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rait la voie des honneurs et des richesses qu'il convoitait avec tant d'ardeur.

Nommé en 1788 évêque d'Autun, il fut, l'année suivante, envoyé par le clergé de son diocèse aux Etats généraux. Il s'y montra le zélé protecteur de toutes les innovations, se réunit au tiers-état pour la vérification des pouvoirs en commun et sofitint la nullité des mandats impératifs. Chargé, bientôt après, de présenter le plan d'une nouvelle organisation de l'instruction publique, il accomplit celte tâche dans un vaste rapport où la question est envisagée sous toutes ses faces et dans tous ses détails, depuis l'enseignement supérieur jusqu'aux écoles primaires. Tout le monde convient aujourd'hui que l'abbé Desvenaudes est l'auteur de ce fameux rapport qui a passé longtemps pour un chef-d'œuvre de style et pour un montment de la plus haute raison. M. Michaud ne partage point cet engouement, et je souscris volontiers à sa critique: il est difficile de penser mieux et de s'exprimer avec plus d'énergie.

Ce fut Talleyrand, dit-il, qui fit un long rapport sur les méthodes d'en«seignement qu'on voulait substituer à celles qui, depuis tant de siècles, << produisaient sous la main du clergé, de si heureux résultats. Le but de « ce rapport, qui, aux yeux de certains esprits, passe encore pour un mo«<nument de sagesse, était évidemment d'arracher l'enseignement à cet ad« mirable clergé, ou, pour nous servir de l'expression consacrée, de le sẻ« culariser, en le livrant au philosophisme, à cette école d'impiété qui, sans « rendre cette génération plus savante, l'a faite si dépravée, si difficile à « gouverner. Mais ce qui s'y trouve de plus étrange... c'est qu'on y voit « posé en principe par celui-là même qui vient de proclamer les droits de « l'homme, par celui-là même qui a établi qu'aucune puissance ne peut dé« nier ces droits, que l'homme appartient à l'État. Les faits de la révolution « ont assez prouvé que telle fut toujours la pensée de ces philantropes hy» pocrites, qui, tout en prêchant la liberté et les droits de l'homme, ne «< cherchaient réellement qu'à se rendre les maîtres des personnes comme « des choses, et qui, lorsque tout leur a été soumis, en ont usé plus des« potiquement, plus arbitrairement qu'aucun des pouvoirs qui les avaient « précédés. »

Rapporteur du comité de Constitution, l'évêque d'Autun fit dé créter que les biens du clergé seraient déclarés nationaux, et il en fit provoquer la vente. Cette mesure lant prônée par les impies de l'Assemblée, devait mettre une valeur de deux milliards à la disposition du trésor public, augmenter la richesse nationale par la division et l'affranchissement des propriétés frappées de main-morte et faire rentrer l'Eglise dans l'Etat. On sait que tous ces beaux avantages ont abouti à une hideuse banqueroute.

Ce fut aussi Talleyrand qui fut chargé de rédiger un espèce d'adresse au peuple français pour l'engager au calme et à la confiance en l'excellence des travaux de l'Assemblée nationale, dont beaucoup commençaient à douter: «La lecture de cette œuvre de charlata

<«< nisme, dit M. Michaud, excita des applaudissements frénétiques << dans l'Assemblée dont elle n'était qu'une dégoûtante apologie. On « la lut deux fois de suite, tant ces Messieurs se complaisaient à en« tendre leurs louanges. »

Après avoir officié pontificalement, le 15 juillet, sur l'autel de la patrie élevé au 'Champ-de-Mars, le prélat député garda un silence prudent dans la discussion de la constitution civile du clergé, mais il fut des premiers à prêter le serment exigé des ecclésiastiques. Il sacra même les évêques du Finistère et de l'Aisne, et concourut ainsi à l'établissement de l'Eglise constitutionnelle. Ce fut pour la dernière fois qu'il exerça ses fontions épiscopales. Bientôt il n'appartint plus ni à l'Eglise constitutionnelle ni à l'Eglise catholique, il devint tout à fait homme politique.

