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3o Une autre question qu'on nous pose est la suivante : Quels moyens les chrétiens employaient-ils pour que la terre, provenant de l'excavation des souterrains, ne trahit pas l'existence des cimetières chrétiens?

La réponse à cette question est plus facile qu'elle ne le paraît au premier abord. La difficulté est déjà résolue en partie par ce que nous avons dit ci-dessus, p. 57, de la liberté que les lois romaines accordaient à tout citoyen de se faire enterrer dans ses propriétés, et de partager ce lieu d'inhumation avec ceux qu'il voulait y admettre. En effet, si la loi garantissait à chacun la faculté d'établir des cimetières communs, les chrétiens pouvaient en faire usage aussi bien que les païens; ils pouvaient, sous la tutelle des lois, au vu et au su de tout le monde, se creuser des hypogées, ayant une certaine grandeur. D'ailleurs, dans les commencements, comme nous l'avons fait remarquer, leurs cimetières étaient bien loin d'avoir l'étendue qu'ils ont acquise plus tard.

Si la réponse que nous venons de donner à la question proposée paraissait insuffisante, on pourrait avoir recours, pour expliquer le fait, à une autre conjecture. On pourrait, comme le font quelques auteurs, supposer que, après avoir broyé et réduit en poudre le tuf granulaire, on le vendait, bien moins dans des vues mercantiles, que pour voiler sous les apparences d'un trafic la véritable cause des excavations. Ce qui est certain, c'est que quelquefois, lorsque toutes les parois d'une galerie ou d'un cubiculum qui ne renfermaient pas de tombeaux de martyrs illustres étaient remplies de sépultures, on y transportait la terre provenant des nouvelles excavations. Boldetti atteste avoir constaté ce fait, en 1716, au cimetière de Sainte-Agnès. Il découvrit des galeries comblées de terre depuis le bas jusqu'au haut, ayant dans chacune de leurs parois douze rangs de loculi fermés par des tablettes de marbre et des briques avec des épitaphes.

Enfin, on ne doit pas oublier qu'au moins depuis la moitié du troisième siècle les païens connaissaient l'existence des cimetières chrétiens.

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L'histoire des catacombes peut se diviser en trois époques on périodes principales: la période de formation, la période des restaurations et des visites pieuses, et la période des explorations scientifiques.

I. La période de formation embrasse les quatre premiers siècles.

Plusieurs cimetières de la Ville Eternelle datent du temps des Apôtres. D'après les auteurs les plus recommandables, on doit faire remonter au premier siècle le cimetière de SaintPierre au Vatican, celui de Domitille, celui de Priscille, celui de Lucine (1) sur la voie Aurelia, et enfin celui qu'on appelait anciennement ad catacumbas (voyez ci-dessus p. 39). Ces hypogées primitifs se distinguent des souterrains creusés plus tard par des tombeaux moins nombreux et par une décoration artistique et un genre d'épigraphie tout à fait propres. Les peintures et surtout l'ornementation, dit le chevalier de Rossi en parlant d'une chambre sépulcrale du cimetière de Domitille, different tellement des produits des anciens pinceaux chrétiens; elles ont une si grande ressemblance avec les décors des tombeaux païens, qu'on ne se croirait pas dans le cubiculum d'un cimetière sacré, moins encore dans une crypte historique d'illustres martyrs, si la scène du bon Pasteur n'occupait la place principale et n'était accompagnée de quelques indices trahissant l'origine chrétienne de ce lieu." Roma sotterranea, I, p. 187.

Un des plus anciens cimetières chrétiens est celui d'Ostrien, situé sur la voie Salaria. Si l'on peut s'en rapporter à une pieuse tradition, tradition que le chevalier de Rossi croit assez fondée, ce serait dans ce lieu même que saint

(1) Il y eut, aux premiers siècles du christianisme, plusieurs pieuses femmes du nom de Lucine: entre autres une qui vivait du temps des Apôtres, et une qui fut contemporaine du pape saint Corneille, mort en 256. Voyez DE ROSSI, Roma sotterranea, 1, p. 314.

Pierre aurait administré le sacrement du baptême à un grand nombre de fidèles.

