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Sculptures d'ornement sur les archivoltes de la galerie supérieure du narthex, à l'église de Saint-Ambroise de Milan (Ixe siècle).

Conclusion. Il résulte de l'exposé que nous venons de faire des caractères de l'architecture lombarde que l'influence exercée par le style latin apparaît surtout dans le plan et la disposition des édifices, tandis que l'influence byzantine se manifeste principalement dans la décoration monumentale.

§2.-ÉTAT DE L'ARCHITECTURE, AVANT LE XI SIÈCLE, DANS LES PAYS AUTRES QUE LA LOMBARDIE.

1. Italie centrale et méridionale. Pendant que le style lombard se développait dans le nord de l'Italie, le style latin continua de régner dans l'Italie centrale et méridionale. Toutes les basiliques construites à Rome avant le XIIIe siècle appartiennent franchement au style latin. Telles

sont les églises de l'Ara coeli, de Sainte-Cécile (première moitié du IXe siècle), de Sainte-Marie-in-Trastevere (XIIe siè cle) et la basilique supérieure de Saint-Clément (xIIe siècle). Les tours seules, comme nous l'avons dit ci-dessus p. 281, furent construites d'après les principes du style lombard.

2. Belgique et France. Sous les rois mérovingiens, on n'éleva aucun édifice important sur le territoire de la Gaule; car le pays était livré à l'anarchie et en proie aux déprédations de ses nouveaux conquérants. La plupart des églises du vir et du VIIIe siècle étaient en bois; ce qui explique les fréquents incendies d'églises rapportés par les chroniqueurs contemporains. Le peu de constructions en pierres qui sont restées de cette époque dans le midi de la France ont été élevées aux dépens d'édifices gallo-romains. Elles ne se distinguent par aucun caractère particulier ce sont des débris maladroitement amoncelés plutôt que des monuments architecturaux.

Au commencement du Ixe siècle, l'empereur Charlemagne essaya de faire revivre les beaux-arts dans l'Europe occiden

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de l'oratoire carlovingien de Nimègue (Ixe siècle).

tale; il voulut, comme dit Viollet-le-Duc, faire une renaissance de l'art romain". Ne trouvant pas, en-deça des Alpes, des architectes et des ouvriers capables d'élever et de décorer un monument, il en fit venir de l'Orient et de l'Italie, qui construisirent, dans son vaste empire, plusieurs églises, telles que le dôme d'Aix-la-Chapelle et l'oratoire du château de Nimègue. Tous ces édifices reproduisent plus ou moins fidèlement le plan de Saint-Vital de Ravenne. Ce sont des polygones (voyez-ci dessus, p. 158, le plan du dôme d'Aixla-Chapelle) couronnés d'une coupole centrale à plusieurs pans et ayant leurs bas côtés surmontés d'une galerie. La gravure de la page précédente, qui donne l'élévation extérieure et la coupe de l'oratoire castral de Nimègue, fera comprendre les dispositions des églises carlovingiennes.

Dans le midi de la France on éleva, au Ixe siècle, quelques édifices dont la décoration présente une grande ressemblance avec celle des monuments romains. Voici deux exemples de sculpture monumentale empruntés à la chapelle de SaintGabriel (Bouches-du-Rhône), construite dans la première

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Sculptures à la chapelle de Saint-Gabriel (Ixe siècle).

moitié du Ixe siècle. Les oves, les denticules et les feuilles d'acanthe dont ces fragments sont ornés pourraient les faire prendre pour des sculptures romaines.

par

Sous les faibles successeurs de Charlemagne, l'organisation et l'unité politiques si énergiquement établies l'empereur ne purent se maintenir. L'empire, déchiré en lambeaux, fut bientôt en proie aux dissensions intérieures par suite des rivalités de quelques puissants vassaux. Voici

