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Chaque année, le jour de la fête de la Société, son digne président, avec une bonté toute paternelle, donne à tous les associés et aux invités un bal qui est attendu avec impatience par toutes les jeunes filles et les jeunes gens de la vallée.

Sur la façade du château, on remarquait un transparent où se lisaient ces mots: Honneur aux bons ouvriers! Tout le parc était illuminé avec des lanternes de couleur. Dans la grande orangerie, les outils de chaque état et les ustensiles de ménage des ouvriers formaient des trophées, trophées glorieux du travail. Des écussons portaient les noms des communes du canton qui font partie de l'association. De distance en distance, on lisait des devises qui rappelaient les devoirs, base de la Société : Travail, ordre, économie, moralité, etc.

La principale salle de danse était dans cette orangerie ornée avec tant de goût. Mais la foule des danseurs n'a pas tardé à refluer au milieu des allées du parc, dans toute l'étendue duquel parvenait l'harmonie d'un puissant orchestre. Ouvriers et bourgeois, toutes les classes et les positions, se mêlaient dans les quadrilles et les polkas. Les danses se sont prolongées jusqu'à cinq heures du matin. M. et Mme Sylvain Caubert ont fait les honneurs de la fête avec une grâce et une affabilité qui ont enchanté tous les associés et les invités.

Les autorités religieuses et civiles du canton assistaient à la fête.

Les gendarmes, présens pour maintenir l'ordre, n'ayant pas leur autorité à exercer, se sont mis à danser. Pendant cette nuit joyeuse, où quatre mille personnes ont circulé dans ce beau parc, pas une branche d'arbre n'a été brisée, pas une fleur n'a été cueillie.

En quittant la fète de Soisy, tout le monde répétaît la devise du transparent de M. Sylvain Caubert: Honneur aux bons ouvriers! Et nous ajouterons: Heureux les ouvriers qui possèdent de bons patrons! — A. de Saint-Chéron.

Aux renseignements qu'on vient de lire nous ajouterons que la société de secours mutuels de Montmorency, société libre et ancienne déjà, a servi de modèle à beaucoup d'autres institutions du même genre. On voit que la religion préside à ses principaux actes et bénit ses progrès. Pour donner une idée de sa prospérité, il suffit de dire qu'elle assure à chacun de ses membres, en cas de maladies ou d'infirmités, outre les secours médicaux, une subvention de deux francs par jour. Elle a fait des économies et possède plus de vingt mille francs en caisse. Voilà un exemple de ce que peut produire une association, dégagée de tout esprit de parti, en dehors de toute entrave comme de toute assistance administrative, sans autre appui que la probité sévère et la bonne conduite de ses membres, sans autre coopération que le zèle désintéressé des hommes de bien.

DIOCÈSE DE LIMOGES. - Une cérémonie religieuse, qui avait attiré une foule immense, a eu lieu dimanche dernier dans la commune de Lacroixde-l'An-Douze, près de Limoges. Mgr Buissas a béni et posé la première pierre de la nouvelle église Saint-Martial. Toutes les autorités du département assistaient à cette solennité, que le temps le plus magnifique n'a cessé de favoriser, et dont la commune gardera un long et pieux souvenir.

SALON DE 1853. (Premier article).
Sujets religieux.

Encore un voyage fait par les Beaux-Arts qui, en attendant l'hospitalité définitive que leur promet M. Visconti dans une aile spéciale du Louvre nouveau, ont, depuis plusieurs années, couru des Tuileries au Palais-Royal, -alors National, et viennent enfin de remplacer, aux Menus-Plaisirs, les décorations de l'Opéra. Ainsi, les expositions annuelles sont devenues de véritables voyages pour les Fauvres artistes et leurs œuvres. Où serons-nous logés? ont-ils pu demander chaque année. Et tantôt on les envoyait dans ces Tuileries encore souillées du passage des révolutionnaires; tantôt on les enfermait dans la cour de ce Palais-Royal où l'émeute avait laissé tant de traces de ses furcurs. On comprendra aisément que ces changements continuels n'ont pu tourner au profit de l'art, à qui il faut une atmosphère calme, un sanctuaire assuré et inviolable. Acceptons cependant en 1853 le Conservatoire des Menus-Plaisirs, puisque nous avons pour l'avenir une perspective plus consolante.

