Page images
PDF
EPUB

« Rodez, 12 avril 1878.

« Monsieur le Président,

Un poète méridional déjà célèbre, M. Mistral, a adressé au Conseil général une demande de souscription à son grand dictionnaire de la langue d'oc.

>> Le Conseil général a cru ne pouvoir mieux témoigner ses sympathies pour une œuvre que recommande le nom justement populaire de son auteur qu'en renvoyant sa lettre et le prospectus, qu'elle accompagne, à la Société des lettres, sciences et arts.

>> Pleinement compétente pour apprécier cette publication, la Société des lettres, sciences et arts éclairera par son rapport le Conseil général sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir, pour notre département, à placer l'œuvre du célèbre provençal dans quelqu'une de nos bibliothèques publiques.

» La Société des lettres, sciences et arts verra en même temps dans ce renvoi une marque particulière de la haute estime qu'a pour ses travaux le Conseil général. » Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération,

» V. DE BONALD,

» Président du Conseil général de l'Aveyron. » M. le président dit que la Société, après le rapport qui lui a été présenté par M. Vésy, a souscrit au dictionnaire provençal-français publié par Frédéric Mistral. Il pense donc que la meilleure réponse à faire à la bienveillante demande de M. le président du Conseil général est de lui envoyer ce rapport, en lui faisant connaître la décision qui en a été la suite.

M. le président donne lecture de la communication suivante qu'il a reçue de M. Advielle:

« Paris, 13 mai 1878.

>> Monsieur le Président de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron,

>> Je m'empresse de vous donner la primeur d'une importante découverte archéologique qui vient d'avoir lieu, rue Nicolle, à Paris, sur l'emplacement d'un cimetière gallo-romain.

» On a trouvé, à deux mètres de profondeur, une tombe d'enfant, en pierre, bien conservée. Ce qui donne un intérêt exceptionnel à cette découverte, c'est que le ciment qui avait servi à sceller la tombe, avait, en partie, coulé

sur le visage de l'enfant, et en avait gardé l'empreinte. Nous nous trouvons donc en présence d'un monument unique en France : l'empreinte du visage humain au II° siècle de notre ère. Par mes soins et ceux de M. Landau, propriétaire du terrain, cette empreinte a été moulée, ainsi que le crâne trouvé dans la tombe, et bientôt le monde savant sera convié à admirer la belle figure d'un petit Parisien datant des origines de la France.

>> Le cimetière dont il s'agit, auquel avait succédé un cimetière mérovingien, et qui avait reçu également des débris d'églises du moyen-âge, n'avait, fait rare, jamais été violé. Aussi y a-t-on retrouvé déjà plus de 500 objets, presque tous en parfait état de conservation: inscriptions; vases gaulois et romains, en terre, de toutes formes, plusieurs avec ornements et noms de potiers, l'un d'eux avec ce mot peint en blanc sur la panse: Ave; fibules et autres objets en verre; dés à jouer; petit bronze (reste de lampe) de l'empereur Nerva; objets de toilette de femme; boutons, boucles d'oreille, épingles (en os et en plomb), collier, etc.

Un terrain contigu, et qui en dépendait, avait fourni, il y a quelques années, plus de 800 objets, dont la plupart ont été donnés par le propriétaire au musée Carnavalet. » La tombe de l'enfant ne renfermait que des os humains et une fibule en verre.

Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le Président, l'assurance de tout mon respect.

» Victor ADVIELLE. »

M. le directeur de l'école normale a continué d'adresser à la Société, avec son exactitude et son obligeance habituelles, les résultats des observations météorologiques recueillies dans cet établissement pendant les deux dernières années.

Désireux de présenter pour ces deux années, comme cela a été fait pour les trois années précédentes, le résumé des observations mensuelles, M. le président a groupé ces observations dans des tableaux synoptiques semblables à ceux que contiennent les deux derniers fascicules des procès-verbaux de la Société.

Toutefois en déposant ces tableaux, il croit devoir faire remarquer que, par suite de divers accidents, et notamment par suite de la rupture de certains instruments d'observation, tels que thermomètres, pluviomètres, etc., il existe dans la série des observations diurnes plusieurs lacunes qui ne permettent pas de déduire avec précision les moyennes mensuelles et annuelles.

Dans ces circonstances, M. le président croit plus sage de ne point publier les tableaux synoptiques, que de s'exposer à donner des chiffres qui pourraient être entachés d'erreur. I propose donc d'ajourner la publication des tableaux qu'il vient de déposer jusqu'au moment où il serait possible de combler les lacunes existant dans les observations communiquées.

Il rappelle qu'un comité météorologique départemental a été institué par les soins de l'administation, et il pense que, dans les observations recueillies par le comité, la Société pourrait, peut-être, trouver le moyen de combler les lacunes signalées.

Un membre fait observer que ces expériences faites sur divers points et par diverses personnes ne peuvent donner un résultat satisfaisant et qu'il faudrait au moins pouvoir établir un terme de comparaison.

Un autre membre émet l'avis de s'en rapporter aux expériences de la commission météorologique du département. L'assemblée adopte ce dernier moyen et décide que la Société se mettra en rapport avec cette commission.

Il est ensuite donné lecture des mémoires et rapports suivants :

Rapport de M. Lacombe sur l'ouvrage de M. Henri
Vergnes NOTE SUR LE CADASTRE.

La Société des lettres, sciences et arts m'a fait l'honneur de me charger d'un rapport à lui présenter sur l'ouvrage dont M. Vergnes lui a fait hommage et qu'il a humblement intitulé: Note sur le cadastre. Je suis d'autant plus heureux de cette mission, que j'avais lu cet opuscule avec le plus grand plaisir, que je l'avais même étudié avec le soin qu'il mérite. Il résume, en effet, en quelques pages les discussions qui, depuis plus d'un siècle, ont maintenu la question du cadastre foncier à l'état d'actualité et dont l'intérêt est allé, on peut le dire, en croissant jusqu'à ce jour.

