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Les sculpteurs avaient toujours dans leurs ateliers un certain nombre de sarcophages dont le buste n'était qu'ébauché. Lorsqu'à la mort d'une personne, les parents avaient fait choix d'un sarcophage, le sculpteur achevait le buste et y reproduisait les traits du défunt. Il arriva cependant quelquefois qu'on ne laissait pas à l'artiste le temps de terminer son travail. C'est là ce qui explique pourquoi l'on rencontre quelquefois des sarcophages dont les bustes sont simplement dégrossis.

c) Les sarcophages mixtes sont ornés en partie de strigiles et en partie de figures en relief. Le centre de la face antérieure porte ordinairement ou une coquille avec un ou deux bustes, ou un symbole tel que le monogramme, ou bien aussi des personnages en pied. D'ordinaire les deux extrémités de cette face ont également des sujets sculptés. L'espace compris entre les extrémités et le médaillon central est couvert de strigiles, comme dans l'exemple suivant :

Fig. 5.

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Sarcophage chrétien, trouvé au cimetière du Vatican.

Les sarcophages les plus anciens dont les chrétiens aient fait usage sortaient des ateliers païens. Un fait que j'ai constamment observé dans les cimetières souterrains, dit le chevalier de Rossi, c'est qu'aux premiers siècles les chrétiens se sont souvent servis de sarcophages ornés de sculptures qui, n'offrant aucun indice de christianisme, paraissent sortir d'ateliers païens. Cependant les sujets reproduits dans ces sculptures sont ordinairement tirés des signes du zodiaque ou représentent des scènes pastorales et champêtres, des chasses et des jeux. Il est évident que les fidèles, se trouvant dans l'impossibilité de se procurer des tombeaux ornés de

sculptures sacrées, conformes aux peintures et aux symboles des cimetières souterrains, recherchaient avec soin les sarcophages qui n'offensaient pas leurs croyances par la représentation de rites idolâtres, de figures de faux dieux ou de scènes appartenant trop manifestement à la théogonie païenne. En effet, j'ai observé plusieurs fois que, dans les cimetières (de Rome), les sculptures profanes de ce dernier genre étaient exposées, en grand nombre, aux yeux de tous les visiteurs, tandis que d'autres étaient soigneusement cachées et recouvertes d'une couche de chaux; quelquefois même on avait mutilé et brisé les figures à coups de marteau, avant de les enduire de chaux et d'en retourner la face principale du côté du mur ou vers l'intérieur du tombeau." Roma sotterranea, I, p. 343. Les beaux sarcophages, en porphyre rouge, de sainte Hélène, mère, et de sainte Constance, fille de l'empereur Constantin, qui font partie du Musée du Vatican, à Rome, sont ornés de sujets n'offrant aucun symbolisme chrétien. Sur le premier on voit, avec les portraits de Constantin et de sa mère, des sculptures en haut-relief représentant une bataille; les bas-reliefs du second figurent des génies ailés occupés aux travaux des vendanges. Voyez des gravures de ces sarcophages dans ARINGHI, Roma, éd. de Paris 1659, II, pp. 22 et 69.

Les symboles chrétiens ainsi que les scènes empruntées à l'histoire de la Bible apparaissent plus tard sur les sarcophages que dans les peintures des catacombes. " A Rome, dit le chevalier de Rossi, dans cette ville où l'art chrétien, protégé par les ténèbres souterraines, prit un si grand développement pendant les trois premiers siècles, la condition. de la peinture diffère beaucoup de celle de la sculpture. La première nous met sous les yeux non-seulement les paraboles et les allégories des Evangiles, mais aussi les scènes historiques des deux Testaments, représentées avec des intentions symboliques variées et plus ou moins manifestes, les images du Christ, des apôtres, des saints et des fidèles dans l'attitude de la prière, quelquefois enfin le baptême et l'Eucharistie. La sculpture, au contraire, est loin de jouir

d'une telle liberté. La parabole et l'allégorie dominent dans les marbres antérieurs à Constantin. Si une exception à cette règle était constatée, les observations faites sur la plupart des monuments n'en resteraient pourtant pas moins vraies. D'où peut provenir cette différence, sinon de ce que le pinceau était libre dans les cavernes ténébreuses des cimetières, tandis que le ciseau était, en quelque sorte, enchaîné, circonspect et prudent dans les ateliers ouverts à la lumière du soleil? Et, que l'on ne dise pas que l'horreur des premiers fidèles pour l'idolâtrie leur a inspiré une certaine répugnance pour les sculptures. En effet, sans parler des sculptures paraboliques et allégoriques qui, comme je l'ai dit, ont été employées et même recherchées avec prédilection dès le commencement, nous remarquons qu'à peine la paix est-elle donnée à l'Eglise, partout les sarcophages et les autres sculptures se multiplient et se couvrent des sujets dont les types primitifs se rencontrent presque tous dans les fresques des catacombes. La crainte des persécuteurs seule empêcha donc le libre développement de la sculpture; et, une fois cette crainte apaisée, nous voyons les sculpteurs chrétiens reproduire, à l'époque de Constantin, les sujets que les peintres avaient eu l'habitude de reproduire pendant les trois premiers siècles. " Roma sotterranea, I, p. 99.