Il se trouvait au lit de mort de Mirabeau, quand celui-ci le chargea de lire à l'Assemblée constituante un discours qu'il avait préparé sur les successions. M. Michaud assure, et nous sommes de son avis, qu'il fut, dans cette dernière entrevue, question de toute autre chose, c'est-à-dire de secrets politiques d'une très-haute importance, surtout des complots du Palais-Royal et des intrigues qui avaient préparé les journées des 5 et 6 octobre. Mais nous ne croyons pas que Mirabeau soit mort empoisonné par la faction d'Orléans, et qu'à l'instigation et par les conseils de Talleyrand un poison sans remède lui ait été administré. Pourquoi charger un seul homme de toutes les iniquités de la révolution? La vie de Mirabeau, sans qu'on ait recours au poison, explique sa mort.

La mission politique de l'ancien évêque d'Autun auprès du gouvernement anglais est très-bien décrite par le nouvel historien : « C'était certainement, dit-il, une mission d'une très-haute im<< portance, et les causes, les motifs, en restent encore ignorés pour << la plus grande partie. Nous sommes cependant parvenu à les pé<< nétrer, et l'évidence de ce que nous en dirons est telle que, pour « tout lecteur de bonne foi, le doute sera impossible. » Ces paroles promettent beaucoup; mais le lecteur ne sera pas frustré dans son attente; M. Michaud établit ses assertions sur des preuves qui équivalent à une démonstration.

Une terrible accusation a été souvent répétée contre Talleyrand, celle d'avoir été complice de la mort du duc d'Enghien. M. de Châteaubriand, dans ses Mémoires, conclut de l'examen de toutes les pièces, qu'il y a pris une très-forte part M. Michaud partage le même sentiment, qu'il corrobore par de nouvelles preuves. Selon le duc de Rovigo, c'est Talleyrand qui a tout dirigé, tout préparé, tout conduit, depuis l'arrestation jusqu'à l'exécution. Il n'est pas, je crois, un seul historien qui ne rejette sur lui cette tache de sang. Eh bien! malgré la foule des historiens qui l'accusent, j'ose avancer qu'il n'est pas coupable au degré qu'on le prétend. D'abord on n'a produit jus

qu'à présent que le témoignage de ses ennemis, et qui avaient participé eux-mêmes à cette épouvantable affaire. Eux seuls nousont appris que, dans le conseil privé, tenu avant l'arrestation, il avait, en sa qualité de ministre des affaires étrangères, présenté et soutenu la mesure. Ce qu'on doit lui reprocher, c'est de n'avoir pas plaidé la cause du malheureux prince, de n'avoir pas offert sa démission, seul parti qui eût convenu à une conscience courageuse. Voilà son tort. En vain on m'alléguera, comme une preuve démonstrative et qui ne souffre point de réplique, la lettre de Talleyrand, en date du 11 mars 1804, au baron d'Edelsheim, ministre d'Etat à Carlsruhe, et surtout son rapport du 18 mars au premier Consul. Qui me dit que ces deux pièces n'ont pas été inspirées et dictées par celui qui faisait tout trembler autour de lui, et dont la volonté de fer ne souffrait pas la moindre contradiction, la moindre résistance? Là n'est pas la pensée intime de Talleyrand. Elle se trouve plutôt dans cette lettre écrite, tout entière de sa main, que je possède, et qui, je crois, n'a jamais été publiée. C'est un document de la plus haute importance; il est adressé à Fouché, qui n'était plus ministre, mais que l'on consultait souvent; je le transcris et l'on conviendra qu'il fait honneur à l'homme d'Etat, au moins si l'on m'accorde que ce ministre n'avait pas un intérêt caché à disculper l'émigration auprès du conventionnel régicide:

« Quoique vous ne soyez plus dans les affaires, mon cher et ancien col«lègue, vous en êtes toujours bien près, mais pas assez, à mon avis. Il a dû « vous revenir que l'on prépare quelque chose contre les émigrés qui sont << sur le Rhin. Je ne le sais pas positivement. Mais l'agitation de gens que je « n'aime pas à voir si près du cabinet m'est fort suspecte. Ordener est, à ce « que l'on dit, parti pour Strasbourg hier; Caulincourt va à Offenbourg, il « est parti ce matin. On ajoute que c'est d'après des communications de «M. Shée, l'oncle de Clarke. A présent on me demande une lettre pour « Carlsruhe dont on est, me dit-on, mécontent, parce qu'on permet dans le « pays des rassemblements d'émigrés. En vérité, les correspondances de << trois ou quatre baronnes allemandes, comme madame de Dettlingen et « madame de Reich, ne valent pas la grande colère que l'on montre. Si vous « étiez ministre, vous feriez un peu de bruit, et cela serait fini. Mais il n'y « a rien de pis pour le premier Consul que d'avoir autour de lui des révolu«tionnaires restés révolutionnaires. Ils ne savent et ne peuvent rien éta« blir. Votre avantage sur eux est d'avoir été révolutionnaire, et de vouloir « à présent un gouvernement, et de savoir comment on l'a. Vous y ajoutez « de connaître parmi eux ceux qui, revenus des idées révolutionnaires, << valent quelque chose, et de vous en servir pour ce à quoi ils peuvent « être bons. Vous avez pris le bon parti en leur donnant les moyens de vi<< vre sans jamais les tourmenter et sans vous en laisser tourmenter.

J'avais le projet d'aller vous voir ce matin; mais comme je ne sais pas « jusqu'à quelle heure durera un rendez-vous que j'ai donné pour trois heures, je prends le parti de vous écrire.

<< Adieu; dans votre qualité de conventionnel, vous êtes beaucoup meil<< leur que moi pour aborder toutes les questions d'émigration. Usez de votra

« influence pour calmer la tête du premier Consul que l'on cherché à'agiter «'et à inquiéter. Sa crainte d'avoir l'air d'être gouverné fait qu'un conseil « qui lui vient de quelqu'un qui n'est pas ministre, a plus de poids que les « autres. Adieu encore une fois, mille amitiés.

■ Midi, 21 ventôse (12 mars.)

TALLEYRAND.

« Si vous sortez, vous devriez passer chez moi à la fin de la matinée. »

On peut juger maintenant ce qu'il faut penser de la participation de Talleyrand au meurtre du duc d'Enghien. Mais n'est-ce pas M. de Châteaubriand lui-même qui a dit dans une autre partie de ses Mémoires où il avait besoin de rabaisser la valeur politique du prince de Talleyrand: «Il faut bien se mettre dans l'esprit qu'on « est purement et simplement un commis lorsqu'on tient le porte« feuille d'un conquérant qui, chaque matin, y dépose le bulletin d'une victoire et change la géographie des Etats? » Seulement, je ferai observer qu'un conquérant dépose aussi quelquefois dans son portefeuille ses projets d'ambition et de vengeance, et qu'alors un commis, s'il a de l'honneur, se démet de ses fonctions.

L'abbé DASSANCE.

Le Giornale di Roma du 14 septembre publie le décret suivant de la S. Congrégation de l'Index:

DECRETUM

Feria II die 5 Septembris 1853.

Sacra Congregatio Eminentissimorum ac Reverendissimorum S. Romanæ Ecclesiæ Cardinalium a SANCTISSIMO DOMINO NOSTRO PIO PP. IX. sanctaque Sede apostolica Indici librorum pravæ doctrinæ, eorumdemque proscriptioni, expurgationi, ac permissioni in universa christiana Republica præpositorum et delegatorum, habita in Palatio Apostolico Quirinali damnavit et damnat, proscripsit proscribitque, vel alias damnata atque proscripta in Indicem librorum prohibitorum referri mandavit et mandat Opera, quæ sequuntur :

Il Mechitarista di S. Lazzaro di Venezia. Osservationi critiche sopra l' opuscolo intitolato : « Memoria diretta a sviluppare i motivi delle imputazioni che si riproducono a carico della Congregazione de' Monaci Armeni Mechitaristi. Decr. 6 Septembris 1852.

