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» mieux faire comprendre les causes, la portée et le caractère des premiers, »>

Cette monographie embrasse, dans une étendue de 276 pages, une durée de 319 ans à partir de 1561. Nous allons aborder quelques-uns des points les plus saillants de cette histoire. Nous verrons ensuite de mettre en relief quelques points de vue qui ne soient pas, au délà d'une certaine mesure, des hors-d'œuvre dans ce travail pour lequel j'ai besoin de toute votre bienveillance.

Voici, du reste, avant d'aller plus loin, la répartition sommaire de cette étude tout entière.

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Première partie. C'est celle que je lis aujourd'hui. Deuxième partie.-Résumé analytique et appréciations diverses sur les procès engagés ou soutenus par les Jésuites de Rodez, et leurs conflits ou controverses avec des membres du clergé sur des questions de théologie ou de morale.

Troisième partie. - Etude analytique et raisonnée sur l'expulsion des Jésuites en France en 1594, sur leur sécularisation ou leur expulsion en 1762 en France, sous Louis XV, et leur suppression dans la chrétienté tout entière en 1773 par Clément XIV. Appréciations sur ces différentes mesures et sur leurs véritables causes; notice sur le marquis de Pombal mentionné dans l'histoire du college comme l'auteur de l'expulsion des Jésuites du Portugal en 1759. Puisque plusieurs histoires portent cette expulsion à l'actif du marquis de Pombal, il n'y a que plus de raison de dresser avec quelque rigueur le passif de cet homme d'Etat qui exerça pendant plusieurs années un pouvoir tyrannique au nom d'un souverain sans dignité comme sans énergie.

Il est à noter que dans l'histoire du collége, le récit qui rend compte de ces faits se trouve condensé dans deux pages et demie, sans comentaire, ni réserve aucune. Cette étendue, suffisante, je le veux bien, dans l'histoire du collége, m'a paru appeler par la nature et la gravité des faits, des développements notables. Il ne s'agit pas, en effet, de critiquer ou de rectifier ce sommaire des vicissitudes de l'illustre Compagnie en France et dans d'autres états ou dans la chrétienneté tout entière. Tout y est d'ailleurs historique sauf à l'égard de l'expression: Réprobation universelle, employée là comme dans tant d'histoires, au sujet de laquelle il y aura bien à s'entendre; mais il m'a paru opportun de commenter dans mon travail, de discuter quelques points et de compléter lar

gement le récit succinct donné dans l'histoire du collége, en vue de l'inconvénient qu'il y a à laisser le lecteur sous l'impression du simple énoncé du fait historique; disons mieux, du fait brutal: accusations, expulsions et autres.

Voilà, Messieurs, sur cette troisième partie de mon travail, un aperçu sommaire qui pourrait suffire à défaut d'une lecture in extenso pour une cause ou pour une autre.

Il n'est pas inutile de prévenir que cette revue des mesures prises contre les Jésuites s'arrête discrètement à 1773, sauf une pointe poussée sur la campagne faite contre eux en 1827 par le fougueux Montlosier, principal auteur de leur interdiction en France à cette époque.

Quatrième partie. Une quatrième partie comprend un résumé analytique de la troisième partie de l'histoire du collége, comprenant le Collége royal, l'Ecole centrale et le Lycée commençant en 1808. Cette partie est suivie d'une comparaison entre l'époque des Jésuites et la période postérieure, au point de vue notamment de l'esprit de suite, de la stabilité et du maintien des conditions normales, le tout terminé par une conclusion.

Tel est notre programme. Après cette digression nous allons faire un résumé de la partie historique du livre. C'est une analyse un peu aride par la nature même des détails qu'il a été possible à l'honorable narrateur de recueillir.

