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Et je vois maintenant que l'amour sans limite
Pend un amant muet, met sa voix en prison,
Pour définir sa flamme il faut l'avoir petite.

Il faudrait citer en entier le sonnet CLVIII. Le poète a pris un gant à Laure, et il se désole d'être obligé de le lui rendre :

Gant mignon, gant charmant, quel plaisir tu me causes !

Tu recouvrais l'ivoire et les plus fraîches roses!

Qui donc telle dépouille au monde vit jamais.

Ne sont-ce pas encore de beaux vers que ceux-ci :

Il ignore comment l'amour tue et console
Celui qui ne connait ni sa douce parole,
Ni ses soupirs si doux, ni son rire charmant.

Je ne dis rien de quelques sonnets qui jouent sur les mots et sont des prodiges de dextérité d'esprit de la part de Pétrarque. Ce sont des tours de force que de les avoir mis en français et M. Poulenc y a réussi très-heureusement.

Les Triomphes, songes allégoriques, couronnent le second volume. Le poète célèbre le triomphe de l'amour sur son cœur, de la chasteté de Laure sur l'amour, de la mort sur Laure, de la renommée sur le cœur du poète. Le Temps anéantit les trophées de l'Amour et l'Eternité ceux du Temps. La mythologie, l'histoire y sont mêlées avec les fictions du poète. Ce n'est pas un mince mérite à M. Poulenc de s'être retrouvé dans tout cela et d'avoir ainsi mis sous nos yeux une composition fort appréciée sans doute des contemporains de Pétrarque, mais qui ne saurait nous plaire qu'à titre de curiosité littéraire.

Je suis heureux de signaler au milieu de tous ces chants voués à célébrer de frivoles, sinon de coupables amours, une fort belle canzonne à la Vierge. Le poète se repent d'avoir follement livré son cœur et il demande à la Mère de Dieu protection pour sa dernière heure :

Vierge, après tant de pleurs, tant de vaines prières,
Après m'être bercé d'un espoir erroné,

Quel est donc mon profit? Des peines, des misères !
Depuis que sur les bords de l'Arno je suis né,
Parcourant tantôt l'une et tantôt d'autres terres,
Mes jours furent sans cesse un tissu de tourments;
Je fus toujours captif des prestiges charmants
D'une beauté périssable.

Vierge sainte et secourable,

Ne tarde point, je suis du tombeau sur le bord ;
Mes jours plus vite ont fui que la flèche légère
Dans le péché, la misère.

Maintenant je ne dois attendre que la mort.

(CANZ. VIII, tom. II.)

On porterait, en effet, un jugement bien peu équitable sur Pétrarque et sur sa vie si on se le figurait toujours soupirant vers Laure. Outre qu'il fut un grand patriote il sut se montrer un illustre pénitent. Peu d'hommes ont été recherchés, admirés, adulés autant que lui. Il eut l'amitié des prélats et des princes, et le peuple le révéra. Il est consolant de le voir à la fin de sa vie exhorter Bocace à renoncer à la vie licencieuse et frivole et s'entretenir avec le trop fameux auteur du Décameron de sujets de religion et de piété. Il est plus beau encore de le surprendre écrivant des lettres que saint Jérôme ne désavouerait pas, et s'adonnant lui-même aux pratiques de la plus austère pénitence. Peu d'entre ceux qui liront le livre de M. Poulenc soupçonneront que le chantre infatigable de l'amour soit mort en odeur de sainteté et que les plus pieux personnages de son temps aient prononcé dans les pleurs son oraison funèbre. Nous aurions voulu que M. Poulenc insistât un peu plus sur ce point si intéressant de la vie du poète dans la notice qu'il lui consacre en tête de son œuvre. Mais une affirmation que nous nous permettons de contredire, comme étant au moins trop absolue, c'est le dédain et l'indifférence prétendus qu'aurait eu Pétrarque pour Dante, le génie le plus sublime de l'Italie. Les deux illustres Florentins ne se rencontrèrent pas, il est vrai, et Pétrarque semblait mettre moins d'empressement à étudier Dante, qu'il trouvait partout, qu'à rechercher les œuvres plus rares d'autres modèles. Peut-être aussi la peur d'un tel rival, déjà si populaire, le faisait-il se taire sur sa personne et son ouvrage. Le génie de l'Alighieri est d'ailleurs si éloigné du genre d'esprit de Pétrarque et leur langue est si différente! Mais conclure de là à l'indifférence et au mépris de celui-ci pour Dante est aller trop loin.

