Page images
PDF
EPUB

terrible mistral, M. Pamard affirme qu'on ne peut attribuer sa formation, comme quelques météorologues l'ont fait, à l'échauffement de l'air dans la plaine de la Crau, puisqu'il se produit de préférence pendant la saison froide et aussi bien de nuit que de jour. Il se forme toutes les fois qu'un centre de dépression venu à travers le continent ou arrivé d'Espagne ou d'Afrique, se trouve au sudest du méridien d'Avignon, ou mieux encore toutes les fois que le mouvement giratoire de l'air ne peut arriver en Provence qu'en traversant les Alpes. Quelquefois le mistral se forme sur place par suite de la raréfaction de l'air entre le Ventoux et la Méditerranée.

Telles sont, Messieurs, les principales communications qui ont marqué, dans les journées des 31 mars et 1" avril, les séances générales de la section des sciences, qui se tenaient dans l'après-midi. Le grand nombre des mémoires présentés à la lecture avait mis la section dans l'obligation de se subdiviser en plusieurs commissions qui se réunissaient chaque matin, dans le local affecté à chacune d'elles. J'ai assisté à une des séances du matin de la commission des sciences naturelles et j'y ai entendu d'intéressants rapports sur la géologie et la paléontologie. Je me bornerai à vous citer à ce sujet :

1o La découverte d'une nouvelle station de l'homme préhistorique faite par M. Ch. Benner, de la Société libre d'émulation de Rouen, à la Bretèque-Saint-Léger, près de Rouen, au confluent de deux petites rivières. M. Benner a trouvé là, en très grande quantité, dans le dépôt inférieur du terrain quaternaire, constituant une moraine de 40 de hauteur, des silex éclatés, tels que pointes de flèche, couteaux et grattoirs, mêlés à des débris de mammouth (elephas primigenius) de chevaux (Equus caballus) de grands bœufs (Bos primigenius).

2° La suite des travaux de MM. Cotteau, Péron et Gauthier, sur les échinides fossiles, dont j'ai eu l'honneur de vous dire un mot l'an dernier. M. Cotteau, au nom de ses collaborateurs et au sien, a traité, cette année, de l'étage turonien d'Algérie dont l'analogie est complète avec celui de France; il a décrit vingt-neuf espèces d'échinides, dont vingt-quatre sont spéciales à l'Algérie. M. le Président a adressé aux auteurs de ce travail des éloges mérités sur leur persévérance à poursuivre l'étude des échinides fossiles. « C'est seulement, a-t-il dit, en ap» profondissant les sujets qu'on rend de véritables services à n la science. »

3° Un remarquable travail de M. Blaicher, professeur à 166 Séance.

2

l'école de pharmacie de Nancy, sur le terrain quaternaire de la province d'Oran et du Maroc, résultat des études qu'il a faites dans ces contrées pendant quatre ans. Ce terrain est peu riche en fossiles; mais la présence de l'homme y est indiquée par des flèches et des haches du type de Saint-Acheul, qui se rapporte, comme on le sait, à la plus ancienne des périodes archéolithiques.

4° Une proposition de M. Letur, de la Société linéenne de la Charente-Inferieure, sur la création de musées cantonaux. C'est là, il faut en convenir, un excellent moyen de diffusion des lumières. Le musée serait installé à la Mairie ou à la salle d'école; les objets des collections, comprenant tout ce que le canton produit dans les trois règnes seraient offerts par les habitants; les vitrines seraient payées par souscription ou seraient données par quelques amis de la science. Tout cela est parfaitement praticable dans une contrée où le progrès est à l'ordre du jour et où chacun tient à honneur d'aider les hommes de bonne volonté qui, eux-mêmes, ne négligent rien pour faire prévaloir leurs idées. Aussi la proposition a-t-elle été prise en considération, et M. Letur verra-t-il bientôt l'excellente idée qu'il a émise recevoir un commencement d'exécution. Heureux pays qui peut songer à créer des musées cantonaux, ce qui prouve qu'il a au moins un musée départemental! Heureux homme que ses intelligents compatriotes secondent si bien !

SECTION D'HISTOIRE ET DE PHILOLOGIE.