Depuis un temps qui n'est pas précisé il y avait à Rodez, avant les Jésuites, quatre maîtres qui, sous la direction d'un chef portant le nom de maître maje, donnaient l'enseignement primaire et probablement professaient aussi les maigres sciences, dit l'auteur, connues au moyen-âge, sous le nom d'humanités de grammaire et de logique. Les quatre maîtres eurent, dit M. Lunet, le » tort grave d'adopter en secret l'hérésie de Calvin et ils » s'efforcèrent même de la propager. Cette apostasie ne » pouvait avoir lieu impunément dans une ville où l'orthodoxie avait poussé de profondes racines. Les écoles » devaient être fermées et elles le furent. »>

De concert avec le Père Jésuite, Pelletier, récemment arrivé à Rodez avec une grande réputation d'éloquence, et le seigneur de Combret en proie au chagrin d'avoir vu deux de ses fils initiés aux doctrines de Calvin par les maîtres infidèles, le cardinal Georges d'Armagnac s'affermit dans la pensée qu'il avait déjà eue de fonder dans son diocèse un collége dirigé par des Jésuites. La fondation

fut conclue d'accord avec les quatre consuls par acte passé devant Delauro, notaire. Les clauses acceptées, les mains sur les saints évangiles, portaient que les Jésuites ne pourraient exiger de leurs élèves aucune rétribution, que les fondateurs auraient droit d'inspection dans les classes et même de renvoyer les Jésuites le jour où leur enseignement cesserait de convenir.

L'acte de fondation ne fut approuvé ni par le général de l'ordre, ni par le Pape, ni par le roi, soit qu'on ait cru pouvoir ou devoir se passer de cette approbation, soit que le silence de ces éminentes autorités ait été pris pour une adhésion, ou qu'il y ait eu de leur part des raisons pour la refuser ou l'ajourner. Quoi qu'il en soit, cette origine irrégulière sinon illégitime, ajoute l'historien, n'empêcha pas le collége de prospérer. Quatre ans après sa fondation il passa sous l'habile direction du Père Houltonius, lorrain d'origine, connu pour cette raison sous le nom de Jean de Lorraine (Joannes lotharingius).

Grâce aux bonnes dispositions de la province pour le collége et pour les Jésuites et à l'habileté de Jean de Lorraine, cette époque fut marquée par une extension considérable donnée soit aux locaux par acquisitions de maisons, soit au personnel enseignant et étudiant, soit au programme qui s'accrut de trois chaires : belles lettres, physique et théologie.

Le nombre des étudiants s'élevait déjà en 1577, époque du Jubilé, une quinzaine d'années après sa fondation, à 1340 dont 300 environ étaient des gentilhommes. Il est douteux, dit M. Lunet dans une note, que tous ces élèves fussent des latinistes, attendu que la ville avait exigé que les Jésuites enseignassent l'abécédaire. Le nombre des régents s'éleva jusqu'à 40, dont trois devaient se consacrer pendant six mois à la prédication.

Quant aux ressources créées, voici l'énumération aussi serrée que possible des rentes, dotations, propriétés, devenues des dépendances du collége:

1° Allocation de 1000 livres votée par le Bourg.

2o Rente de 300 livres créée par Georges d'Armagnac, à sa charge et à la charge de ses successeurs.

3° Prébende préceptorale ou rente annuelle de 400 livres payée par le Chapitre en exécution d'une ordonnance de Charles IX, confirmée par un arrêt du Parlement de Toulouse et puis par décision du conseil privé du roi.

4° Domaine de Serres, acquis par legs.

5° Prieurés de Faux et de Bès, par résignation des prieurs titulaires, moyennant pension viagère.

6° L'importante abbaye du Monestier, près Chirac, arrondissement de Marvéjols.

7° La domerie de Sainte-Marthe.

8° Prieurés de Sainte-Radegonde et de Saint-Félix. 9° Puech-Carle et Calcomier.

10° Contribution perpétuelle de 300 livres consentie par la province, plus une somme de 500 livres un peu plus tard à cause des charges dont la possession du Monestier était l'occasion par suite des ravages des hérétiques.

11° Contribution perpétuelle et annuelle de 600 livres. d'abord et puis de 900 livres, en tout 1500, imposée par le roi sur la province et répartie entre les trois élections de Rodez, de Villefranche et Millau.

12° Moulin des Atizals; prieurés de Ruines (diocèse de Saint-Flour), de Saint-Bonnet, dans le Gévaudan.

13° Sommes considérables placées en rentes sur le trésor royal, les Etats du Languedoc, le clergé du diocèse. 14° Trois ou quatre cents sétiers de blé et une grande quantité d'autres denrées.