Pétrarque a eu soin de relever lui-même cette calomnie, qui avait cours de son temps, dans une lettre qu'il adressa à Bocace pour remercier celui-ci de l'envoi qu'il venait de lui faire de la Divine Comédie : « Les louanges » que vous lui donnez, dit-il, sont vraies... J'applaudis » à vos vers et m'unis à vous pour louer ce grand poète, » vulgaire par le style mais très noble par ses pensées... » Je saisis cette occasion pour me justifier d'un reproche >> que me font mes ennemis. Ils prétendent que je hais et » que je méprise ce grand poète, voulant par là me ren>>dre odieux au peuple dont il fait les délices... S'il » vivait encore et si son caractère me convenait autant » que son génie, il n'aurait peut-être pas de meilleur >> ami que moi. »>

Nous comprenons que M. Poulenc se soit épris d'un culte passionné pour le chantre de Laure. Telle a été la destinée de cet homme illustre d'avoir de nombreux amis de son vivant et des amis non moins nombreux depuis sa mort. Notre collègue grossira honorablement pour sa part et le chœur des admira..uns de Peiratena et 1a. bibliothèque que l'on ferait avec les ouvrages qui ont été composés sur ses œuvres et sur sa vie. Beaue Pos. Le ce pauvre aveugle, maître de grammaire à Ponze, oli, fanatique admirateur du poète, et qui avait traversé à pied l'Italie pour le saluer, auraient eu le droit de lui dire : «Je crains de vous être à charge, mais je ne puis me » rassasier de vous voir, et il est juste que vous me lais» siez m'enivrer d'un plaisir que je suis venu chercher » de si loin et avec tant de fatigue. » M. Poulenc s'est donné la joie de vivre pendant vingt-cinq ans dans le commerce d'un esprit délicat, élevé, charmant, épris, croyons-le, d'un chaste et idéal amour. Pendant vingtcinq ans il a mis et remis son ouvrage sur le métier, ce n'est pas nous qui troublerons la joie qu'il doit ressentir de voir son œuvre achevée, le plaisir qu'il est venu chercher de si loin et avec tant de fatigues.

Nous le remercions de l'hommage qu'il a bien voulu faire à notre société, nous le complimentons avec admiration d'avoir si énergiqnement persévéré dans la poursuite de sa laborieuse tâche.

Heureux auteur, dirons-nous en finissant, qui a pu donner ses loisirs pendant un quart de siècle à une œuvre préférée, séjourner en Italie pour mieux étudier Pétrarque, visiter Vaucluse qui garde les vestiges de Laure, et se faire imprimer chez Jouaust.

Rapport de la commission chargée d'étudier la proposition de M. l'abbé Revel, tendant à faire imprimer aux frais de la Société un travail sur la botanique.

Messieurs,

Dans votre dernière séance, vous avez désigné une commission pour examiner la propositien de M. l'abbé Revel, tendant à faire imprimer aux frais de la Société un ouvrage sur la Botanique, dont il est l'auteur. Cette commission m'a chargé de vous exposer son avis sur les motifs qui l'ont inspiré.

Les membres de cette commission ont été, tout d'abord, favorablement impressionnés par la lecture des extraits de cet ouvrage qui ont été déjà publiés et que l'auteur vous a adressés. Ils ont trouvé en effet, dans ce travail

ce soin dans les recherches, cette clarté dans l'exposition, cette précision dans les termes, cette minutie dans les descriptions qui caractérisent les vrais botanistes. D'un autre côté, ils ont pu facilement se convaincre que le but poursuivi par M. Revel est tout autre que celui de M. Bras. Le livre publié récemment par ce dernier, n'a donc pas rendu inutile l'ouvrage dont il est ici question.