Avant d'aborder l'examen des œuvres nouvelles qui se pressent sous nos yeux, nous répondrons à un thème que certains esprits chagrins ne se lassent point de reproduire. Le système des Expositions annuelles rencontre toujours les mêmes critiques. Qui ne comprend cependant les avantages que l'Art peut retirer du contact fréquent et régulier qu'on lui ménage avec le public; et ce que, de son côté, le public retire de connaissances, de goût, d'attrait, de ce commerce dans lequel il entre avec les œuvres contemporaines? L'épreuve renouvelée souvent devient ainsi utile à tous, à la réputation des uns, à l'esprit des autres. La date rapprochée des Expositions n'est d'ailleurs pas un motif pour que les travaux des hommes consciencieux soient précipités : seulement, elle ouvre une carrière plus large à ceux qui traitant des sujets restreints et se bornant aux petites dimensions, peuvent régulièrement user de ce bénéfice et ne pas se laisser oublier.

La dernière année du xvIIe siècle vit la première Exposition solennelle qui ait eu lieu en France, grâce à la bonne pensée de Mansard et à la munificence de Louis XIV qui accorda sa galerie du Louvre, décorée à cette occasion de riches objets et de belles tapisseries. A l'entrée, se trouvaient placés les portraits du Roi et du Dauphin sur une estrade couverte d'un tapis et surmontée d'un grand dais de velours vert, avec des galons et des crépines d'or et d'argent. Au milieu même de la galerie, on voyait une petite statue équestre du Roi, par Girardon, modèle précieux que les vicissitudes du sort et de la politique ont conduit au trésor de Dresde. Ce fut dans cette première fête des arts qu'on put admirer la Descente de Croix, par Jouvenet. Beau début pour l'Ecole française. - Cinq ans après seulement, eut lieu la deuxième Exposition, à l'occasion de la naissance du duc de Bretagne, l'aîné des petits-fils de Louis XIV.

De 1737 à 1751, elles se firent régulièrement chaque année; puis elles devinrent bisannuelles. Généralement, tout compris, il n'y avait guère que cent cinquante morceaux: c'est qu'alors on ne pouvait présenter ses œuvres qu'avec un diplôme d'académicien. Plus tard, ce privilége un peu trop absolu fut aboli. De nos jours, on est arrivé à des chiffres de 4,000..... nombre réduit en 1853 par les rigueurs du jury d'examen à 1,758 ouvrages, ce qui n'est pas peu de chose encore.

Il faut le constater et il est permis d'en gémir: la tendance de notre époque est d'augmenter à l'infini l'émulation, la concurrence,

pardon de ce mot commercial, -de simplifier les méthodes, d'aplanir les difficultés, par conséquent de multiplier sans cesse les producteurs, quelquefois au détriment du mérite de la production.

Nous prendrions notre parti de ce mouvement un peu trop mercantile, si nous ne voyions avec douleur le public étourdi par une fanfare d'annonces, courir vers les réalités exagérées, grotesques, forcenées que veut nous imposer l'école du laid, l'école du prétendu vrai, l'école des Courbet et compagnie; se presser devant des exhibitions aussi niaises que licencieuses, devant les scandaleuses amorces jetées aux sens! On dit que le jury s'est montré sévère : nous disons, nous, qu'il ne l'a pas été assez; car son devoir était d'exclure les Baigneuses de M. Courbet, l'Idylle de M. Gérôme, et autres productions de ce genre qui sont le déshonneur de notre Ecole.