- Contro lo anonimo autore del libello intitolato Il Mechitarista di S. Lazzaro di Venezia, breve risposta nella sua specialità, del prete veneziano Giuseppe Cappelletti. Decr. 5 Septembris 1853. Damnatur utrumque opus ut libellus famosus.

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Les origines de l'Eglise Romaine, par André Archinard, Pasteur de l'Eglise de Genève. Opus jam damnatum in Regula II Indicis, ut alia id genus sive Hœreticorum, sive Incredulorum scripta. Decr. eod.

L'Univers. Histoire et description de tous les peuples. Dictionnaire encyclopédique de la France, par M. Ph. Le Bas. » Decr. eod.

- Palestine. Description géographique, historique et archéologique, par S. Munk, employé au département des manuscrits de la Bibliothèque RoyaDecr. eod.

les

Sull' evidenza del Cristianesimo, Lezioni. Firenze 1850. Decr. eod.
Itaque, etc...

Datum Romæ die 10 Septembris 1853.

Loco + Sigilli.

HIERONYMUS CARD. DE ANDREA Præfectus.

Fr. A. V. Modena Or. Pr. S. Ind. Congr. a Secr.

Le grand événement politique est l'allocution adressée aux troupes du camp de Satory par le chef de l'Etat.

Dans la situation où se trouve l'Europe, ce discours a en effet une importance qui n'échappera à personne.

Le voici tel qu'il a été publié par le Moniteur :

Charles DE RIANCEY.

L'Empereur a fait manoeuvrer et a passé en revue, le 20 septembre, la 3° division de l'armée de Paris et la cavalerie de Versailles. Après les manoeuvres, les troupes ont formé les trois côtés d'un carré; les voitures de l'Impératrice et une foule considérable occupaient le quatrième côté. Les officiers se sont rangés au centre, et l'Empereur s'est placé au milieu d'eux. Są Majesté était entourée d'un nombreux état-major, dans lequel on remarquait des officiers généraux autrichiens, anglais, piémontais, hollandais, tous envoyés par leur gouvernement. L'Empereur ayant à sa droite S. A. I. le prince Napoléon, à sa gauche le prince Jablonowski, général au service de S. M. l'empereur d'Autriche, a adressé aux troupes l'allocution suivante : « Officiers, sous-officiers et soldats !

« Au moment où l'on va lever le camp de Satory, je veux vous témoigner toute ma satisfaction.

« Les trois divisions qui s'y sont succédé ont montré cet esprit de discipline, de confraternité, cet amour du métier des armes qui entretiennent l'esprit militaire, si nécessaire à une grande nation. En effet, dans les temps difficiles, qui a soutenu les empires? si ce n'est ces réunions d'hommes armés tirés du peuple, façonnés à la discipline, animés du sentiment du devoir, et qui conservent au milieu de la paix, où généralement l'égoïsme et l'intérêt finissent par tout énerver, ce dévouement à la patrie fondé sur l'abnégation de soi-même, cet amour de la gloire fondé sur le mépris des richesses.

« Voilà ce qui a toujours fait des armées le sanctuaire de l'honneur. Aussi, tant que la paix dure, il existe une communauté de sentiments, je dirai même une sorte d'esprit de corps entre nous et les armées étrangères. Nous aimons et nous estimons ceux qui, chez eux, sentent et agissent comme nous; et tant que la politique ne les change pas en ennemis, nous sommes heureux de les accueillir comme camarades et comme frères.

« Recevez, mes amis, avec mes éloges pour votre bonne conduite, mes remercîments pour les marques d'attachement que vous me donnez, ainsi qu'à l'Impératrice. Comptez sur mon affection, et, croyez-le bien, après l'honneur d'avoir été élu trois fois par un peuple tout entier, rien ne peut me rendre plus fier que de commander à des hommes tels que vous. »

Les paroles de l'Empereur ont excité le plus vif enthousiasme, et ont été suivies des cris mille fois répétés de: Vive l'Empereur ! Vive l'Impératrice !

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