C'est dans ces dispositions bienveillantes que votre commission s'est mise en rapport avec M. l'abbé Revel, pour obtenir de lui la communication de son manuscrit. Elle a été fort surprise en apprenant que ce travail n'était pas encore terminé et que, dans la pensée de son auteur, il devait être publié en livraisons ou fascicules, au fur et à mesure de son achèvement.

Tous les membres de la commission ont cru qu'il serait imprudent de s'engager dans cette voie qui constituerait un fâcheux précédent. Ils ont pensé qu'il n'y avait aucun inconvénient à retarder encore l'impression de cet ouvrage, jusqu'au moment où il serait achevé. Il semble d'ailleurs qu'un livre de 500 pages a une trop faible étendue pour être publié par fascicules.

En conséquence, Messieurs, la commission dont je suis l'organe, vous propose d'ajourner toute résolution jusqu'au jour où le manuscrit de M. l'abbé Revel vous sera communiqué en entier.

L'assemblée approuve le budget présenté pour l'année 1878 et renvoie à M. Vergnes pour être l'objet d'un rapport les comptes du trésorier pour 1877.

M. le président dépose sur le bureau les programmes des sujets mis au concours par la Société des arts et sciences de Carcassonne et par l'Académie de Nîmes.

Ode à Pie IX, par M. l'abbé Bessou. Cette poésie, dont la lecture a été écoutée avec le plus vif intérêt, est renvoyée à la commission chargée de la publication des Mémoires.

Mémoire de M. Cabrol sur Segodum. Ce travail est renvoyé à la commission chargée de la publication des Mémoires.

Mémoires de M. l'abbé Lafon sur une inscription du château de Morlhon. Ce travail et l'estampage de la pierre sur laquelle est gravée l'inscription objet de cette étude sont renvoyés à la commission chargée de la publication des Mémoires.

155° séance.

N

Achats et dons divers.

POUR LE MUSÉE.

La Société a acheté : Un quart d'écu, qui doit être très rare et se trouve bien conservé, émis les premières années du règne de Louis XIV.

A. Croix fleurdelisée, évidée en cœur avec le point secret. Légende précédée d'un monogramme (BD), qui est sans doute le déférent : LVDOVICVS. XIV. D. G. FRANC. ET. N. REX.

R. Ecu parti de France, tiercé de Navarre et de Béarn, couronné entre les lettres numérales II — II. Légende suivie du millésime et de la lettre monétaire :

**. GRATIA. DEI. SVM. ID. Q. SVM. 1644. B** Argent, poids: 9 grammes.

Elle a reçu:

De M. le maire de Rodez : Un fusil à aiguille, essai de système, transformé de fusil à pierre, très curieux pour son ancienneté relative, et un autre à percussion, d'amateur, provenant des combles de l'Hôtel-de-Ville.

De M. André Fabre, menuisier Une tête de saint en pierre, moyen-âge, provenant de la démolition d'une maison sur l'emplacement de celle qu'il fait construire, boulevard Sainte-Catherine.

De divers Quelques vieilles monnaies et quelques objets d'histoire naturelle.

De M. Valadier: Une ardoise des houillères de Gages portant l'empreinte un peu empâtée d'un lézard ou d'un poisson.

POUR LA BIBLIOTHÈQUE ET LES ARCHIVES.

La Société a acheté : OEuvres de M. de Bonald, 1854. 7 vol. in-8°, reliés, provenant de la succession Teulier. Pouillé général de 1760. Province d'Alby, comprenant les diocèses d'Alby, de Rhodès, de Castres, de Cahors, de Vabres et de Mende (Revenus suivant le pouillé des divers diocèses). M. de Gaujal, dans ses Etudes historiques sur le Rouergue dit, tome 1er, page 480: « On n'a pas le pouillé du diocèse de Vabres. » Manuscrit de luxe, reliure magnifique, mar. n., nerv., fil. avec les armes du cardinal de Bernis sur les plats et tr. dor., gardes de pap. peigne.

Outre les ouvrages mentionnés au procès-verbal, elle a reçu :

Du Conseil général Un exemplaire du Catalogue des plantes vasculaires du département de l'Aveyron, par

M. Bras.

De M. le maire de Rodez Plan de la ville de Rodez,

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