Page images
PDF
EPUB

[ocr errors]

་་

vres s'ils ne volent », qu'il se débarrassera du père & du capitaine. Survient Alaigre qui a vu Fierabras « grave comme une statue de marbre, comme un âne qu'on étrille, comme un Espagnol à qui on donne le chiquin»; ils se sont disputés, ont échangé des injures telles que « gros bec, preneur de tabac, grimant le père au diable, veau, pourceau. » Les deux valets recommencent à se quereller malgré Lidias. Tous quatre se mettent à l'ombre & goûtent aux provisions que Philippin a apportées. « Vous êtes ici traitée à la fourchette », dit le jeune homme. Une pomme mangée avec contentement vaut mieux qu'une perdrix dans le tourment », répond la belle. Andouilles de Troyes, saucissons de Boulogne, marrons de Lyon, vin muscat de Frontignan, figues de Marseille », chante l'un des valets. Lidias dit qu'il fait chaud, qu'il y a des mouches, qu'on peut « mettre casaquin bas. Nous voilà déshabillés le mieux du monde », répond Florinde : « Ça! jouons un peu à cligne musette. » Ils s'endorment. Surviennent quatre Bohémiens', « le coefre vieille, sa fille & « le gagou », poursuivis pour vol par le prévôt. Ils ont peur « que le brimort ne leur chasse les mouches de dessus les épaules au c... d'une charrette », prennent les vêtements que les dormeurs ont retirés, laissent les leurs & s'en vont. Les deux valets se réveillent alors, ne trouvent que « des fripes propres à jouer une farce, riolees, piolées comme la chandelle des Rois », & appellent leurs maîtres. On décide d'aller dans ce costume voir le docteur Thesaurus qui ne les reconnaîtra pas, de lui donner « une cassade », lui dire la bonne aventure & de le faire consentir à recevoir sa fille avec l'époux de son choix. Alaigre dit qu'à la cour du Grand Coefre il a été « marmy matrois, cagoux, polisson & casseur de hannes.» La scène change: voici Fierabras, qui déplore que les petits avortons de la nuit, les pygmées» qui lui ont ravi sa belle soient introuvables. « Ha! que si j'eussé été en

une

1. Ces Bohémiens, les gitanes menteurs dont parlent les poésies du chanoine de Pamiers, Barthélemy Amilia, - ne sont pas étrangers à l'intéressante corporation des gueux & chenapans de Jacques Callot, dernièrement produits sur la scène de la Porte-Saint-Martin, à Paris, par MM. Caïn & Adenis frères.

chair & en os comme saint Amadou, ils n'eussent pas retourné sans vin boire ny bête vendre. »

[ocr errors]

A l'acte III reparaissent les amoureux & les valets, déguisés tous quatre en Bohémiens. Alaigre dit qu'ils ont tous quatre l'air « de carabins de la comète & d'éveillés qui ne cherchent que chape-chute; Florinde a la mine de ces ficheuses qui ressemble aux balances d'un boucher qui pèsent toutes sortes de viandes, & la voilà troussée comme une poire de chiot. » Elle passera donc pour une bourgeoise du Nil ou d'Alger, Lidias pour un pèlerin de la Mecque; Philippin dira la bonne aventure & Alaigre lui déclare qu'il marche « comme une truie qui va aux vignes. Fierabras dit au docteur qu'il n'a rien trouvé. A la scène III, les faux Bohémiens dansent, & si bien que Macée les trouve beaux; Florinde dit la bonne aventure à son père & à Fierabras, qui tire son épée & déclare que ce glaive fait fuir dix millions d'hommes plus vite que la foudre. » Florinde lui répond qu'il sera « plus qu'Achille » & qu'il est « déjà mieux que Samson », qu'il a tué des adversaires «< de toutes les cochonnées », mais qu'il n'épousera pas celle qu'il aime. Le capitan tombe amoureux de la prétendue Egyptienne, dit qu'une fille sans ami est un printemps sans rose, la prie de l'embrasser « à la pincette », déclare qu'elle est gracieuse « comme une poignée d'orties » & plus farouche que la biche au bois; elle le compare à un perroquet & il se dispute avec les valets. A la scène IV paraissent le prévôt & les deux archers qui poursuivaient les voleurs « La lune commence à montrer ses cornes », dit le représentant de la police. A la scène v, Fierabras dispose des musiciens qui donnent une sérénade à « la petite Egyptienne pour qui les soupirs du capitaine sortent plus vite qu'un tonnerre »; mais revoici le prévôt & il se dispute avec le capitan. Lidias reconnaît dans le prévot son frère, lui dit pourquoi ils ont ce costume, l'invite à entrer auprès de Florinde. Fierabras reparaît & se désole: « Le Mars des mortels va faire baiser les pas de cette petite barbouillée à cinq cents. monarques & se faire adorer par mille princesses. » Mais le prévôt ramène la fille à son père qui la nomme «< sa petite rate, sa petite fressure. » Alaigre déclare à Alison que, pour

:

une servante, elle a « les yeux riants comme une truie brûlée » & qu'il l'aime comme son maître adore Florinde. Le docteur consent à ne plus avoir pour gendre « ce donneur de canards à moitié qui nous promettoit tant de châteaux en Espagne, & Macée consent au mariage de Lidias & de leur fille. Les deux valets se disputent les bonnes grâces d'Alison, qui leur dit qu'ils sont « comme deux loups après une brebis », qu'Alaigre est bâti comme deux œufs & un morceau de fromage, que Philippin est « tout jeune & joyeux », qu'il a

les dents plus longues que la barbe & de la barbe aux yeux. » C'est le valet du docteur qui a le dernier mot : « Finis coronat tempus, dit le seigneur Thesaurus; la fin couronne les taupes; tirez le ideau, la farce est jouée. Si vous la trouvez bonne, faites-y une sauce, ou faites rôtir & bouillir & traîner par les cendres, & si n'êtes contents, couchez-vous auprès; les valets de la feste vous remercieront. Bonsoir, mon père & ma mère & la compagnie.

