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des ordonnances et tous les décrets des autorités municipales qui imposaient «ces contributions sont abrogés. A partir de la même date, les provinces seront de même exemptes de tout paiement pour le soutien de la religion dans les diocèses dont elles faisaient partie.

« Art. 11. Les églises catholiques maintenant existantes appartiennent ́aux habitants catholiques de la paroisses respective, à l'exception des cathédrales, qui appartiennent aux habitants catholiques du diocèse. Les églises ayant un patron spécial seront gouvernées en conformité de leur fondation. Les églises des couvents supprimés appartiennent à la province ou aux colléges nationaux, ainsi que les posession et les bâtiments desdits couvents.

Art. 12. Toutes les lois de la première Partida, celles du premier livre de la Castillan recopilation, celles du premier livre de la Recopilacion des Indes et toutes lois s'y rattachant directement ou indirectement, sont spécialement abrogées. Il en est de même des lois qui restreignent ou prohibent l'exercice de certains actes civils aux ecclésiastiques, moines ou séculiers, ́et dorénavant ces individus seront admis à acquérir, contracter, hériter, tester et exercer tous les droits que possèdent les autres citoyens. De même toute loi qui viendrait rendre obligatoires des décisions ecclésiastiques démeure abrogée. Cette abrogation comprend toutes les lois pour l'érection de diocèses et de paroisses, et tout décret qui donne au pouvoir temporel une intervention quelconque dans les affaires ecclésiastiques.

«Art. 13. Les prélats ecclésiastiques qui ont été bannis de la NouvelleGrenade sont libres de rentrer sur le territoire de la République quand ils le jugeront convenable. En conséquence, les poursuites et les procédures commencées contre eux sont terminées.

• Donné à Bogota, le 10 juin 1853. »

Si l'on en croit la feuille de New-York, cette loi serait le résultat d'une coalition formée au sein du congrès entre les catholiques et les libéraux modérés, ou, comme on les appelle à Bogota, les libéraux conséquents, contre le parti exalté et démagogique des libéraux inconséquents. Il nous paraît difficile d'admettre que les catholiques aient donné leur approbation et leur vote à certains articles de cette loi, qui non-seulement sont contraires aux droits de l'Eglise catholique, mais encore sont en contradiction flagrante avec le principe de la séparation complète de l'Eglise et de l'Etat que les législateurs prétendent appliquer.

L'article 8 est de ce nombre. Cet article qui maintient l'exil des jésuites, est une exception violente et odieuse à une loi qui ouvre les frontières de la République aux ministres de toutes les sectes sans exception.

L'article 11 consacre le vol et la spoliation, en déclarant que les églises des couvents supprimés et leurs propriétés demeurent "confisquées et attribuées à des usages profanes.

D'après ce même article et l'article 4, les églises maintenues ét leurs biens sont la propriété des habitants catholiques; les églises paroissiales appartiennent aux habitants catholiques de la paroisse respective, à l'exception des cathédrales, qui appartiennent aux hábi–

tants catholiques du diocèse. L'on comprend les conséquences désasfreuses que peut avoir et qu'aura infailliblement, dans la pratique, une telle disposition. Ce n'est rien moins que l'introduction de la démocratie dans l'Eglise et le renversement de l'autorité épiscopale.

Une pareille loi ne peut clore l'ère des révolutions de la NouvelleGrenade. Il est clair que le congrès a voulu faire une large part aux passions démocratiques et à la haine des libéraux inconséquents.

L'article 13, il est vrai, donne aux prélats exilés pour avoir courageusement défendu la religion, la faculté de rentrer sur le territoire de la République. Mais cette œuvre de réparation elle-même arrivera trop tard pour quelques-uns d'entre eux. Mgr Jose Torres Estans, évêque de Pamplona, est mort, le 19 avril, dans le Venezuela, où il s'était réfugié, après avoir été banni de son diocèse. L'Evêque de Carthagène, réfugié au Pérou, était, aux dernières dates, à Coquimbo, dans un état de maladie alarmant. On sait le triste état de santé où la persécution a réduit l'illustre Archevêque de Bogota.

Puissent les souffrances de ces courageux confesseurs de la foi apaiser la justice de Dieu et mériter à leurs églises désolées la liberté et la paix! L'abbé J. COGNAT.

Juan Donoso Cortès, marquis de Valdegamas.

