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l'Homme-Dieu sur la croix et en recueillant les effets salu

taires; la Synagogue réprouvée, l'Église formée, la tête du serpent infernal écrasée, le genre humain réparé et recevant le gage de la résurrection de la chair.

5. Les crucifix d'autel ou de procession des XI et XII® siècles. Il reste un grand nombre de croix d'autel des deux derniers siècles de la période romane. La plupart portent l'image du Christ et présentent les caractères suivants :

1° Presque toutes les images du Christ sont en cuivre. rouge, et ont des yeux en verre bleu.

2o Le perizonium, ou draperie qui couvre le corps du Christ depuis les hanches jusqu'aux genoux, prend souvent la forme d'un jupon, et ses bords sont ornés de perles ou de cabochons (1). On appliquait aussi, plus rarement cependant, des ornements et des cabochons sur la draperie elle-même. Les christs du x1° et du XIIe siècle, vêtus d'une longue tunique à manches ou d'un perizonium en forme de jupon et descendant jusqu'aux pieds, sont extrêmement rares. 3o Dans les crucifix du x1° siècle, le Christ est presque toujours couronné d'une espèce de toque ou d'une couronne royale. Au XIIe siècle, la toque et la couronne deviennent rares; et vers la fin de ce siècle on n'en trouve plus d'exemple.

4o Les traverses des croix qui portent les images du Christ sont souvent ornées d'émaux et de symboles, tant au revers qu'à la face principale.

Voyez la gravure de la croix donnée ci-dessus p. 432.

La couronne, qui était destinée à symboliser la royauté divine de Jésus-Christ, avait des formes variées. En voici quelques-unes :

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Par leur forme crénelée ces couronnes rappellent la couronne murale que les Romains avaient coutume de décerner comme récompense au soldat qui escaladait le premier les

(1) On appelle cabochons de grosses perles en verre ou en cristal, dont on se servait au moyen âge comme ornement ou pour recouvrir les reliques.

murs d'une ville assiégée. Il est probable qu'elles avaient une signification symbolique spéciale, distincte de celle de la couronne royale, et servaient à rappeler que Jésus-Christ, vainqueur de la mort par sa résurrection, est entré le premier avec son humanité dans la céleste Jérusalem.

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6. Croix de passion et croix de résurrection. On appelle croix de passion celle qui, composée d'une tige et d'une ou de deux traverses, représente ou imite les proportions des différentes parties de la croix, instrument de supplice, comme on se figure qu'elles ont été en réalité. La croix de résurrection n'est qu'un symbole de la croix réelle ou de passion; c'est une petite croix au bout d'une hampe ou d'un bâton, comme celle que tient le Christ p. 245, et l'Agneau divin p. 451. Elle n'est autre, dit Didron, qu'un étendard dont la hampe se termine en croix au lieu de s'aiguiser en pique..... La croix de passion, la vraie croix est souffrante; la croix de résurrection est triomphante. La seconde a la même forme générale que la première, mais elle est spiritualisée; c'est le gibet transfiguré." Iconographie, p. 369 et suiv. Une bannière ou une flamme flotte quelquefois au haut de la hampe, sous la croix. On place la croix de résurrection entre les mains du Sauveur lorsqu'on le représente sortant du tombeau et montant au ciel, ou terrassant ses ennemis après sa résurrection glorieuse.

§ 5. LA SAINTE VIERGE.

Pendant les douze premiers siècles la sainte Vierge est représentée seule ou accompagnée de son divin Fils.

a) La Vierge sans l'Enfant se trouve régulièrement entre deux arbres ou deux saints, et tient les bras étendus et levés comme les orantes (voyez ci-dessus p. 111). Souvent les artistes placent, près de sa tête, le sigle MP or, c'est-à-dire Matap Osov, Mère de Dieu. Deux verres dorés, reproduits cidessus p. 138, et le revers de la croix de saint Badilon, gravé p. 421, offrent des exemples de cette manière de figurer la sainte Vierge. Ce mode de représentation, très usité du ive au vi° siècle, tomba insensiblement en désuétude pendant les siècles suivants.

b) La Vierge avec l'Enfant. Il y a deux manières de représenter la Vierge avec l'Enfant. "Nous distinguerons, dit Didron, en historiques et poétiques les scènes où l'on voit le groupe de la Vierge tenant Jésus. Quand la scène est imaginée pour rendre hommage à Marie, nous disons qu'elle est poétique. Quand les rois mages, par exemple, viennent apporter leurs présents à Jésus tenu par sa Mère, la scène est purement historique." Annales d'archéologie, I, p. 216.

Pendant la période latine et la première partie de la période romane, le groupe historique se rencontre le plus souvent. On le trouve dans différentes scènes de la vie de Notre-Seigneur, mais surtout dans celle de l'adoration des mages. Ce dernier sujet se voit fréquemment sur les sarcophages et autres monuments chrétiens de cette époque.

