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Voici le premier feuillet d'un diptyque sacré, en ivoire, qui remonte pour le moins au vIIIe siècle. Il a 30 centimètres

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Premier feuillet d'un diptyque, en ivoire, du vIIIe siècle, provenant de l'église de Genoels-Elderen (Limbourg belge).

N. B. Notre gravure reproduit le diptyque tel qu'il est exposé en ce moment au Musée de Bruxelles. Les coins A et B ont été transposés, de sorte qu'on doit lire l'inscription en commençant par le coin B: + VBI DNS AM; ensuite continuer à la ligne horizontale supérieure: BVLABIT SVPER ASPIDEM ET BASILISCVM ET CON; puis reprendre le coin A: CVLCABIT LEONEM, et finir par: ET DRACONEM. Plusieurs lettres sont liées et inscrites les unes dans les autres.

de hauteur sur 18 de largeur, et appartenait autrefois à l'église de Genoels-Elderen, d'où il a passé dans le Musée royal d'antiquités (à la porte de Hal) de Bruxelles. Aux pieds du Christ, qui est imberbe et placé entre deux anges, on voit un aspic, un basilic, un lion et un dragon. C'est la traduction du verset du Psalmiste: Vous marcherez sur l'aspic et le basilic, et vous foulerez aux pieds le lion et le dragon. La scène est entourée de la légende† VBI DNS (Dominus)

AMBVLABIT SVPER ASPIDEM ET BASILISCVM ET CONCVLCABIT

LEONE ET DRACONEM. Sur le second feuillet on a figuré l'Annonciation et la Visitation de la sainte Vierge.

La cathédrale de Tournai possède aussi un diptyque, en ivoire, très remarquable, qui date du vir ou du 1xe siècle. Sur le premier feuillet on voit le crucifiement et la glorification du Christ, sur le second saint Nicaise entre deux saints.

Lorsque l'usage de lire les diptyques aux offices sacrés fut tombé en désuétude, on en utilisa les tablettes sculptées ou ciselées pour la couverture des livres sacrés. C'est pour cette raison qu'on donne souvent le nom de diptyques à d'anciennes couvertures d'évangéliaire, lors même qu'elles ne proviennent pas d'un diptyque proprement dit, mais ont été sculptées spécialement pour décorer la reliure d'un livre.

8. Evangéliaires. L'Église a toujours professé, pour les saints Évangiles, un grand respect qui, aux premiers siècles, se manifesta de plusieurs manières.

D'abord, les évêques et les prêtres mirent un soin particulier pour en conserver le texte dans toute sa pureté; et, à cet effet, ils en firent souvent des copies de leur propre main. Ce fait nous est attesté pour saint Pamphile, Eusèbe et saint Jérôme (1). Il nous reste encore aujourd'hui plusieurs manuscrits grecs et syriaques portant les souscriptions placées par les deux premiers à la fin des exemplaires corrigés et collationnés par leurs soins. En voici quelques-unes: Corrigendo accurate ego Eusebius correxi, Pamphilo collationem instituente; - Pamphilus et Eusebius sedulo correxerunt;manu propria sua Pamphilus et Eusebius correxerunt;

(1) Voyez saint Jérôme, De viris illustribus, ch. 75 et 81, et Ep. VI.

iterum manu nostra nosmet Pamphilus et Eusebius correximus. Vers le milieu du Ive siècle, saint Hilaire de Poitiers, et, deux siècles plus tard, saint Victor, évêque de Capoue, transcrivirent les Évangiles de leur propre main.

Ensuite, les chrétiens, surtout à partir du temps de saint Jérôme (1), ornèrent le plus richement possible le livre des Évangiles. Cette richesse se faisait remarquer tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du volume."

Souvent le texte sacré était écrit en lettres d'or sur des membranes teintes en pourpre. L'usage d'écrire ainsi les livres les plus précieux existait déjà au Ive siècle. Saint Jérôme, en parlant du luxe qu'on mettait dans ces copies, s'exprime de la manière suivante : "Les parchemins sont teints en pourpre; l'or est liquéfié pour former des lettres, et les volumes sont revêtus de pierreries Ep. XXII. Saint Ephrem rapporte que les moines occupaient leurs loisirs à teindre les parchemins qui devaient recevoir le texte sacré. Il existait autrefois, dans le trésor d'Aix-la-Chapelle, un évangéliaire écrit en lettres d'or sur des feuilles teintes en pourpre; ce précieux manuscrit se trouve actuellement à Vienne. On voit aussi, à la bibliothèque de Trèves, des feuillets détachés d'un évangéliaire du même genre.