En mai 1809, une armée française, combattant pour maintenir sur le trône le roi Joseph Bonaparte et victorieuse à Medellin, envahissait l'Estramadure, où elle allait bientôt rencontrer son vainqueur, le futur duc de Wellington. Les habitants fuyaient de toutes parts devant l'armée conquérante, et parmi eux un jeune ménage, de la petite ville de Dom Benito. C'était don' Pedro Donoso Cortès et sa femme Dona Elena Canedo. Celle-ci, enceinte de son second enfant, ne put dépasser le village de Valle de la Serena, près de la terre de Valdegamas, qui leur appartenait. Ce fut là qu'elle accoucha, le 6 mai 1809, de l'enfant qui devait répandre une gloire si pure sur le nom de ce lieu et de cette famille. Il y avait dans cette paroisse une image très-vénérée de la sainte vierge, sous le nom de Maria de la Salud. La jeune mère voulut que son nouveau-né fût offert à l'autel de cette image et qu'il en portât le nom. Il recut au baptême ceux de Juan Francisco-Mariade-la Salud.

Cet enfant, né au milieu des terreurs de la guerre et de l'invasion, et déjà marqué du sceau de la vieile foi espagnole, montra bientôt des dispositions rares et précoces pour l'étude. Ses parents étaient obligés de le retenir, et souvent sa mère qui le guettait, dut monter la nuit dans sa chambre pour éteindre sa lampe et lui enlever les livres auxquels il sacrifiait le sommeil. A cinq ans il entrait à l'école primaire. A onze ans il avait déjà achevé ses humanités; à douze, il entrait à l'université de Salamanque pour y étudier le droit. Transféré de là à Séville, et ne voulant user ni de récréations ni de vacances, il avait acquis à seize ans toutes les connaissances exigées pour le grade de licencié, que les règlements de l'époque ne permettaient pas de

conférer avant l'âge de vingt-cinq ans. Il fallait remplir ce long intervalle. Il le fit, en se livrant avec passion à l'étude de la philosophie, de l'histoire et de la littérature, sous la direction d'un écrivain alors fort renommé dans son pays, dɔn Manuel Quintana. Celui-ci, ayant été appelé à occuper une chaire nouvellement fondée au collège de Caceres, chef-lieu de la province, s'en défendit à cause de son âge, et désigna pour le remplacer son jeune élève, encore mineur, mais qu'il définissait en un seul mot: Donoso est un diamant. L'élève monta à dix-neuf ans dans la chaire du maître, y dépassa l'attente de tous, et il montra d'avance ce qu'on pouvait attendre de lui sur un autre théâtre.

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Dans le public nombreux qui se pressait autour du précoce orateur, une jeune fille, d'une des familles les plus notables du libéralisme local, se faisait remarquer par son admiration enthousiaste. Ce gracieux hommage ne devait pas demeurer sans retour. Ces deux jeunes imaginations s'enflammèrent l'une pour l'autre. Un mariage s'ensuivit. Juan fut époux et père, comme il avait été professeur et orateur, avant l'âge. Tout se pressait dans cette vie qui devait être si courte et si remplie, mais qui ne devait pas connaître le plus pur des bonheurs d'ici-bas, le bonheur domestique. La mort lui enleva presque aussitôt sa femme et son enfant. La sagesse divine est aussi mystérieuse qu'infaillible dans ses châtiments comme dans ses dons. Cotte effrayante épreuve eût suffi pour d'autres : elle ne fit rien pour lui. Il ensevelit dans un silence profond ces douleurs que Dieu n'avait point encore bénies et qui ne développèrent chez lui aucun symptôme de cet amour passionné de la volonté divine, dont son âme fut plus tard possédée.

