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nos phylactères et nos longues franges sont le harnais de fabrique humaine qui net les mondains en défiance. » Elle reproche aux Chrétiens de se sevrer de littérature, de beaux-arts, de conversation, de voyages, et assurément il nous est impossible de concevoir le mal que les Frères voient dans toutes ces choses, qui, à leur manière comme toutes les autres choses créées, racontent la gloire de Dieu seulement, nous ne serions pas surpris que les Chrétiens eussent envie de contester la vérité du passage suivant, que nous avouons ne pas comprendre non plus tout à fait :

« Tout cela doit faire grandir le chrétien en nous... il peut s'en passer... mais il ne s'en sèvre point par un scrupule étranger à la parole de Dieu, sans y perdre quelque chose de la puissance progressive de son vrai caractère. »

L'Eglise a, depuis longtemps, sanctionné et par là même encouragé les arts, la poésie, les belles-lettres mais nous ne savions pas, nous autres pauvres Romains, que la puissance progressive du chrétien. sa croissance en nous eussent quelque chose à devoir aux mélodies de Schubert, aux symphonies de Beethoven, à des toiles largement écrites, à l'histoire des passions, des tentations, des chutes de l'homme (ne s'agit-il pas des ronians?) Ce n'est pas par un scrupule étranger à la parole de Dieu que les chrétiens timorés s'éloignent de tout plaisir, de toute distraction, même la plus innocen'e c'est par soumission à cette parole. Mine de..., après avoir dit :

« Si je voyais le Christianisme pencher vers une largeur latitudinairienne (sic) quant aux habitudes sociales, j'avancerais ma faible main et je mettrais là de solides appuis. »>

Mme de.... avance des textes, au contraire, en manière de solides appuis pour redresser le Christianisme qui penche vers une désolante étroitesse, et pour démontrer aux Frères l'abus de leur dévotion. Mais ceux ciont tout un arsenal de textes à leur usage, et à ceux où Mme de... voit l'innocence, l'utilité même des récréations, ils opposent des anathèmes tout aussi clairs, tout aussi énergiques, contre les joies du monde, les plaisirs du siècle, le siècle présent, les pompes de Satan, et ils demanderont à l'auteur de la brochure, pourquoi ils adopteraient ses conclusions plutôt que les leurs : « Car enfin, Madame, lui diront-ils, il ne suffit pas de répéter, je dis, j'affirme, il faut, il ne faut pas il ne suffit pas d'écrire que la Bible est l'infaillible norme à suivre; il faudrait encore nous prouver que votre manière de la lire est la seule infaillible et que nous tous, Chrétiens comme vous, devons voir dans la Bible tout ce que vous y voyez, rien de plus, rien de moins de par Luther, Madame, et de par vos propres paroles (p. 115) dans chaque chrétien il y a un pape: s'il n'y a pas un pape, il y a tout ce qu'il faut pour en faire un, nous sommes tous maîtres infaillibles du sens de cette divine parole; notre interprétation, ou notre manière de la lire vaut bien les vôtres,

pourquoi y renoncerions-nous ? Vous avez beaucoup d'esprit ; vous nous tournez en ridicule de la façon la plus amusante devant Chrétiens et Mécréants, mais il est dit dans plus d'une épître de saint Paul que la femme ne doit pas enseigner dans l'Eglise. Il se peut, Madame, que ces prohibitions se trouvent, par hasard, justement dans quelques-uns de ces versels que vous avez découvert n'être pas inspirés par le Saint-Esprit (1); mais dans notre étroitesse, dans notre formalisme, nous croyons que les Epitres sont toutes inspirées, et par conséquent ne reconnaissant pas à la plus spirituelle de nos sœurs le droit de nous diriger. C'est pourquoi nous resterons moroses, lugubres, austères, ennuyés et ennuyeux car tel est notre devoir d'après l'infaillible Norme à laquelle vous en appelez. >>

Le tableau suivant mérite d'être transcrit, parmi beaucoup d'autres, dont la touche netle et finie ferait honneur aux peintres les plus spirituels :

