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des sculpteurs, leur nombre toujours décroissant, l'appauvrissement continuel de la fortune publique et privée, n'amenèrent pas seulement le sénat romain et les empereurs à élever de nouveaux monuments aux dépens des anciens, mais empêchèrent aussi la multiplication des œuvres d'art chrétien." Roma sotterranea, I, p. 196.

L'emploi de certains symboles, les monnaies et les camées fixés aux tombeaux dans l'intention évidente de marquer la date de la sépulture, les inscriptions exprimant les années consulaires, et quelquefois les sigles figulins des briques employées pour consolider les parois, peuvent servir à déterminer l'époque à laquelle il faut rapporter les peintures.

II. PROCÉDÉS EMPLOYÉS PAR LES PEINTRES DES CATACOMBES. La plus grande partie des décorations que l'on voit sur les murailles des catacombes ont été exécutées à l'encaustique ou à la fresque ordinaire; on rencontre aussi quelques mosaïques.

Le procédé à l'encaustique, tel qu'il fut usité chez les Grecs et les Romains, consistait à mêler les couleurs à des substances résineuses contenant de la cire en dissolution. Le mur bien sec recevait d'abord une couche d'huile sur laquelle on en posait ensuite une autre de poix grecque ou de résine. Un réchaud, cauterium, dont la face antérieure était plate, fondait les substances résineuses et les faisait pénétrer dans le plâtre ou le mortier de la paroi. Sur cette couche on appliquait un composé de cire ou de mastic dont la couleur, blanche ou foncée, formait le fond de la peinture, et sur lequel l'artiste posait à froid ses couleurs broyées à l'eau et mélangées avec de la cire et de la résine. Lorsque la peinture était achevée, on la recouvrait d'une couche de vernis. Enfin on présentait de nouveau le réchaud allumé qui fixait définitivement les couleurs et leur donnait l'éclat du marbre. -Dans la fresque, les couleurs, détrempées à l'eau ou avec une colle légère, étaient déposées à l'aide du pinceau sur des enduits frais de mortier de chaux convenablement préparés. Les revêtements en mosaïque appliqués aux parois ont

une grande analogie avec les pavements en mosaïque, et dessinent, comme ceux-ci, des personnages ou des ornements. Ils sont composés de petits morceaux de marbre ou d'émail de différentes couleurs, liés par du mastic.

III. PRINCIPES ARTISTIQUES SUIVIS PAR LES PEINTRES DES CATACOMBES. Les peintures murales de l'antiquité étaient exécutées d'après des principes diamétralement opposés à ceux qui régissent la peinture moderne de tableau ou de chevalet. Chez les Grecs et les Romains, comme aussi pendant le moyen âge, la peinture murale ou monumentale est un art de convention dans lequel l'artiste fait complètement abstraction des ombres et de la perspective, tandis que notre peinture de chevalet ne vise qu'à produire l'illusion par l'emploi judicieux de la perspective et du clair-obscur. Les anciens se contentent de tracer la silhouette des personnages et des objets qu'ils veulent reproduire; ils remplissent ensuite les contours par des teintes plates ou de véritables enluminures de différentes couleurs, et indiquent conventionnellement les plis des draperies par un trait foncé, et les saillies par un trait clair. Enfin, contrairement à ce qui se pratique depuis le xve siècle, ils négligent, dans la représentation des sujets, tous les accessoires qui ne font pas partie intégrante de la scène. Les principes que nous venons d'exposer, et dont nous démontrerons la vérité en parlant des peintures murales de la période romane, ont été suivis par les peintres des catacombes.

IV. CLASSIFICATION DES PEINTURES. On peut distinguer trois genres de peintures dans les catacombes, savoir a) les décorations ou les ornements, b) les peintures à sujets, et c) les symboles.

a) Peinture décorative.

