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construits les monuments chrétiens de la période latine. Quelques-uns de ces monuments, plus ou moins transformés à des époques postérieures, existent encore de nos jours dans l'Europe méridionale: en Italie, en Espagne, et dans le midi de la France. En Belgique et dans les contrées avoisinantes, les plus anciens édifices ne remontent guère au delà du 1xe siècle. Il faut toutefois excepter la basilique chrétienne de Trèves; ce monument, dont il reste encore des vestiges très importants dans la cathédrale actuelle, date de la première moitié du Ive siècle.

Après avoir étudié d'abord la forme et l'origine des basiliques chrétiennes, nous traiterons ensuite des édifices religieux s'éloignant de la forme basilicale, et enfin nous ferons connaître les caractères du style latin.

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Pour bien comprendre les questions qui ont trait aux basiliques chrétiennes, il est indispensable de posséder des notions exactes sur les basiliques profanes des anciens.

Les basiliques profanes étaient de vastes édifices élevés sur le forum ou aux environs des places publiques. Elles servaient de lieu de réunion aux marchands ainsi qu'aux personnes s'occupant d'affaires; et les magistrats y rendaient la justice; en un mot, elles avaient la même destination que nos bourses commerciales et nos palais de justice. La basilique profane avait en plan la forme d'un

rectangle fermé par des murs sur les quatre còtés et régulièrement divisé en trois nefs par deux rangées de colonnes. La largeur totale de l'édifice était, autant que possible, comprise entre la moitié et le tiers de la longueur, et la largeur de la nef principale F devait avoir trois fois celle de chacune des nefs latérales E et G, à moins que la forme de l'emplacement n'oPlan d'une basilique bligeât d'abandonner ces proportions. Trois portes, correspondantes aux nefs, étaient

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profane.

ouvertes dans la façade. L'extrémité de la nef principale opposée à la façade était terminée par un hémicycle ou abside semi-circulaire, portant le nom de tribune (1), où, sur des bancs adossés à la muraille, siègeaient les juges pour entendre les plaidoiries et prononcer la sentence. Cette partie était séparée du reste de l'édifice par une grille ou clôture à claire-voie, appelée cancellum.

Quelques basiliques moins considérables se composaient d'une seule nef. On en trouve cependant aussi de grandes, comme celle de Trèves, qui n'avaient qu'une nef (2). Enfin quelques-unes ont jusqu'à cinq nefs, formées par quatre rangs de colonnes. La basilique Ulpienne, élevée par Trajan, et dont les ruines existent encore à Rome, était de ce nombre.

Dans les basiliques à trois ou à cinq nefs, il y avait souvent des galeries au-dessus des nefs latérales. Ces galeries étaient séparées de la nef du milieu par un deuxième ordre de colonnes superposé à l'entablement de l'ordre inférieur. D'après les règles établies par Vitruve, les colonnes de l'ordre supérieur ne pouvaient avoir que les trois quarts de la longueur de celles de l'ordre inférieur. Entre les

Coupe de la basilique profane sur BD.

colonnes supérieures se trou

vait une cloison, appelée pluteum, qui, selon le même auteur, devait avoir les trois quarts de la hauteur des colonnes. Cette cloison était destinée à isoler les galeries supérieures, afin que les personnes qui s'y trouvaient ne fussent pas exposées à la vue des marchands occupant le rez-de-chaussée : Uti supra basilicae contignationem ambulantes ab negotiatoribus ne conspiciantur.

(1) Du mot tribune est dérivé le nom de tribunal donné aux cours de justice. (2) Voyez le plan et différentes vues de la basilique de Trèves dans SCHAYES, Histoire de l'archit., 2e édit., I, p. 85 et suiv.

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la

Nous avons donné à la page 145 le plan, et nous donnons à 146 et ci-dessous deux coupes d'une basilique profane,

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Coupe de la basilique profane sur ABC.

d'après la description que nous a laissée l'architecte Vitruve, qui vivait à Rome du temps de l'empereur Auguste.

La couverture de toutes les basiliques, grandes ou petites, consistait en une simple charpente, posée à nu ou revêtue à l'intérieur d'un plafond divisé en caissons décorés de rosaces ou d'autres ornements sculptés. A l'extérieur, la charpente était couverte de tuiles, de plaques de marbre ou de bronze.

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Les basiliques chrétiennes furent construites sur le modèle des basiliques profanes; seulement, au lieu de les élever le long des places publiques, on les fit précéder d'une cour carrée, afin de les éloigner du bruit et du tumulte de la rue. Elles avaient, comme les basiliques profanes, la forme d'un rectangle plus ou moins allongé, et se composaient de trois parties principales: la cour ou atrium, le vaisseau ou nef, ναος, et le sanctuaire, βημα ou ἱερατειον.