Ces revenus étaient loin d'être liquides. La communauté avait de nombreuses charges; une église dans chaque prieuré à entretenir en bon état; l'entretien de 12 religieux au Monestier; en outre, d'abondantes distributions aux pauvres, du Monestier surtout; un nombre considérable de rentes viagères ou perpétuelles à servir. Six lits pour les pèlerins à Sainte-Marthe et deux personnes pour les servir; de temps en temps des procès coûteux; un personnel nombreux qui, de quatre à la fondation du collége, s'était élevé en peu d'années à quarante, se consacrant exclusivement à l'éducation d'une jeunesse nombreuse ne payant aucune rétribution.

M. Lunet évalue approximativement le capital brut de la communauté à 1 million constitué dans l'espace de 50 à 60 ans et leur revenu à 30 mille francs, ce qui représenterait le taux 3 0/0. En défalquant les charges énumérées ci-dessus, on arrive à ce résultat qu'il faillait beaucoup d'ordre et d'économie aux Jésuites pour faire face à leur propre entretien et aux frais de diverses sortes souvent imprévues qu'occasionnait l'entretien des nombreux bâtiments soit à la ville soit dans leurs nombreuses propriétés. On peut supposer qu'ils recueillaient de nombreux dons volontaires, sans quoi on ne s'expliquerait pas qu'ils aient pu faire les constructions importantes dont nous allons dire un mot un peu plus loin,

A leur égard l'auteur a de temps à autre des tournures ou froideurs d'expression qui pourraient sembler accuser un je ne sais quoi qui n'est pas, loin de là, ainsi que nous allons le voir bientôt, de l'hostilité, mais qui ne peut se traduire non plus, en s'en tenant au texte, par excès de sympathie. Telles sont celles-ci :

« Le Père Pelletier n'avait pas, lui, cette souplesse de » caractère et même d'opinion que l'on a reproché depuis » avec tant d'amertume aux membres de la Société de » Jésus. Le Père Haultonius était persuadé qu'il ne lui » faudrait qu'un peu d'adresse pour se procurer des reve»nus. Il ne se trompait pas. On va le voir à l'œuvre. Jean » de Lorraine ne s'en tint pas à ce premier succès.

l'ingénieux recteur du

» L'entreprenant recteur, » collége trouva un moyen on les vit acquérir succes>>sivement Puech-Carle et Calcomier. Ils allèrent jus» qu'à convoiter le beau domaine de Canac. — L'activité » des Jésuites était grande pour augmenter leurs revenus >> et diminuer leurs dépenses on les vit obtenir en » 1638 un arrêt de la cour des aides de Montpellier qui » déclara terre noble (exempte d'impôts) l'emplacement » du collége, le domaine de Calcomier, etc. Ainsi, grâce » à l'esprit alerte et éveillé de ses chefs et au bon vouloir » du pays, le collége devint presque millionnaire dans » l'espace de 50 à 60 ans. >>

Il y a là, comme on voit, quelques jets qui, sans porter atteinte à l'exactitude historique, donnent assez à comprendre que l'honorable historien n'est pas enthousiaste pour l'illustre Compagnie, au-delà de ce que comporte l'impartialité en histoire. De plus, quelques-unes de ces tournures pourraient paraître à quelques-uns accuser, chez les Jésuites, un peu trop d'âpreté à acquérir et à posséder. Comme propriétaires et rentiers, ils finirent en effet par faire belle figure. Mais n'oublions pas qu'ils avaient dû, dès la fondation du collége, s'interdire d'exiger aucune rétribution de leurs élèves; ce qui ne les obligeait nullement à repousser les témoignages effectifs que la reconnaissance de ces derniers, ou celle de leurs parents, pourrait les porter à leur donner.

Le principe de leurs ressources était donc dans la bienveillance du public, dans la confiance et la reconnaissance des parents; dans leur adresse, ou même leur souplesse, leur habileté, leur esprit ingénieux, alerte et éveillé pour faire arriver l'eau au moulin.

Enlevons-leur ces moyens, et nous les verrons végéter comme pendant les premières années avant l'arrivée de Jean de Lorraine, où il leur arriva souvent, dit l'histoire

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