Elle était employée pour servir d'encadrement aux sujets bibliques et historiques, et surtout pour orner les voûtes et l'espace compris sous l'arc surmontant les tombeaux des arcosolia. Les fresques des voûtes sont ordinairement divi

sées en compartiments réguliers, séparés par des lignes ou des arabesques imitant des guirlandes de fleurs. Très souvent ces divisions sont disposées en forme de croix et portent au centre un médaillon circulaire, qui contient soit une figure principale, soit une demi-figure, soit enfin une scène composée de plusieurs personnages. Nous donnons ici et à la page suivante deux voûtes peintes, dont le médaillon central est occupé par l'image du bon Pasteur.

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Voûte peinte d'une chambre sépulcrale du commencement du IIIe siècle, au cimetière de Saint-Calliste (1).

Dans la première voûte, qui remonte au commencement du IIIe siècle, le médaillon central est entouré d'une double zone concentrique, où l'on voit des bouquets de feuillage et quatre paons faisant la roue. Autour de la zone extérieure voltigent des colombes. Deux des quatre angles renferment des génies

(1) Voyez ci-dessus, p. 42, la vue perspective de la chambre sépulcrale à laquelle nous empruntons cette voûte.

ailés portant une corne d'abondance, et deux des danseuses tenant d'une main une corbeille remplie de fleurs ou de fruits, et de l'autre une branche d'arbre ou un thyrse, c'està-dire un long bâton dont l'extrémité supérieure se termine par une touffe de feuillage.

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Voûte peinte d'une chambre sépulcrale du milieu du IIIe siècle,
au cimetière de Sainte-Agnès.

Dans la seconde voûte, qui date probablement du milieu du Ie siècle, le médaillon central est inscrit dans un octogone, dont l'aire est couverte de colombes, de vases à fleurs. ou à fruits et de feuillages. A quatre des huit côtés de l'octogone sont adossés des carrés où l'on a représenté : 1° Adam et Eve; 2o Moïse frappant le rocher; 3° Jonas couché sous l'arbrisseau; et 4° une orante. Entre ces carrés sont suspendues des corbeilles remplies de fruits. Les quatre angles de la voûte sont occupés par des colombes portant des rameaux d'olivier.

Les peintures des arcosolia offrent habituellement sur un fond orné un sujet avec plusieurs figures tracées dans un encadrement semi-circulaire. Les ornements sont le plus souvent des imitations d'objets d'un choix arbitraire, par exemple de corbeilles de fruits ou de guirlandes de fleurs.

Les premiers chrétiens empruntèrent à l'art païen ce genre de décoration. On reconnaît bien aisément cette affinité et le manque d'originalité dans l'ornementation des catacombes à la présence des génies nus qui sortent des enroulements de feuillages, aux personnifications mythologiques, et à plusieurs autres caractères appartenant évidemment au paganisme. Sans doute, les chrétiens modifiaient le sens, et insensiblement aussi la représentation de ces allégories profanes; mais l'existence de ces motifs d'ornementation n'en est pas moins un fait digne de remarque.

b) Peintures à sujets.

Si l'on excepte la scène d'Orphée jouant du luth, toutes les peintures à sujets appartiennent à l'histoire sacrée. Elles nous offrent tantôt les représentations des martyrs dont la dépouille mortelle repose dans les catacombes, tantôt des compositions dont les sujets sont empruntés à l'ancien et au nouveau Testament.

Il est une chose qui nous étonne, lorsque nous examinons attentivement et que nous comparons entre elles les peintures bibliques des catacombes. On remarque dans ces tableaux et dans toutes les autres représentations artistiques des premiers siècles une si grande analogie, une ressemblance si frappante dans la manière de traiter les mêmes sujets, qu'il est impossible d'expliquer cette uniformité, si ce n'est par une règle tracée par l'autorité ecclésiastique et destinée à prévenir l'arbitraire et les écarts d'imagination des artistes. L'Eglise avait sans doute prescrit aux peintres et aux sculpteurs de s'attacher, dans leurs œuvres, à reproduire certains types hiératiques dont les sujets appartenaient à l'histoire biblique. Ces types qui, réunis, forment une sorte de corps de doctrine, une espèce de cycle historique et allégorique à

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