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pas plus permis de vouloir limiter l'autorité d'un prince, que de se révolter complétement contre lui (4), et on sait combien les catholiques sont opposés aux doctrines révolutionnaires. Le vénérable P. Roothaan, dernier général des jésuites, dont la mort a causé un si vif regret à N. S. P. le pape Pie IX et à tous les bons catholiques, nous écrivait en 1847, quand nous lui exprimions quelques pensées qui ont dicté cet article: « Pour la Russie, ce serait un triste préjugé si l'Empereur croyait que le catholicisme s'opposerait à son autorité.Malheureusement on dirait qu'il est dans cette idée; c'est ainsi que les anciens empereurs pensaient ne pouvoir se faire chrétiens, sans perdre l'Empire. Et certes, rien de plus nuisible à la conversion des Russes que de leur donner occasion de penser ainsi du catholicisme. »

Admettant même, ce qu'il est impossible d'admettre, qu'il serait permis d'introduire le gouvernement constitutionnel ou républicain en Russie, comme on a tenté de le faire en 1848 en Prusse et en Autriche, le catholicisme n'y gagnerait rien, d'abord parce que la violence ne dure pas et parce qu'on peut dire des peuples comme des individus, que, s'ils sont ramenés à la foi, ils n'y persévèrent et ne s'y complaisent que quand ils le font par des motifs surnaturels. Ensuite, si la liberté sert infailliblement dans ce cas à la conversion de quelques individus, cette même liberté également ouverte au courant du mal comme du bien, servira à la perte de toutes ces âmes simples et pieuses des populations rurales catholiques et même schismatiques qui pratiquent de bonne foi la religion. Si, au contraire, on travaille pour le retour de la Russie au catholicisme par les moyens que le Saint-Siége approuve (2) on y conserve, précisément à cause de son gouvernement monarchique simple, les chances de ramener tout l'Empire à la fois au catholicisme, et loin d'exposer les 8,000,000 de catholiques à la défiance toujours dangereuse d'un gouvernement puissant, on peut le gagner dans son propre intérêt et avec prudence, à l'exemple de tous les légats du SaintSiége en Russie, en faveur de ses sujets catholiques. Dans le prochain article nous parlerons de la diplomatie russe.

P. M. ETIENNE.

Affaires religieuses de Hollande.

La première Chambre des Etats généraux de la Haye a consenti purement et simplement au projet adopté déjà par la seconde cham(1) Lib. I.

(2) Quelques hommes peu clairvoyants et qui ignorent la situation véritable de la Russie ont osé blâmer un jour, en notre présence, le concordat de Sa Sainteté Pie IX avec la Russie. L'histoire prouvera la sagesse et le discernement propre au Saint-Siége dans ce concordat de Pie IX, comme dans son rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre. La diversité des deux pays exigeait cette diversité d'action.

bre sur la surveillance des Cultes. Ce vote n'augmentera pas audedans l'influence, ni au dehors l'honneur de cette assemblée. Elle comptait de plus heureux antécédents. En certaines circonstances, elle avait montré plus d'indépendance et compris plus dignement son rôle modérateur et élevé en refusant de s'associer, soit à des prétentions gouvernementales, soit à des entraînements de parti.

La majorité, on le sait, n'a pas été consisérable. 22 voix contre 16, 6 voix de majorité relative, trois voix de majorité absolue, ont fait pencher la balance du côté de l'arbitraire et de l'injustice.

Cette décision laisse peu d'intérêt à la discussion. Le débat a été cependant soutenu avec courage, c'est un devoir et un plaisir pour nous de le constater, par des députés catholiques et même par des protestants libéraux. Deux incidents, deux déclarations ministérielles, sont dignes aussi d'y être relevés. Ce sont des traits caractéristiques de la situation.

En premier lieu se place le discours prononcé par le ministre pour le culte catholique. M. Lightenvelt, de retour de Rome, a senti enfin le besoin de parler de sa conduite, de sa position, de ses sentiments. Nous ne le suivrons pas dans ses développements oratoires. Nous avons mieux à faire en nous bornant à une tâche plus courte. On l'avait représenté comme contraire à la loi; il a hautement confirmé à cet égard l'opinion générale. « Il s'est déclaré, a-t-il dit, dès le commencement, contre le principe de la loi, à savoir la pensée de rẻgler législativement la surveillance sur les différentes communions religieuses, et il a combattu aussi le projet jusqu'au dernier moment. »

Nous relevons ce grave aveu et nous en prenons acte. Nous ne demandons pas en ce moment à M. Lightenvelt comment, étant contraire à ce point au principe et aux dispositions de la loi, il a pn se charger de 'excuser auprès du Souverain Pontife; comment il n'a pas engagé la première Chambre à la repousser; comment enfin il consentira à rester à son poste pour l'appliquer après l'avoir blâmée. Il a prévu les objections. Homme d'Etat, il n'a qu'un but, l'apaisement des divisions et le rapprochement des partis. C'est là du moins sa justification. Mais il sait bien que la loi froisse profondément les catholiques; et est-ce trop exagérer l'autorité de sa parole que de penser qu'elle aurait pu déplacer trois suffrages s'il eût engagé formellement et énergiquement la première Chambre à écarter ce nouveau brandon de discorde? Il promet, il est vrai, de ne s'en servir qu'avec les plus grands ménagements; mais, après avoir poussé la condescendance jusqu'à se laisser mettre une telle arme entre les mains, sera-t-il plus ferme contre ceux qui voudront le forcer à en faire usage? Enfin, l'instrument d'oppression est forgé ; M. Lightenvelt est-il sûr de rester toujours au pouvoir et, en quittant les affaires, ne laissera-t-il pas la loi toute faite et toute prête, dans un arsenal où les ennemis de l'Eglise la trouveront à leni service?