Les scènes pastorales et champêtres, l'histoire d'Ulysse, le bon Pasteur et les orantes sont les sujets qu'on rencontre le plus souvent sur les sarcophages du me siècle. Rarement on y voit l'histoire de Jonas ou d'autres représentations appartenant au cycle des types que nous avons rencontrés dans les peintures des catacombes. - Ulysse était aux yeux des premiers chrétiens une figure du Sauveur. Les fables du siècle, dit saint Maxime de Turin, rapportent qu'Ulysse, qui fut pendant dix ans le jouet des caprices de la mer, sans pouvoir rejoindre sa patrie, fut un jour poussé vers le lieu où les sirènes faisaient entendre leurs chants. Et tel était le charme de leur mélodie que ceux qui l'entendaient se sentaient comme invinciblement entraînés, non pas vers le port qu'ils voulaient, mais vers la ruine qu'ils ne voulaient pas.

Or Ulysse, voulant se soustraire à cette périlleuse séduction, boucha les oreilles de ses compagnons avec de la cire, et se fit lui-même attacher au mât de son vaisseau. Si donc la fiction suppose qu'Ulysse fut délivré du péril en se liant à l'arbre de son navire, ne devons-nous pas proclamer, à meilleur droit, que le genre humain tout entier a été soustrait au danger de la mort par l'arbre de la croix? En effet, depuis que le Christ, notre Maître, a été attaché à la croix, nous traversons, l'oreille fermée, les séduisants écueils du monde; nous ne sommes plus arrêtés par les accents pernicieux du siècle; nous ne nous laissons plus détourner de la voie d'une vie meilleure pour tomber dans les piéges de la volupté. Donc, dans le vaisseau (de l'Eglise), quiconque ou se sera attaché à l'arbre de la croix, ou aura clos ses oreilles par les Ecritures divines, n'aura rien à craindre des séduisantes attaques de la luxure. Car, c'est une suave figure de sirène que la molle concupiscence de la volupté, efféminant par ses funestes caresses la constance de l'àme qui s'y laisse prendre. Donc le Christ, notre Seigneur, a été suspendu à la croix pour délivrer tout le genre humain du naufrage de ce monde." De pass. Domini.

Les sarcophages chrétiens sont rares pendant les trois premiers siècles; la plupart sont postérieurs à la conversion de Constantin. En général, les sujets représentés sur ces derniers sont les mêmes que ceux des peintures des catacombes et contiennent une allusion plus ou moins directe au dogme de la résurrection. Les sujets que l'on rencontre sur les sarcophages et non pas dans les peintures sont presque tous empruntés à l'histoire de la vie, et surtout de la passion de Jésus-Christ. Les principaux sont: 1° la Nativité de Notre-Seigneur ; 2o le miracle de Cana; 3o la guérison de la Chananéenne; 4° saint Pierre recevant les clefs; 5° l'entrée triomphale de Notre-Seigneur à Jérusalem; 6o NotreSeigneur captif; 7° le reniement de saint Pierre; 8o l'emprisonnement de saint Pierre et de saint Paul; et 9o la comparution de Notre-Seigneur devant Pilate.

Il est très digne de remarque que les scènes de la passion

proprement dite, telles que la flagellation, le couronnement d'épines et le crucifiement, ne se trouvent jamais sur les sarcophages et sont complètement exclues de tous les monuments primitifs du christianisme. Cette absence ne peut s'expliquer que par une règle tracée par l'autorité. La comparution devant Pilate, qui est très souvent représentée sur les sarcophages postérieurs à Constantin, était destinée à rappeler aux fidèles la passion entière. Cette scène a presque invariablement pour pendant le sacrifice d'Abraham. Voyez la gravure de la page 124, où ces sujets occupent les deux extrémités de l'ordre supérieur du sarcophage. Les premiers chrétiens avaient évidemment pour but, dans cette disposition, de mettre en regard la figure et la réalité, le sacrifice d'Abraham et celui de la croix.

Les chrétiens conservèrent l'usage, qui existait chez les paiëns, d'orner les couvercles des sarcophages de dauphins ou de monstres marins.

Voyez sur les différences qui existent entre les sarcophages de l'Italie et ceux du midi de la Gaule, MARTIGNY, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, pp. 394 et suiv.

2. Objets divers trouvés dans les tombeaux. Les chrétiens des premiers siècles plaçaient souvent dans les tombeaux des anneaux, des bracelets, des bijoux et d'autres objets ayant appartenu au défunt. Les martyrs étaient ordinairement ensevelis avec les instruments qui avaient servi à leur supplice.

On trouve dans les tombes des fidèles : 1o des tissus d'or dont on s'était servi pour envelopper la dépouille mortelle du défunt; 2o des anneaux (fig. 1), des bracelets et des bijoux

Fig. 1.

Anneau.

Fig. 2.

Reliquaire.

(fig. 2); 3° des jouets d'enfants, tels que des poupées en ivoire, etc. 4o des monnaies et des médailles, probablement déposées dans les tombeaux pour marquer l'époque de la sé

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