Le groupe poétique peut se réduire à deux types distincts. Le premier, que nous appellerons grec ou byzantin, consiste à figurer la Vierge tenant les bras étendus en forme d'orante, tandis que l'Enfant, placé devant elle, bénit à la manière grecque, soit des deux mains, soit de la droite seulement. Ce type se rencontre déjà dans les catacombes; nous en avons donné un exemple à la page 98. Les Byzantins s'en servirent pendant tout le moyen âge, et les Grecs l'emploient encore aujourd'hui. Le Guide de la peinture veut qu'on représente Marie les mains élevées en l'air, et devant elle le Christ

bénissant de deux côtés, et l'É

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vangile sur la poitrine. Voici la

gravure du sceau quadripartite

des épistates (1) qui dirigaient le couvent du mont Athos en 1829. On y voit la Vierge, avec l'Enfant bénissant de la droite et tenant un livre de la

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Sceau des épistates du mont Athos.

gauche, représentée d'après

le type grec ou byzantin.

(1) Ces épistates sont au nombre de quatre; chacun est dépositaire d'une partie du sceau. Quand il y a un acte à sceller, chacun apporte son quart de sceau. Le secrétaire réunit les différents quarts, au moyen d'une vis ou d'une clef, et scelle la pièce approuvée de commun accord.

Dans l'autre type du groupe poétique la sainte Vierge est représentée soit debout avec l'Enfant sur le bras, soit assise et tenant l'Enfant sur les genoux. Nous donnerons à ce type le nom d'occidental, non pas parce qu'il était inconnu chez les Grecs, car ils s'en sont servis conjointement avec le type

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byzantin, mais parce qu'il a été

le seul usité en Occident pendant tout le moyen âge. Il fut introduit ou du moins s'est généralisé insensiblement dans l'iconographie chrétienne après la condamnation de Nestorius par le concile d'Ephèse, célébré en 431. Cet hérésiarque niait que Marie fut la Mère de Dieu. Pour affirmer le dogme de la maternité divine de Marie, on la représenta portant l'Enfant, et souvent accompagnée de l'inscription H ΑΓΙΑ OEOTOKOC c'est-à-dire, sancta Deipara ou la sainte Mère de Dieu (1). Voici le revers d'une croix-reliquaire du musée du Vatican, datant du vir siècle; on y voit la Vierge avec l'Enfant sur les bras.

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Revers d'une croix-reliqnaire du viie ou VIIIe siècle.

Le plus souvent Marie est assise sur un siége et porte sur ses genoux l'Enfant qui bénit au moins d'une main. Telle on la voit dans plusieurs mosaïques de Rome et d'Italie qui datent de la première moitié du 1x siècle; voyez de la page suivante.

la

gravure

Pendant toute la période romane ces représentations de la Mère avec l'Enfant se distinguent par une grandeur et une noblesse de sentiment que l'on ne rencontre plus que rare

(2) Les artistes chrétiens ayant, dès le ve siècle, adopté l'action de porter l'Enfant comme le symbole de la maternité divine de la sainte Vierge, nous ne pouvons approuver les peintres ou sculpteurs modernes qui représentent saint Joseph avec l'Enfant sur les bras. Saint Joseph n'est pas le véritable père du Sauveur, mais seulement son père nourricier ou putatif; c'est l'idée que l'art du moyen âge a voulu exprimer en figurant l'Enfant conduit à la main.

ment dans les siècles suivants. La sainte Vierge a ordinairement devant elle l'Enfant complètement habillé. Celui-ci ne joue pas avec sa Mère, mais bénit ceux qui viennent lui rendre hommage. Il tient dans la main une boule, et plus souvent encore un livre, ou un rouleau, volumen, symbole de la doctrine de la Loi nouvelle qu'il est venu apporter au monde. "Marie, dit Didron, touche à peine Jésus. Créature pleine de respect pour le Créateur sorti de son sein, elle l'a devant elle et n'ose le tenir en quelque sorte, encore moins le porter. Elle l'offre à l'adoration des fidèles comme un héraut qui commande la vénération pour un roi, bien plutôt que comme une mère fière de son fils; il y a entre Marie et Jésus la distance commandée entre la femme mortelle et le Dieu éternel." Ann. archéol., 1, p. 219.

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La Vierge avec l'Enfant tirée de la mosaïque de SainteMarie-in- Domnica, à Rome. (Premier quart du xe siècle).

En Grèce et en Orient, les peintres et les sculpteurs couvrent ordinairement la tête de la sainte Vierge d'un voile; les artistes occidentaux aussi ont conservé cette tradition pendant quelque temps; mais, à partir du 1x siècle, ils donnent le plus souvent à Marie une couronne royale ou crénelée, et quelquefois une espèce de toque.

Il ne reste en Belgique qu'un nombre restreint de statues de la sainte Vierge datant de la période romane. Nous citerons les suivantes :

1° La statuette de la Mère avec l'Enfant, en cuivre doré et émaillé, conservée au musée de la porte de Hal, à Bruxelles. Nous en donnons une gravure à la page suivante.

2o La belle statue de Notre-Dame des Deux-Acren (Hainaut). La sainte Vierge assise porte une couronne murale; l'Enfant Jésus bénit de la main droite et tient une boule dans la gauche. Le sceptre que porte la sainte Vierge est moderne.

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