Le jeune Donoso avait grandi au milieu des sentiments qui animaient alors la très-grande majorité des classes élevées et instruites de l'Espagne. Il leur restait une sorte de foi coutumière à la religion de leurs pères, mais elles avaient perdu le sens historique et social de la vérité catholique. L'honneur seul, et non plus la conscience, les rattachait à l'Eglise. Dégoûtées de leur passé national, par les souvenirs du despotisme où l'Espagne s'était endormie et comme éteinte depuis Philippe II, indifférentes et presque étrangères aux pieuses traditions des siècles antérieurs, elles soupiraient après un avenir nouveau. Elles sentaient bien que l'Espagne n'avait pas dû repousser, au prix de sacrifices inouïs, la domination française pour retomber sous le régime de Charles IV, et que la race qui venait de renouveler dans Saragosse les héroïques merveilles de Numance et de Sagonte, méritait un sort meilleur. Elles aspiraient à entrer en partage de ce grand développement de vie politique, intellectuelle, commerciale, où l'Espagne avait un jour occupé la première place et dont les nations du Nord ont depuis trop longtemps le monopole. Mais à cette ambition légitime venaient se mêler la plupart des erreurs criminelles de la philosophie rationaliste et, de la politique révolutionnaire. Ni le pouvoir absolu, ni la censure,fni l'inquisition n'avaient pu leur fermer l'entrée de l'Espagne. Elles y régnaient avec le double attrait du fruit défendu et d'une vague espérance. Elles y exerçaient un ascendant que relevait la décadence apparente des doctrines catholiques, depuis longtemps énervées par une solidarité imprudente avec l'absolutisme. Elles s'emparèrent du gouvernement lui-même, à l'aide de l'insurrection militaire de l'île de Léon, en 1820, et s'y maintinrent pendant quelques années.

La constitution décrétée à Cadix en 1812 par les Cortès de cette époque

et gérée en 1821 par une assemblée unique et souveraine, en face d'une royauté récalcitrante et captive, fit passer l'Espagne à travers tous les dangers et tous les excès du régime révolutionnaire, jusqu'au jour où une armée française, accueillic cette fois avec bonheur par la plupart des Espagnols monarchiques et religieux, et commandée par un prince généreux et modéré, vint délivrer le roi Ferdinand VII et lui restituer la plénitude de son pouvoir. Mais en vain l'ordonnance d'Andujar, rendue par M. le duc d'Angoulême, avant la délivrance du roi, essaya-t-elle d'indiquer les voies de la sagesse et de la clémence à la royauté rétablie. Ferdinand ne sut user de son autorité reconquise ni pour fortifier son trône, ni pour calmer ou concilier les esprits, encore moins pour satisfaire aux exigences du temps par des institutions modératrices, par des garanties légales. Mais sa troisième femme venait de le rendre père d'une fille. Malgré la loi salique que son bisaïcul Philippe V avait introduite en Espagne, il voulut que cette fille lui succédât sur le trône au préjudice de son frère, l'infant don Carlos; et par un acte de cette omnipotence royale dont l'Europe et la France avaient voulu l'investir de nouveau, il brisa le droit de succession de la maison de Bourbon, et reconnut pour héritière de la couronne sa fille Isabelle.

Le jeune Donoso, désireux d'élargir le cercle trop restreint de ses travaux littéraires et oratoires en Estramadure, fit parvenir à Ferdinand VI un savant et éloquent mémoire en faveur de l'abolition de la loi salique. Le roi remarqua cette œuvre si conforme à ses passions de mari et de père, et voulut récompenser l'auteur. Il le fit venir à Madrid et lui conféra un poste élevé dans le ministère de grâce et de justice: c'était en 1832. A vingt-trois ans, le voilà lancé dans le chemin des honneurs et des luttes politiques, qu'il ne devait plus quitter.

Ferdinand VII mort, M. Donoso Cortès se dévoua à la cause de la reine Isabelle et de sa mère, la régente Maric-Christine, avec l'ardeur et le dévoûment de son age. Ce zèle et sa rare aptitude pour les affaires le signalèrent bientôt à l'attention des chefs du nouveau gouvernement. Il fut élu député aux Cortès, et appelé au poste important de secréteire du conseil des ministres en 1835, sous la présidence du trop fameux Mendizabal. Dès lors éclata parmi les libéraux espagnols la même scission qui déjà en France avait partagé en deux camps hostiles et implacables les vainqueurs de 1830. Les modérés, dont la reine-régante était le chef naturel, et M. Martinez de la Rosa l'organe le plus accrédité, voulaient, comme leur nom l'indique, une liberté contenue, réglée, plongeant ses racines et puisant sa force dans ce que les vieux souvenirs de l'Espagne offraient de pur et de populaire. Les progressistes au contraire, dominés par l'esprit révolutionnaire, sourds à toutes les leçons de 1812 et de 1820, méconnaissaient l'attachement inné, de tous les Espagnols pour la royauté, et tenaient à créer en Espagne une démocratic souveraine sous le masque d'une monarchie dérisoirement limitée. Cependant, le courage et les armes ne manquaient pas au parti carliste ou apostolique; car tel était le beau nom qu'amis et ennemis décernaient aux défenseurs de la monarchie absolue et des droits de Don Carlos. Mais là aussi la division régnait, la division entretenue et suivie par la trahison. Ce fut au milieu de ces cruelles discordes, cnvenimées par les conflits à main armée, par les ravages des bandes errantes, par les supplices, par les émeutes, que la malheureuse Espagne consumait ses forces, et que ses hommes d'Etat et de tribune durent tremper leur talent et leur àme. Le parti progressiste,