Quand on se reporte au souvenir des maîtres qui ont illustré la France, des David, des Gérard, des Girodel, des Prudhon, des Guérin, des Gros, des Ingres, pour ne pas remonter plus haut, l'on rougit du temps présent et l'on ne peut hésiter à avouer que jours de la décadence sont arrivés.

les

Et cependant, il y a aujourd'hui énormément de talent. C'est le talent spirituel, fin, courant, facile, le talent d'exécution; le vaudeville et le feuilleton dans l'art. Avec de petits sujets et de petits cadres vous obtenez des choses charmantes. Mais sauf quelques hommes consciencieux, la masse a déserté la grande peinture; et parmi ceux qui cherchent à rester fidèles à ce culte, il en est bien peu qui par la pensée, la science et l'élévation du style soient capables de faire ce qu'ils rêvent.

L'Art religieux surtout, cette expression par excellence de ce que le génie humain peut retracer de plus sublime, n'est que bien faiblement représenté au Salon de 1853. Nous l'y avons cherché tout d'abord; nous avons demandé à ces toiles qui ambitionnent l'honneur de surmonter nos autels le secret de cette pensée, de cette foi, de cette poésie toutes divines, qui animèrent, au xvr et xvir siècle, les maîtres des écoles d'Italie, d'Espagne et de France.

Mais ne soyons pas trop exigeant et, en l'absence de cette foi générale qui élevait le cœur et soutenait la main des artistes, sachons

tenir compte des efforts isolés qui se produisent encore aujourd'hui. Nous devons la première place à la Mort de la Sainte Vierge, par M. Lazerges. Sans doute la couleur manque de vigueur et d'éclat, sans doute les tons sont trop crus et jaunâtres mais ce défant est amplement racheté par l'habile disposition des personnages groupés autour du lit funèbre. L'expression de chacun d'eux a un caractère vraiment religieux. Sur le premier plan, l'on admire ce groupe d'une jeune mère à genoux tenant un de ses enfants dans ses bras et conduisant l'autre au pied du lit de la sainte Vierge. Cet enfant sème avec grâce des fleurs, symbole de la bonne odeur virginale que répand le corps de la Mère du Sauveur.

La Sainte-Vierge, a inspiré ceux qui lui ont consacré leur pinceau. Ainsi l'Annonciation, de M. Jalabert, est une composition aussi bien exécutée que bien conçue. L'ange est vraiment aérien; c'est un pur Esprit descendu du ciel avec une mission divine, et rien n'est plus naturel que le mouvement de saint effroi avec lequel Marie se presse contre la muraille en entendant la bonne nouvelle. Nous félicitons l'église à laquelle le Ministère d'Etat enverra ce tableau commandé d'avance. Ce n'est pas par un style ferme et magistral que brille la Sainte-Vierge offrant des fleurs dans le Temple, ouvrage de Mme Brune: mais quelle tête ravissante et quelle agréable couleur ! Nous n'avons rien à dire de la Nativité de la Sainte-Vierge, par M. Brunel-Rocque; c'est pâle et gris. M. Dauphin a choisi dans cette sublime existence la scène la plus forte et la plus déchirante: il a exposé une Mater dolorosa en contemplation devant le Christ mort et ensanglanté. Il y a sur cette toile un deuil morne et profond. Nous pouvons affirmer que M. Dauphin a compris et senti toute l'élévation de son sujet.