Nous souhaitons sincèrement que M. Lightenvelt n'ait pas à déplorer amèrement un jour la politique qu'il a embrassée et qu'il ne subit, selon son propre témoignage, que pour en atténuer les effets autant que possible.

Son collègue, M. Donker Curtius, le ministre de la justice, a produitensuite une non moins profonde sensation en s'écriant que « rejeter la loi sur les cultes comme incompatible avec la Constitution de 1848, ce serait porter un coup mortel à la loi fondamentaleelle-même; Car la Néerlande se passerait de l'une plutôt que de l'autre. »

Un semblable argument dans la bouche d'un des dépositaires du pouvoir donnait matière aux interprétations les plus diverses. Il rap pelait, maladroitement au moins, des bruits très-répandus à la chute du cabinet précédent. Alors, on attribuait à l'avénement de M. Van Hall une portée plus considérable que n'en comporte un simple changement de ministère. On parlait même de l'éventualité d'un coup d'Etat!

Etait-ce la mème menace qui, plus voilée, venait se reproduire jusqu'à la tribune? Elle a causé une vive émotion dans la première Chambre; et le ministre, reculant devant les protestations qu'il avait provoquées, a dû donner à ses paroles le sens le moins inquiétant. Quoi qu'il en soit de leur véritable portée, elles n'ont pas empêché les adversaires consciencieux de la loi de voter contre elle; elles étaient de nature à lui enlever plutôt qu'à lui faire des partisans, si la Constitution des Pays-Bas n'était pas désormais un vain mot.

La loi fondamentale compromise, la liberté religieuse conspuée, voilà donc le double triomphe de M. van Hall. Pour arriver au pouvoir, ce ministre a jelé une nation, jusque là libre et paisible, dans une crise dont il est difficile de prévoir l'issue. Il a créé la crise, et la crise le fait vivre à son tour; mais à mesure qu'elle dure et se développe, elle exerce partout une action dissolvante. Déjà la politique est livrée au hasard, et le peuple partagé en deux camps. Le nouvel affront que subissent les catholiques est un triste symptôme de l'intolérance de leurs compatriotes protestants et de l'aveuglement de l'autorité; abandonné à de telles impulsions, un Etat est exposé aux plus redoutables périls. En tout cas, il s'abaisse et se dégrade devant le monde civilisé et chrétien. Charles DE RIANCEY.

Le journal catholique d'Amsterdam Le Tijd rappelle en quels termes la loi sur les cultes a été flétrie par les membres les plus éminents des deux Chambres hollandaises.

« Cette loi sur les cultes a été qualifiée :

«Par M. Luyben, de loi d'oppression;

«Par M. van Nispen van Sevenaar, de loi de circonstance, dirigée contre les catholiques;

<< Par M. Thorbecke, de loi de parti, fruit de l'antagonisme religieux;

« Par M. Dommer van Poldersveldt, de loi inconstitutionnelle aux intérêts du pays, du roi et du Gouvernement;

«Par M. Bots, de loi anti-gouvernementale, injurieuse et agressive à l'égard de tous les catholiques.

«Par M. van Wintershoven, d'inconstitutionnelle, pleine de périls par les dispositions qu'elle renferme et par ses tendances; opposée aux vrais intérêts et à l'honneur de la Néerlande.

«Par M. Storm, de loi de circonstance anti catholique;

«Par M. de Lom de Berg, de loi profondément injuste, inutile, odieuse, dangereuse pour l'ordre et la tranquillité publique ;

«Par M. de Prorter, d'arsenal d'arbitraire;

«Par M. Beerenbroeck, de loi préventive et rétroactive;

« Par M. van Sasse van Ysselt, de loi scandaleuse et blessante par ses tendances, en contradiction avec la liberté incontestable des catholiques; ineompatible avec les institutions qui nous régissent.

«Mais tous ces hommes étaient dans l'erreur! tout à fait dans l'erreur! M. van Lynden était done aussi dans l'erreur, quand il déclarait que la loi était évidemment dirigée contre les catholiques ?

« Et le Nederlander également, lorsqu'il le qualifiait de « soulèvement d'avril sous une forme législative, » et de « consécration de la pensée fondamentale de la sédition d'avril? »>

<< M. Lightenvelt, qui a ouvertement blâmé la loi et n'a prononcé aucune parole pour la défendre, s'est donc aussi trompé ?