Quelques mots d'abord sur l'occasion qui a entraîné M. Vergnes à l'écrire. Le gouvernement a élaboré un projet de loi relatif au cadastre et à l'assiette de l'impôt foncier; il a demandé l'avis des conseils généraux. Le conseil général de l'Aveyron a voulu préalablement que ce projet fût mis à l'étude par la Société d'agriculture du département de l'Aveyron, et c'est comme rapporteur du comité permanent de cette Société que M. Vergnes a étudié la question, qu'il a résumé ses études dans la brochure dont j'ai à rendre compte, ainsi que dans les

propositions qui la terminent et qui vont être soumises au vote de la Société d'agriculture.

L'on comprendra par cet exposé que la Note sur le cadastre puisse être examinée à deux points de vue distincts l'un historique et scientifique, l'autre qui se rattache aux questions d'assiette de l'impôt, à la constitution de la propriété territoriale, et à quelques autres considérations tenant de près à l'économie politique et sociale.

Au point de vue historique et scientifique, il était difficile de faire connaître d'une manière plus lucide et plus intéressante l'origine historique du cadastre; les dispositions législatives, les règlements administratifs qui, depuis 1790 jusqu'à nos jours, ont réglé le mode d'exécution du travail considérable que nécessite son établissement; ses rapports avec l'assiette plusieurs fois modifiée de l'impôt foncier, ainsi que les critiques dont il a été l'objet, les projets divers émis sur sa révision ou sur son renouvellement, et enfin l'état actuel de cette question si ardue. Vous donner une analyse de cette partie de l'œuvre serait un travail bien difficile, il faudrait à peu près tout citer; les ciseaux maniés par la critique la plus sévère auraient si peu à retrancher que je serais placé entre deux alternatives: une lecture à peu près complète ou un résumé tellement aride, tellement surchargé de détails techniques, qu'il ne trouverait pas grâce devant vous, surtout alors qu'il serait dépourvu des qualités de style que l'on remarque dans l'étude dont je vous entretiens. Je me contenterai de dire que la Note sur le cadastre revêt un caractère essentiellement original en ce qu'elle s'applique à chaque page à ce qui s'est fait dans notre département, aux intérêts de notre agriculture locale; en ce qu'elle cite des faits qui se passent autour de nous et que nous avons tous le plus grand intérêt à bien connaître et à bien apprécier; en ce que cette application aux faits locaux jette un jour tout nouveau sur les idées mêmes qui avaient été précédemment émises et que l'auteur accepte ou réfute.

Mais le point culminant de l'œuvre de M. Vergnes au point de vue historique est la note annexe sur les travaux de l'assemblée provinciale de la Haute-Guienne en ce qui concerne le cadastre (1779-1789). Elle débute par des détails intéressants sur l'ancien impôt foncier, la taille réelle, et sur le mode d'allivrement ou d'assiette de cet impôt. Après ces préliminaires indispensables, suit un récit rapide et entraînant des travaux gigantesques qu'e exécutés en peu de temps l'assemblée provinciale. Les figures des principaux auteurs de ces travaux, Henry de

Richeprey, Calmels de la Bessière sont vigoureusement tracées et, à la suite de M. Vergnes, le lecteur s'intéresse à ces caractères sympathiques, à cette manifestation si brillante de la vie provinciale, d'une décentralisation après laquelle nous soupirons et dont cependant nos pères jouissaient il y a plus d'un siècle. Nous arrivons à la fin de cette belle étude historique en regrettant que les coups de tonnerre de la Révolution, pour emprunter l'expression de l'auteur, aient interrompu des travaux si bien commencés ; qu'au lieu de continuer à édifier ou à réformer ce qui existait, les auteurs de la Révolution aient préféré établir de toutes pièces un nouvel ordre social, sur les ruines presque systématiquement répandues autour d'eux.

Le second point de vue sous lequel doit être envisagée la Note sur le cadastre, celui que l'on peut qualifier d'étude d'économie politique et sociale, s'éloigne un peu plus du but ordinaire de nos travaux, et je ne pourrais cependant le négliger sans tronquer le rapport que vous m'avez demandé. Je n'oublierai pas, du reste, que je ne dois, dans cette enceinte, qu'indiquer les questions et leur solution, sans entrer dans une discussion étrangère à notre rôle.

L'importance du cadastre, dit M. Vergnes, est double: fixer l'assiette de l'impôt foncier, en assurer l'égale répartition suivant les principes d'une juste proportionalité, c'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas assez. Le cadastre bien fait doit être le livre terrier de la propriété foncière; il doit servir de titre au propriétaire d'immeubles; il doit, par sa perfection et sa permanence, mettre fin à ces nombreux procès, revendication de propriété, délimitation ou bornage, contestations de servitudes, que M. Vergnes paraît connaître presque aussi bien que si sa vie s'était passée à en suivre au palais les développements. La conséquence de cette haute idée de l'importance du cadastre est logique ; il faut demander énergiquement la révision ou la reconfection de celui qui existe, mais dont l'insuffisance est démontrée; il faut en assurer la permanence par la création de géomètres-conservateurs; il ne faut reculer ni devant les frais d'une semblable opération, ni devant les délais qu'elle nécessitera, ni devant les conséquences qui en pourront résulter; il faut enfin donner à cette exécution les développements qui doivent en assurer tous les bienfaits, abornements et échanges obligatoires, réforme de notre régime hypothécaire, modifications dans les ois civiles et de procé

« PreviousContinue »