Nous n'avons encore que des éloges à décerner au Christ de Mme Guizard. « Je suis la voie, la vérité et la vie; nul ne peut venir au ◄ Père que par moi, telles sont les paroles de S.-Jean que cet artiste a traduites. Mme Guizard s'est attachée surtout à tenir la tête du Christ dans un ton lumineux et à lui imprimer un caractère de doucenr divine. Que ne pouvons-nous en dire autant de l'œuvre bizarre de M. Eugène Delacroix: Les Pèlerins d'Emmaüs ! Ceux qui, depuis vingt ans, s'obstinent à voir en M. Delacroix un maître, ne devraientils pas reconnaître de bonne foi que la première des conditions pour une œuvre magistrale est l'intelligence du sujet qu'on traite, et la seconde le respect du public et de soi-même. Autrefois les défauts de M. Eugène Delacroix pouvaient être compensés, au besoin, par une certaine fougue, par l'éclat de la palette; d'ailleurs, il est des défauts qui à vingt ans passent pour des qualités, parce qu'ils promettent à l'avenir un talent réel, mais dégagé des scories de la jeunesse. L'auteur du Massacre de Chio n'a pas marché; il en est resté au romantisme de 1829, il s'est incarné dans un erévolution. Il n'a pas aperçu

le mouvement qui s'opérait en sens contraire. Comme autrefois il croit fermement qu'un dessin correct, que la noblesse des têtes sont de purs accessoires. Nous n'en voulons pour preuve que ses Disciples d'Emmaus. Jamais ni ces disciples ni le Dieu qui vient de leur apparaître n'ont pu avoir cette attitude. On ne se tient de la sorte que dans une taverne, entre buveurs flamands.

C'est un sentiment fin et doux qui anime la composition intitulée Nazareth, par M. Roberts. Jésus enfant est dans le pauvre atelier avec ses saints parents; il a environ dix ans, et déjà sur son front grave et même un peu triste se lit le pressentiment de sa mission douloureuse.

Nous avons vu avec plaisir le Denier de la Veuve, par M. Chantard. Sur le premier plan, la pieuse femme en habits de deuil et tenant par la main un jeune enfant, dépose dans l'urne sa modeste offrande. Le mouvement est bien rendu. Peut-être doit-on regretter que l'artiste, en plaçant dans l'éloignement Jésus et ses disciples et leur donnant les minimes proportions qu'exigeait la perspective, ait coupé la scène en deux et divisé l'attention au lieu de la concen

trer.

Quelle exquise composition que le saint François d'Assise de M. Benouville! comme c'est sobre, grave et bien entendu! Le saint approche de sa fin; il s'est fait transporter sur un tertre d'où son regard défaillant embrasse sa ville natale; et là, appuyé sur deux de ses disciples, il bénit l'heureuse cité. Nous donnerions bien des toiles gigantesques pour ce petit tableau d'oratoire. Il faut le constater, du reste, et c'est là ce qui nous afflige, la plupart de nos peintres échouent lorsque leur sujet exige un vaste cadre; soit que la force leur manque, soit qu'ils aient perdu le secret du style. Là où leurs devanciers étaient si fort à l'aise, ils sont gênés, embarrassés ; les figures de convention, les academies pures avec leur geste insignifiant sont chargées de remplir les vides, comme si tout ne devait pas concourir à l'effet principal dans une merveilleuse loi d'unité et de grandeur. Tel est le défaut que nous offrent la Séparation de saint Pierre et de saint Paul, par M. Dumas, souvenir de l'école lourde et théâtrale de Delorme; la Résurrection du Christ, par M. Paget qui n'a su comment animer son plan inférieur; les Caiacombes, de M. Coubertin, suite d'épisodes sans liaison; la Caritas, de M. Cibot, où il y a, il est vrai, une bonne idée, mais une idée que l'exécution a gâtée. En voulant montrer toutes les fonctions de la Charité, M. Cibot a fait sept ou huit tableaux en un seul, et l'œil ne sait s'il doit s'attacher à la figure principale, fort lourde du reste, ou bien aux groupes qui fonctionnent à droite, à gauche et au-dessous d'elle. L'Adoration des Mages, de M. Appert, est quelque chose d'ambitieux, mais de peu religieux. De ces Mages, un seul adore le divin Enfant que l'artiste a représenté trop grand et trop fort; les

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