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comment Viollet-le-Duc dépeint l'état de l'Europe occidentale à cette époque: Reportons-nous par la pensée au IXe siècle, dit-il, et examinons un instant ce qu'était alors le sol des Gaules et d'une grande partie de l'Europe occidentale la féodalité naissante mais non organisée, la guerre, les campagnes couvertes de forêts, en friche, à peine cultivées dans le voisinage des villes; les populations urbaines sans industrie, sans commerce, soumises à une organisation municipale décrépite, sans lien entre elles; des villae chaque jour ravagées, habitées par des colons ou des serfs dont la condition était à peu près la même; l'empire morcelé, déchiré par les successeurs de Charlemagne et les possesseurs des fiefs. Partout la force brutale, imprévoyante. Au milieu de ce désordre, seule, une classe d'hommes (les religieux) n'est pas tenue de prendre les armes ou de travailler à la terre: elle est propriétaire d'une portion notable du sol; elle a seule le privilége de s'occuper des choses de l'esprit, d'apprendre et de savoir; elle est mue par un admirable esprit de patience et de charité; elle acquiert bientôt par cela même une puissance morale contre laquelle viennent inutilement se briser toutes les forces matérielles et aveugles. C'est dans le sein de cette classe, c'est à l'abri des murs du cloître que viennent se réfugier les esprits élevés, délicats, réfléchis; et, chose singulière, ce sera bientôt parmi ces hommes en dehors du siècle que le siècle viendra chercher ses lumières. Jusqu'au XIe siècle cependant ce travail est obscur, lent; il semble que les établissements religieux, que le clergé, sont occupés à rassembler les éléments d'une civilisation future. Rien n'est constitué, rien n'est défini; les luttes de chaque jour contre la barbarie absorbent toute l'attention du pouvoir clérical, il paraît même épuisé par cette guerre de détails. Les arts se ressentent de cet état incertain, on les voit se traîner péniblement sur la route tracée par Charlemagne, sans beaucoup de progrès; la renaissance romaine reste stationnaire, elle ne produit aucune idée féconde, neuve, hardie, et sauf quelques exceptions dont nous tiendrons compte, l'architecture reste enveloppée dans son vieux linceul antique. Les invasions des Normands vien

nent d'ailleurs rendre plus misérable encore la situation du pays; et comment l'architecture aurait-elle pu se développer au milieu de ces ruines de chaque jour, puisqu'elle ne progresse que par la pratique? Cependant ce travail obscur de cloître allait se produire au jour." Dictionnaire de l'architecture, I, p. 122. Les exceptions dont parle le savant auteur dans les dernières lignes que nous venons de transcrire, sont la cathédrale de Saint-Front, à Périgueux, élevée, au re siècle, par des constructeurs byzantins, et quelques autres édifices du Périgord, construits sous l'influence de cette importation byzantine.

Les 1x et xe siècles ne furent pas féconds en monuments. L'art de l'architecture resta stationnaire dans l'Europe occidentale. Ensuite, la croyance généralement répandue que la fin du monde arriverait en l'an 1000 jeta les peuples dans l'apathie et le découragement. Cependant cette dernière cause ne paralysa pas autant le zèle des populations chrétiennes en Belgique que dans les autres parties de l'Europe: nous avons quelques édifices dont la construction fut commencée dans les dernières années du xe siècle. Les monuments de cette époque se distinguent par une grande simplicité, et les rares sculptures qui les décorent sont des imitations plus ou moins grossières de débris gallo-romains ou de fragments de style latin.

En Belgique, en Hollande et dans le nord-ouest de la France, les monuments religieux antérieurs à la fin du xe siècle sont très rares. Les Normands, en faisant irruption dans ces contrées au IXe siècle, ont ravagé et détruit de fond en comble toutes les églises et tous les monastères qu'ils rencontraient sur leur passage. Des édifices construits en Belgique et dans les pays limitrophes avant le milieu du xe siècle il ne reste que le dôme d'Aix-la-Chapelle, l'oratoire de Nimègue et quelques pans de mur à l'abbaye de Saint-Bavon, à Gand, datant probablement de la reconstruction de ce monastère dans les premières années du Ixe siècle.

3. Suisse et Allemagne. La plupart des édifices religieux de ces pays furent construits sous l'influence directe du style lombard.

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