dont M, Mendizabal était un des chefs, ayant fait à la fois éclater ses tendances destructives et prédominer son influence dans les conseils de la Reine, M. Donoso Cortés refusa. d'en être l'instrument. l quitta le poste éminent où il avait été appelé si jeune encore. Il eut ainsi la gloire et le bonheur de ne prendre aucune part à la confiscation des biens ecclésiastiques, à la suppression des ordres religieux, à tous ces attentats sacriléges qui, sous le prétexte spécieux de punir le clergé espagnol de sa préférence pour Don Carlos, rendirent le gouvernement de la Régente complice des plus mauvaises passions de la révolution contre l'Eglise.

Eloigné ainsi pour un temps des fonctions administratives, il lui restait la tribune et la presse. Il usa de l'une et de l'autre avec une persévérance infatigable et un succès croissant. Le journal Avenir, dont il fut le fondateur, le Pilote, le Courrier National, et surtout la Revue de Madrid, qui l'eurent successivement pour collaborateur, renferment de nombreux travaux historiques et politiques, dont le recueil sera un jour, il faut l'espérer, offert à la respectueuse curiosité de ses admirateurs. Il occupa vers le même temps une chaire à l'Athénée de Madrid, où il donna un cours sur le droit politique il y trouvait une occasion naturelle de répandre, à ses risques et périls, dans le public et la jeunesse de cette capitale, alors si violemment agitée, les grands principes de tout ordre social et la théorie spéciale des devoirs réciproques des rois et des peuples. I mêlait à d'énergiques protestations contre l'esprit de désordre et de faction, l'exposé des conditions qu'il croyait dès lors indispensables au triomphe de la cause libérale, et qu'il a eu depuis le bonheur de voir reconnaître et pratiquer par la grande majorité de ses concitoyens. Il continua cette laborieuse carrière. en grandissant de jour en jour avec l'estime publique, jusqu'au jour où Espartero profita de l'ascendant qu'il devait à sa victoire décisive sur don Carlos, pour se faire l'instrument du parti progressiste, et entreprit de dépouiller la reine Marie-Christine, non-seulement de la régence du royaume, mais encore de la tutelle de ses enfants. M. Donoso Cortès consacra sa jeune renommée, son talent déjà mûr et son dévouement chevaleresque à la cause de Christine. Lorsqu'elle cut été obligée de quitter l'Espagne en 1840, son généreux avocat ne craignit pas d'engager une lutte personnelle avec le dictateur. Il voulait le contraindre, par les armes de la discussion et de la publicité, à respecter les droits, sinon de la veuve et de la régente, du moins de la mère et de la tutrice de ses enfants en bas âge. Il succomba naturellement dans ce conflit inégal, et dut s'estimer heureux de ne pas expier par son sang, comme son ami, l'intègre et courageux Montès de Oca, le crime d'avoir tenu tête au despote. Il lui fallut aller partager en France l'exil de la Reine et des principaux chefs du parti modéré. Il y devint le secrétaire particulier de Christine, et c'est de sa plume que sortirent les manifestes publiés par elle à-diverses époques, pour dénoncer aux Espagnols l'ingratitude et les violences du duc de la Victoire.

En 1843, lorsque le maréchal Narvaez eut renversé la domination du maréchal Espartero et rétabli une politique conservatrice appuyée par les sympathies de la France, M. Donoso Cortès retourna en Espague avec la reine Marie-Christine, et échangea le poste de secrétaire de la reine-mère contre celui de secrétaire et de directeur des études de la reine Isabelle, alors déclarée majenre. Il reprit en même temps sa place aux Cortès, où des majorités triomphantes le rappelaient à chaque réélection. Le ministère lui fut

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