<<< Tous les catholiques de la Néerlande, qui l'ont en horreur et dont aucun n'a voulu faire partie d'un ministère qui exigeait une pareille loi, étaient-ils donc aussi dans l'erreur ?

« Néanmoins, on tiendra cette loi pour parfaitement innocente! Innocente, en effet! quoique les groenistes eux-mêmes l'aient flétrie en la nommant: «Une faute politique, - une cause d'irritation, une duperie, « une loi propre à provoquer le trouble, qui a déjà produit de grand maux « et qui en promet de plus grands encore!»

« Si une loi semblable est innocente, alors nous déclarons que nous ne comprenons plus notre langue maternelle

<< Si elle n'est pas innocente, qu'on cesse donc de nous forcer de mettre en lumière son déplorable esprit. »

Antiquités Chrétiennes à Paris.

Dans l'une des dernières séances du comité de l'histoire, de la langue et des arts de la France, institué près le ministère de l'instruction publique, M. Albert Lenoir, membre du comité, a lu un rapport où sont consignés les plus curieux détails sur les découvertes produites par les récents travaux de construction et les percements de rues nouvelles exécutés à Paris. Nous en extrayons les fragments qui suivent:

Rue de Constantine.

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Le percement de la rue de Constantine a fait disparaftre quelques restes du cloître de Saint-Martial; des fragments de colonnes, deux chapiteaux de la fin du 12° siècle, un bénitier de la même époque, couvert de figures, ont été recueillis; la même rue contenait les substructions d'un édifice romain comportant plusieurs salles, un hypocauste **

complet, encore rempli de cendres et de charbons, puis un aqueduc qui se dirigeait vers le grand bras de la Seine. Cet édifice a été publié dans la statistique de Paris.

Les restes de l'église de la Madeleine ont été enlevés par le percement de la rue de Constantine; ils ont été dessinés pour prendre place dans le grand plan archéologique de Paris qui se prépare pour faire partie de la statistique monumentale dans cette ville,

Parvis Notre-Dame. - Les grands travaux de restauration de la cathédrale de Paris ont conduit à baisser le sol du parvis, et à pratiquer un égout depuis la fontaine de l'administration des hospices jusqu'à l'angle oriental de l'Hôtel-Dieu. Ces divers travaux d'amélioration ont mis à découvert, 1° une portion importante du mur d'enceinte de Lutèce, au midi; des pierres qui composaient ce mur construit à la håte, portaient des inscriptions et des détails d'architecture provenant d'édifices antérieurs; 2° de nombreuses maisons romaines qui avaient occupé l'emplacement du parvis; on y a reconnu que Childebert en avait fait raser une partie pour élever la grande basilique qu'il consacra à la Vierge; 3° les substructions considérables de cette basilique, une partie de son pavement en mosaïque, trois de ses colonnes en marbre d'Aquitaine noir et blanc, dit grand antique, un chapiteau corinthien présentant tous les caractères de la sculpture mérovingienne. Ces fragments précieux, ainsi que ceux du mur de Lutèce, ont été réunis au musée des Thermes et de Cluny. Tes plans, les coupes et détails de ces fouilles sont publiés dans la statistique monumentale de Paris.

Les mêmes travaux du parvis ont fait voir le plan complet de l'ancienne église de Saint-Christophe, situé à l'angle orientale du bâtiment de l'administration des hospices, une partie du plan de l'ancienne chapelle de l'HôtelDieu, et le soubassement complet de la fontaine qui fut élevée au commencement du 17° siècle vers le milieu du parvis, et qui figure dans toutes les anciennes vues de Notre-Dame.

Eglise de Saint-Etienne. La récente construction de la sacristie de la cathédrale a fait connaître une partie du plan de l'ancienne église de SaintEtienne, qui était contigue à la première basilique, et fut détruite lorsque la cathédrale actuelle prit son développement. Les travaux de restauration de la façade méridionale de Notre-Dame ayant conduit à déchausser une partie des substructions, on y a reconnu des fragments de colonnes de la basilique de Childebert, employés comme matériaux de construction. Couvent des Jacobins. Une partie de la salle capitulaire des Jacobins s'est montrée dans une maison de la rue St-Jacques, et la destruction des écoles de St-Thomas, dans lesquelles les Dominicains dits Jacobins s'exerçaient aux prédications voulues par la règle de l'ordre, a fait découvrir quelques fragments des statues qui décoraient cette salle d'exercice.

Eglise de Saint-Jacques-la-Boucherie. La rue de Rivoli devant traverser l'ancien emplacement de l'église de Saint-Jacques-la-Boucherie, et le nivellement conduisant à baisser le sol de plusieurs mètres, les trois périodes historiques de ce grand monument ont pu être étudiées dans le déplacement considérable des terres.

La couche inférieure a montré quelques fragments de construction qu'on peut attribuer au siècle carlovingien, époque à laquelle les historiens font remonter la fondation de la première chapelle. Au-dessus s'éleva, vers la fin du xi siècle ou le commencement du xii, un édifice beaucoup plus consi

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