Au second et au troisième siècle, les cimetières existants furent agrandis successivement, et plusieurs nouveaux vinrent s'ajouter aux anciens. De Rossi porte à vingt-six le nombre des cimetières d'une étendue considérable établis avant la conversion de Constantin. C'est de ces deux siècles que datent un grand nombre de peintures dont les sujets sont empruntés à l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament." On s'étonnera peut-être, dit le chevalier de Rossi, de rencontrer dans les plus anciens hypogées beaucoup d'ornements en stuc, ainsi que des fresques et des scènes allégoriques tirées des récits de la Bible. L'idée qui au premier abord paraît si naturelle :- que les origines des hypogées chrétiens ont été pauvres et cachées, et que la magnificence et la décoration des cimetières est, pour la plus grande partie, l'œuvre d'un âge postérieur et de temps plus tranquilles, ne peut en aucune manière se concilier ni avec les monuments ni avec les nouvelles découvertes." Roma sott., I, p. 196.

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Pendant le règne de Constantin et des empereurs qui lui ont succédé, on continua d'ensevelir les corps des fidèles dans les catacombes, et même on en creusa de nouvelles. De Rossi cite cinq catacombes qui sont postérieures à la conversion de Constantin. Cependant les tombeaux à ciel ouvert commencèrent aussi à être en usage. Dans le cours du quatrième siècle on vit les sépultures souterraines diminuer à mesure que les tombeaux placés à la surface du sol augmentaient. Après l'année 410 on ne rencontre guère des vestiges de nouvelles sépultures faites dans les catacombes. La dernière inscription, avec date certaine, trouvée dans les catacombes, remonte à l'année 454; elle est placée sur un tombeau pratiqué furtivement par des étrangers dans un arcosolium dont la construction est beaucoup plus ancienne que celle de la niche funéraire.

De ce que nous venons de dire on peut conclure que les catacombes cessèrent de servir de lieu de sépulture au commencement du cinquième siècle de l'ère chrétienne.

II. La période des restaurations et des visites pieuses s'étend du quatrième siècle au commencement du neuvième. A peine la paix eut-elle été accordée à l'Eglise par l'empereur Constantin, que l'on se mit à rendre l'accès des catacombes plus facile en y pratiquant des entrées larges et des escaliers commodes qui aboutissaient directement aux cryptes historiques (1); on multiplia les luminaires pour faire pénétrer l'air et la lumière dans les souterrains; enfin on construisit des murailles et des voûtes destinées à prévenir les éboulements et à servir de soutien aux édifices élevés à la surface du sol. Plusieurs oratoires furent décorés de peintures, de mosaïques et de revêtements en marbre et en stuc; on restaura les anciennes inscriptions, et l'on en plaça de nouvelles. Les travaux épigraphiques du pape saint Damase (366-384) méritent avant tout d'attirer l'attention de l'archéologue.

La gravure de la page suivante reproduit la vue d'une crypte historique du Ive siècle ornée d'une inscription da

masienne.

Pendant les siècles suivants les cimetières continuèrent d'être des centres de dévotion, où affluaient les pèlerins de tous les pays, avides de vénérer les restes des martyrs et d'assister au divin Sacrifice qui se célébrait sur la pierre de leur tombeau, au jour anniversaire de leur sépulture ou déposition. Les Souverains Pontifes mirent un soin particulier à orner les lieux les plus fréquentés et à restaurer les parties les plus délabrées par les injures du temps ou dévastées par les peuples barbares. Symmaque, Vigile, Jean III, Sergius I, Adrien I et Léon III se distinguèrent entre les autres par leur zèle pour l'embellissement des cimetières.

En l'année 756, les Longobards, sous la conduite du roi Aistulphe, ravagèrent les catacombes. C'est ce qui engagea le pape Paul I à faire ouvrir les tombes des martyrs les plus vénérés et les plus célèbres, afin d'en retirer les corps saints,

(1) On appelle cryptes historiques les chambres sépulcrales où reposaient les restes d'illustres martyrs. Du quatrième au neuvième siècle, ces tombeaux furent les sanctuaires visités par la picuse foule des fidèles.

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Cubiculum de Saint-Eusèbe, pape et martyr, avec inscription damasienne, au cimetière de Saint-Calliste (Ive siècle).

et les distribuer aux différentes églises de la ville de Rome. Malgré les efforts généreux tentés par quelques-uns des successeurs de ce pontife pour remettre en honneur les cime

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