitue réellement cette sorte d'architecture. Il n'est aucunes traces de voûtes de ce genre dans les édifices arabes de l'Espagne, ni dans ceux qui ont été construits à peu près aux mêmes époques, dans les royaumes de Fez et de Maroc.

<< En Orient, aucun édifice à ogives ne remonte plus haut que le treizième ou le quatorzième siècle, longtemps après l'introduction de l'arc ogive en Europe. »>

Quant aux deux autres faits, la forme ogivale dans quelques monuments arabes de l'Égypte, et au palais de la Ziza, en Sicile, nous croyons que la date de fondation de ces édifices est trop problématique, pour qu'on puisse en tirer un argument de quelque valeur.

Plusieurs antiquaires anglais ont avancé que l'ogive devait son origine à l'intersection des cintres, et un autre pose hardiment en principé que l'arcade en tiers point fut découverte par ceux qui avaient observé les nouvelles formes résultant des cintres enlacés, tels qu'on les disposa sur les murs pour l'ornement, au onzième et au douzième siècles. Cette opinion

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est ingénieuse, mais nous pourrions facilement indiquer plusieurs autres combinaisons mécaniques qui produiraient également la forme ogivale. Ne peut-on pas, en effet, trou

ver un principe ogival dans la construction symétrique qui résulte d'une arcade plein cintre, divisée en deux? Enfin l'arc ogive n'est-il pas le plus propre à s'inscrire dans le triangle des pignons produits par les combles aigus, sur les façades gothiques? Quelque importance

qu'on prétende attacher à ces résultats, nous ne pouvons nous décider à les regarder comme suffisants pour avoir déterminé les architectes à abandonner le système du plein.cintre pour adopter un système tout à fait inconnu.

Irons-nous, avec M. de Chateaubriand, chercher l'origine poétique de l'ogive et de la forme élancée de nos belles cathédrales gothiques dans l'imitation des forêts du Nord, avec leurs arbres séculaires et leurs rameaux entrelacés? « Les forêts des Gaules, dit l'immortel

écrivain, ont passé dans les temples de nos pères, et nos bois de chênes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. Ces voûtes ciselées en feuillages, ces jambages qui appuient les murs, et finissent brusquement comme des troncs brisés, la fraîcheur des voûtes, les ténèbres du sanctuaire, les ailes obscures, les passages secrets, les portes abaissées, tout retrace les labyrinthes des bois dans les églises gothiques : tout en fait sentir la religieuse horreur, les mystères et la divinité. (1) » Les traditions druidiques auraient eu une persistance bien inexplicable, si elles avaient pu, après tant de siècles, exercer une influence quelconque sur l'architecture de la dernière partie du moyen âge. L'illustre auteur du Génie du Christianisme ne voyait sûrement rien d'absolu dans cette manière d'envisager une question scientifique.

«Loin d'attribuer au hasard la découverte de l'ogive, dit M. Prosper Mérimée, dans son Essai sur l'Architecture Religieuse du moyen âge, je crois remarquer, dans le premier usage qu'on en a fait en Europe, une espèce

(1) Châteaubriand, Génie du Christ. Part. ni, ch. vını.

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