A l'extérieur, les livres des Évangiles étaient ornés avec une grande recherche; l'or, l'argent, les émaux et les pierres précieuses se prodiguaient sur leurs couvertures, et, pendant longtemps, on les renferma dans des cassettes ou coffrets, capsae, richement travaillés. Saint Grégoire de Tours raconte que Childebert, roi de France au vie siècle, revenant de l'Espagne, "rapporta, parmi ses trésors, des objets sacrés d'un grand prix, savoir soixante calices, quinze patènes, vingt boites à évangéliaire; le tout en or pur et orné de pierres précieuses." Hist. ecclés. des Francs, liv. III, n. 10. Ces coffrets étaient, pour l'ordinaire, en lames d'argent, de vermeil ou même d'or, et richement semés de pierreries. Les couvertures d'évangéliaire peuvent être divisées en deux

:

(1) Ce fut saint Jérôme qui, par ordre du pape saint Damase, réunit, pour la première fois, les quatre Évangiles en un seul volume. Avant ce temps chaque Évangile était transcrit dans un volume séparé.

classes: celles composées de lames d'or ou d'argent, et ornées d'émaux et de pierres précieuses, et celles en ivoire ciselé.

Parmi les premières, les unes étaient simples, sans figures, et même quelquefois dépourvues de toute ornementation artistique; les autres, au contraire, encadrées dans des bordures richement travaillées, étaient décorées d'émaux et de ciselures en relief, représentant des sujets religieux. On pourra se former une idée des couvertures peu ornées par les gravures des pages 227 et 245. Dans la première, le diacre de l'évêque Maximien (fig. 4) et, dans la dernière, le Sauveur tiennent en main des livres dont la couverture, sans figures, est ornée de pierreries.

Voici un exemple de couverture riche:

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Couverture d'évangéliaire, en or, au trésor de Monza.
(Commencement du viie siècle.)

Cette couverture est formée de deux ais, en or, entièrement semblables et mesurant 34 centimètres de hauteur sur 26 de largeur. Une croix pattée, munie de chatons d'or sertissant des pierres fines et des perles, occupe le centre de chacun des ais. Les quatre parties du champ comprises entre les bras de la croix sont ornées chacune d'un camée (1) placé dans l'angle d'un gamma grec r, droit ou renversé. Le gamma ainsi que la bordure extérieure sont formés de petits cercles d'or divisés intérieurement par des segments de cercle et cloisonnant des grenats rouge taillés en table. Trois des camées de chaque ais sont des pierres antiques. Le quatrième, en jaspe sanguin, est moderne; sur l'ais que reproduit notre gravure, il se trouve en bas à droite et porte la tête du Christ; sur l'autre il représente la sainte Vierge. Ces deux derniers camées ont été mis là, en 1773, pour remplacer des camées antiques qui avaient été volés.

Deux listels, courant parallèlement à la traverse horizontale de la croix, portent, sur l'ais supérieur, l'inscription: DE DONIS DI OFFERIT THEODELENDA REG. GLORIOSISSEMA SCO JOHANNI BAPT.; qui se continue sur l'ais inférieur IN BASELICA QUAM IPSA FVND. IN MODICIA PROPE PAL. SVVM,

:

c'est-à-dire Des dons divins la très glorieuse reine Théodelinde offre (cet objet) à saint Jean Baptiste dans la basilique qu'elle a fondée à Monza, auprès de son palais.

Cette couverture d'évangéliaire est un des rares monuments de l'orfévrerie du viie siècle parvenus jusqu'à nous. Elle fut donnée à l'église de Monza, près de Milan, par Théodelinde, reine de Goths, avec plusieurs autres pièces d'orfévrerie, dont quelques-unes, qui existent encore aujourd'hui, rendent le trésor de Monza un des plus remarquables de l'Italie.

Les sujets figurés sur les couvertures d'évangéliaire en ivoire et en métal étaient les mêmes que ceux des

(1) On donne à une pierre fine le nom de camée lorsqu'elle est gravée en relief, et celui d'intaille lorsqu'elle est gravée en creux.

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