[ocr errors]

Telle est la Comédie des Proverbes, jouée en 1633 & qui eut plus de succès que les deux autres pièces du même auteur languedocien dont les noms ont été conservés, les Jeux de l'inconnu & l'Infortune des filles de joie. L'oeuvre du noble seigneur languedocien semblera-t elle bien distinguée? Nous ne le pensons pas, & il est fort possible qu'on aime mieux lire les premières comédies de Corneille, celles de Rotrou & de Desmarets de Saint-Sorlin. Telle qu'elle est, la pièce du gouverneur général du comté de Foix sous Louis XIII mérite encore d'être connue. Elle vaut mieux que les farces ou les horreurs de je ne sais quels auteurs, qui indignaient un austère évêque de Pamiers & le poussaient à excommunier les laïques & les prêtres qui y assistaient'. Mais elle étonne sous la plume d'un seigneur aussi galant & rafiné que Carmaing. Aux gaillardises de sa comédie, que l'on compare la douceur, la politesse, l'élégance qu'il montre sans cesse, ses belles manières, sa tenue si distinguée au carrousel que le duc de Ventadour, lieutenant général du Languedoc, organisa à

1. Voir Revue des Pyrénées, 1895, p. 374 et suiv.

2. P. Ant. Brun, l. c., p. 11.

Toulouse durant l'été de 1624. Lors de cette fête, où l'on célébrait ce que l'on prenait pour la fin des hostilités avec les protestants, Carmaing commande l'une des quadrilles, dirige certaines de ces entrées « non moins brillantes que mythologiques, mais d'une mythologie spéciale qui alliait à la préciosité italienne l'enflure espagnole »; il court la bague, est vainqueur & fait mettre le prix, « qui estoit une boete de diamans au bout d'une lance, & fit appeler par le sieur des Aymards, maréchal de camp général, une dame qui estoit en une galerie, à laquelle il en fit présent 2. »

La Comédie des Proverbes du brillant seigneur n'a pas cette allure chevaleresque; elle n'entre pas non plus en comparaison avec le Menteur, les Plaideurs, Tartufe & les Femmes savantes. Le petit-fils de Montluc n'a guère mérité les éloges de Regnier & ne paraît ni la gloire de la Muse ni son cher souci. Toutefois, si les compliments de bienvenue qu'Olhagaray lui adressa & les félicitations que Delescazes lui prodiguait à la fin de sa vie apprennent à apprécier les mérites de l'administration de Carmaing, il n'était pas indifférent de le faire connaître, sinon admirer, comme littérateur, du moins par celle de ses œuvres comiques qui a eu le plus de succès sous le règne de Louis XIII.

[ocr errors]

G. DOUBLET.

1. Ibid., p. 39.

2. Ibid., d'après le Mercure françois, X, pp. 359 à 372.

APERÇU HISTORIQUE DE L'HYDROLOGIE

SCIENCE DES EAUX MINÉRALES

LEÇON D'OUVERTURE DE L'ANNÉE 1896-97

DU COURS D'HYDROLOGIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE

DE TOULOUSE

MESSIEURS,

Voilà déjà plusieurs années que le cours d'hydrologie existe & se fait régulièrement à la Faculté de médecine & de pharmacie de Toulouse. Pour la septième fois, aujourd'hui, nous voyons se renouveler notre auditoire, &, à chaque étape commençante, nous constatons avec un orgueil, que vous justifiez en ce moment, l'augmentation du nombre des auditeurs qui suivent l'enseignement de l'hydrologie. Ce désir & ce besoin de se familiariser avec une science généralement peu connue, est une réponse topique au scepticisme de ceux qui croyaient, lorsque notre cours a été ouvert pour la première fois, au manque d'intérêt & d'utilité de l'hydrologie.

Les succès de plusieurs d'entre vous, dans les examens, dans les concours, les thèses déjà soutenues devant notre Faculté sur des questions relatives aux eaux minérales & aux eaux potables, celles qui se préparent encore, & parmi lesquelles nous pourrions en citer qui feront le plus grand honneur à la chimie des eaux minérales, sont des résultats trop frappants pour qu'on ose aujourd'hui les méconnaître. Ils ont été, pour votre professeur, un stimulant des plus efficaces, & nous ne saurions dire trop haut à quel point ces succès de vos anciens camarades, maintenant établis, ont compensé les efforts qu'il a fallu faire pour rechercher & pour réunir les éléments épars, qui nous ont permis de constituer la synthèse de cette science.

« PreviousContinue »