Séance du 2 avril.

La séance du 2 avril, à la section d'histoire et de philologie, s'est ouverte par la lecture d'un mémoire de M. Jules Finot (1), archiviste du département de la HauteSaône, membre de la Société d'agriculture, sciences et arts de ce département et correspondant du ministère à Vesoul.

Ce mémoire, qui a pour titre : Une mission militaire en Prusse en 1786, est un résumé de deux manuscrits, sans nom d'auteur, déposés à la bibliothèque de Vesoul et traitant, l'un, d'un voyage en Allemagne et d'un séjour à Berlin dans les mois d'avril et de mai 1786, l'autre, de détails recueillis sur l'armée prussienne.

M. Finot, à la suite de recherches faites dans les archives départementales, a pu, avec certitude, attribuer ces

r

(1) M. Jules Finot a été nommé officier d'académie à la distribution des écompenses.

manuscrits au lieutenant-général marquis Hippolyte de Toulongeon qui, en effet, fut chargé d'une mission militaire en Prusse, en 1786, et qui, pour l'accomplir, assista aux manœuvres de Postdam, les 17 et 18 mai.

Il fut donné au général de Toulongeon de voir le grand Frédéric, à ce moment « terrassé par la maladie, portant » un visage blanchi et absolument altéré par les souffran» ces. » Il mourut, en effet, peu de temps après, le 17 août. Quand le général le vit, « il avait une robe de cham»bre de velours cramoisi, un vieux chapeau à plumets sur la » tête; une de ses jambes ouverte était enveloppée de linges » blancs, l'autre, le croira-t-on? était bottée. Je fus saisi,. » dit le général, d'un saint respect à cette vue, et, les yeux » fixés sur lui, je sentais mon artère battre avec violence. »

Le général de Toulongeon étudia avec fruit l'organisation et les manœuvres de l'armée prussienne. Le premier de ses mémoires, intéressant par les détails qu'il donne sur la société berlinoise et sur le grand Frédéric, ne saurait faire oublier le second où sont consignées les observations techniques qu'il fit en cette circonstance avec une sûreté de coup d'oeil et une sagacité qui prouvent qu'il était un militaire expérimenté. Ainsi, il signale notre infanterie comme donnant à l'armée française un précieux avantage sur l'armée prussienne. « Il semble, dit » à ce sujet M. Jules Finot, que le futur émigré semble» rait avoir, en quelque sorte, prévu la victoire de Valmy. »

M. Louis Audiat, président de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, communique, au nom de M. Jules Pélisson, de la même Société, un mémoire sur la rivalité de l'élection en chef de Saintes et de l'élection particulière de Barbezieux.

Vous savez, Messieurs, que ce terme d'élection n'était qu'un trompe-l'oeil, car dès 1372, Charles V avait usurpé le droit de nommer ces répartiteurs de l'impôt, dont l'existence ne datait pourtant que des Etats-généraux de 1356 et qui, en effet, au début, avaient été élus par les populations.

Vous savez aussi quels conflits toujours renaissants s'élevaient entre les élus en chef et les élus particuliers. Les pouvoirs étaient presque toujours mal définis, leurs limites incertaines et les édits successifs des rois ne faisaient souvent qu'augmenter cet imbroglio. Il en fut ainsi dans les querelles qui s'élevèrent entre l'élection en chef de Saintes et l'élection particulière de Barbezieux; les procès entre ces deux élections ne durèrent pas moins de deux cents ans, et je crois bien que ce fut le décret de

la Constituante, daté du 7 septembre 1790, qui les termina.... en supprimant les élections (1).

M. de Boislile, membre du comité des travaux historiques, rappelle aux membres des Sociétés savantes que la section d'histoire l'a chargé, au commencement de 1876, de recueillir les mémoires dressés par les intendants, de 1697 à 1701, pour l'instruction du duc de Bourgogne, et il demande le concours des savants des départements pour mener à bien le travail important qu'il a entrepris.