En entrant dans la basilique chrétienne, la première partie qu'on rencontrait était l'atrium, appelé aussi paradisus ou impluvium. L'atrium consistait en une cour entourée de galeries couvertes C (voyez le plan de la page 150); les entre-colonnements des portiques étaient clos par des cancels peu élevés pour que, comme nous l'apprend

S. Paulin de Nole" chacun pût facilement s'y appuyer et contempler les eaux qui jaillissaient de la fontaine pratiquée au milieu du cloître (Natal. S. Felicis). En effet, au centre de l'atrium se trouvait une fontaine ou réservoir, cantharus, labrum, nymphaeum, phiala, où les fidèles se lavaient les mains et le visage avant d'entrer dans la maison du Seigneur (1). L'atrium des grandes basiliques était souvent précédé, du côté de la rue ou de la place publique, d'un porche A, ou bien d'un portique ou péristyle en forme de colonnade, qui portait le nom de narthex extérieur. Le narthex intérieur D s'ouvrait au fond de l'atrium. C'était une sorte de vestibule de l'église proprement dite, formé par le portique transversal adossé à la façade de la basilique. Quelques savants prétendent que le narthex intérieur n'était pas un portique faisant partie de l'atrium mais bien de la nef même, et qu'une simple cloison, et non pas le mur de la façade le séparait de l'intérieur de la basilique. Cette opinion ne peut se concilier ni avec l'assertion des auteurs anciens disant que le narthex est hors de l'église, ni avec les monuments anciens qui existent encore et dans lesquels, comme à la basilique de Saint-Laurent-horsles-murs, à Rome, le narthex forme une espèce d'avant-corps adossé à la façade principale de l'église.

Cette première partie de la basilique était occupée, pendant l'office, par ceux auxquels les lois ecclésiastiques défendaient de prendre part aux assemblées des fidèles. Dans l'atrium se tenaient les pénitents du premier degré, appelés pleurants, lugentes, poλaves; dans le narthex, les pénitents du second degré ou écoutants, audientes, axpoopsvo (2), les

(1) C'est dans ces ablutions que nous trouvons l'origine de l'usage de l'eau bénite à l'entrée des églises. Le cantharus des anciennes basiliques a été remplacé par les bénitiers, placés près des porches ou attachés aux piliers à l'entrée des églises.

(2) Pour l'intelligence de tout ce qui se rapporte aux stations des pénitents dans les basiliques, il est essentiel de connaître la discipline ancienne de l'Eglise, en matière de pénitence canonique. Vers le milieu du 111e siècle, l'Eglise établit quatre degrés de pénitence, savoir: 1o прoσzhavσw, fletum, les pleurs; 20 axpoasiv, auditionem, l'audition; 30 voтwow, substrationem, la substration; 40 Gusta, consistentiam, la consistance. Les pleurants se tenaient au dehors de l'église,

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catéchumènes du premier ordre (1), les lépreux et les énergumènes, en un mot, tous ceux qui étaient exclus de toutes les parties de l'office, à l'exception du sermon. Au vie siècle, on commença à placer dans le narthex les baptistères, qui jusque là s'étaient trouvés en plein air.

L'atrium et le narthex n'avaient pas les mêmes proportions relatives dans toutes les basiliques. Leur grandeur dépendait de l'espace dont on disposait pour bâtir. Quelquefois même on les supprimait totalement.

Du narthex on entrait, par une, trois ou cinq portes, dans le vaisseau, v, de la basilique. Le vaisseau symbolisait l'Eglise du Christ, dont les apôtres et leurs successeurs sont les pilotes (2); il était communément divisé en trois nefs par deux rangs de colonnes. Cependant on trouve des basiliques chrétiennes, comme on en trouve de profanes, entièrement dépourvues de colonnes, ou bien partagées en cinq nefs par quatre rangs de colonnes. La basilique de Saint-Paul-horsles-murs, à Rome, appartient à cette dernière catégorie.

La porte du milieu E, appelée opamoka, portae pulchrae, speciosae ou regiae, donnait dans la nef principale, les autres E' conduisaient du narthex dans les collatéraux ou bas côtés. Le collatéral droit était réservé aux hommes, et celui de gauche aux femmes. Lorsque les basiliques avaient des galeries au-dessus des bas côtés (comme par exemple celles de Sainte-Agnès et de Saint-Laurent-hors-les-murs, à Rome), ces galeries étaient occupées par les femmes.

A l'entrée de la nef du milieu se trouvait d'abord la place des prosternés ou pénitents du troisième degré F, et des

et priaient ceux qui entraient dans le lieu saint d'intercéder pour eux auprès du Seigneur et des prêtres ; les écoutants étaient autorisés à entrer dans le temple pour entendre les instructions; les prosternés se trouvaient à l'intérieur de la nef, se prosternaient pendant quelques parties principales de l'office divin, et sortaient, comme les autres pénitents, à un moment donné; les consistants pouvaient demeurer à l'église pendant toute la durée de l'office, mais ils étaient exclus de la participation des sacrements.

(1) Il y avait plusieurs ordres de catéchumènes. Voyez ci-dessous, p. 159. (2) Voyez l'explication de ce symbolisme dans les Constitutions apostoliques, liv. 11, ch. 57.

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