« Ces mémoires, dit-il, au nombre de 35, constituent la » description la plus complète et la plus authentique, la seule » même, à vrai dire, qu'on puisse citer, de la France du dix» septième siècle, considérée à tous les points de vue: topo» graphie, histoire, ethnologie; divisions ecclésiastiques, » judiciaires, militaires et administratives; statistique de la » population, des finances, du commerce, de l'industrie, de » l'agriculture et de la propriété foncière; description des » villes, des monuments, des voies de communication. »

La réunion de ces mémoires et des documents analogues établis dans le 17° et dans le 18° siècle serait donc une œuvre éminemment utile, aujourd'hui surtout que la commission de géographie de l'ancienne France, nouvellement formée sous la présidence de M. Henri Martin, est décidée à poursuivre activement, en les étendant jusqu'à la période contemporaine, les travaux commencés par l'ancienne commission de topographie des Gaules.

Aussi, M. de Boislile, après avoir énuméré ceux de ces documents qui lui ont été adressés ou dont l'envoi lui est annoncé, fait-il un appel pressant pour obtenir des infatigables chercheurs de nos départements, à défaut de mémoires d'intendants, des rapports de subdélégués, de receveurs des tailles, d'élus ou d'autres agents secondaires, ayant servi à l'établissement des rapports généraux.

Aucun document de ce genre n'a été transmis, que je sache, à M. de Boislile, pour le Rouergue, ni pour la généralité de Montauban dont le Rouergue faisait partie. Est-ce à dire que ces documents fassent défaut ? Nos archives départementales et communales n'ont pas encore dit leur dernier mot, et je suis convaincu qu'il me suffira de transmettre la demande de M. de Boislile aux savants aveyronnais pour voir bientôt surgir les intéressants documents qui lui sont nécessaires.

Un autre membre du comité, M. Meyer, traite ensuite des travaux dont les patois peuvent être l'objet de la part des Sociétés départementales. La publication du diction

(1) Il y avait à ce moment 375 élections dépendant de 27 généralités.

naire patois-français de feu l'abbé Vayssier, les importants travaux philologiques de M. Durand (de Gros) donnent à la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron un rang distingué parmi les associations savantes chez lesquelles les études de ce genre sont en honneur. Ce rang, vous tiendrez certainement, Messieurs, à le conserver. Le comité des travaux historiques et philologiques vous en facilitera les moyens en faisant publier l'intéressante conférence de M. Meyer qui vous indiquera dans quel sens vos études devront être entreprises, quel est le but à atteindre et quels sont les meilleurs moyens à employer pour y parvenir.

Après ce double appel fait par le comité au zèle et à l'érudition des savants de province, M. Combes, de la faculté et académie de Bordeaux, continue la série des communications par la lecture d'un mémoire intitulé : La République de Genève dans ses rapports avec la monarchie française jusqu'à la révolution.

M. Hippeau, secrétaire de la section d'histoire, lit, au nom de M. de Grammont, président de la Société historique algérienne, un fragment de son histoire du commerce aux échelles du Levant et de Barbarie. Tous ceux qui suivent avec un attentif intérêt les travaux historiques se rapportant à l'Algérie sauront gré à M. de Grammont d'avoir écrit cette curieuse page d'histoire qui nous fait connaître quelles difficultés s'opposaient autrefois à l'établissement des commerçants Français dans le Levant et dans les Etats barbaresques.

Comme toujours, M. de Grammont puise ses renseignements aux meilleures sources et donne l'exemple de cette scrupuleuse exactitude si importante en matière d'histoire, exactitude qui, jointe aux charmes du style, fait de son mémoire une œuvre intéressante et attrayante au premier chef.

Le tableau que fait M. le Président de la Société historique algérienne des obstacles que rencontraient les négociants français pour s'établir dans le Levant et en Barbarie est vraiment saisissant.

On ne se fera qu'une idée incomplète de ces entraves lorsqu'on saura que jusqu'à la révolution de 1789, les ordonnances royales exigeaient que le négociant qui voulait fonder une maison de commerce dans ces contrées se fit agréer par le Roi et par la chambre de commerce de Marseille, qu'il fit preuve d'orthodoxie, qu'il déposât un cautionnement ou se procurât des répondants. Il ne pouvait emmener ni sa femme ni ses enfants âgés de moins de 15 ans ; il lui était interdit de se marier au lieu de sa

« PreviousContinue »