« Je laisse les idées bizarres, les définitions abstraites, la phraséologie théologique, ballons largement gonflés de brouillard, au moyen desquels s'enlèvent les spirituels et les savants au sein d'inaccessibles régions, pendant que leurs pauvres frères, barbotant en bas dans la bone se tirent d'embarras comme ils peuvent. Je m'attache à ce qu'il y a de plus palpable et je dis qu'en entrant dans de certaines réunions composées de chrétiens sincères mais formalistes, un homme simple croit encore entendre des langues étrangères; il voit des gens très-sérieux, très touchés, quiévidemment s'entretiennent de Dieu, et avec Dieu, mais il ne saisit rien de perceptible à l'intelligence beaucoup de mots, beaucoup d'exclamations, une espèce de parler chantant, dont les inflexions sont comme notées d'avance: quand on prie, des prières très-longues, faites sur un ton de convention qui n'a pas de rapport avec le timbre ordinaire de la voix : rien de naturel, rien d'individuel. Notre homme respire là une atmo sphère qui rappelle cette odeur d'encens particulière aux cathédrales romaines; il sent là un je ne sais quoi d'ampoulé, d'embrouillé, de factice, très-contraire au vrai : il est barbare à la congrégation, et la congrégation lui est barbare. »

Ne voilà-t-il pas une charmante peinture, dont on peut dire comme de certains portraits dont on ne connaît pas les originaux : cela doit être ressemblant ! Nous avons cependant une légère observation à faire sur ces mots de les Cathédrales Romaines. Comment Mme de entend-elle ce mot romaines? Elle a l'air de s'en servir comme pour discréditer nos basiliques en leur attribuant un caractère étranger. Est-ce une antipathie locale qu'elle témoigne ou

:

(1) Voir Archives du Christianisme du 14 juillet 1851, où Mme de Ga parin avance que toutes les Epitres de saint Paul ne sont pas inspirées par le Saint Esprit.

un préjugé sectaire qu'elle laisse apercevoir sous le manteau de cet adjectif innocent? A parler grammaticalement et géographiquement, au point de vue de chaque pays, il n'y a qu'une cathédrale romaine, celle de Saint-Jean-de-Latran, come il n'y a qu'une cathédrale parisienne, Notre-Dame, qu'une cathédrale viennoise, StEtienne. Les cathédrales comme la foi dont le centre est à Rome, mais dont la circonférence n'est nulle part, ne peuvent pas plus s'appeler en ce sens romaines, que les quelques millions de calvinistes plus ou moins purs, disséminés en France, en Angleterre, en Allemagne, et en Amérique ne peuvent s'appeler génevois, parce que Calvin établit à Genève sa démocratie théologique. Maintenant, veut-on nous reprocher quelque chose en nous appelant romains? Nous ne tenons notre nom ni d'un homme comme les luthériens, ni d'une contrée comme les anglicans, ni d'une pratiqué comme les anabaptistes, ou d'une discussion théologique, comine les remontrans et les contre-remontrans; nous sommes catholiques; notre Eglise est catholique, apostolique, et si, à ces deux appellations primitives, elle a réuni celle de romaine, ce n'est pas pour restreindre sa domination mais pour constater la suprématie du siege de Rome et l'élection faite de Rome pour y établir la chaire de saint Pierre a qui il a été dit: Confirme tes frères... je te donnerai les clés des cieux... Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel....... Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtiroi mon Eglise, etc., etc. Paroles que les chrétiens ne peuvent pas s'empêcher de lire quelquefois dans le saint Evangile. M DE ROMONT.

OCCASION.

S'adresser au bu

Une Collection complète de l'AMI DE LA RELIGION, depuis l'année 1814 jusqu'à nos jours, formant 159 volumes in-8. reau de l'AMI DE LA RELIGION, 12, rue du Regard.

BOURSE DU 1°r AOUT 1853.

4 1/2, à terme, ouvert à 103 10 plus haut, 103 15 plus bas 103 00 fermé à 103 10. Au comptant, il reste à 101 20.

3 0/0, à terme, ouvert à 76 00 plus haut, 76 25 plus bas, 76 00 Au comptant, il reste à 76 50.

fermé à 76 15.
Valeurs diverses: Obligations de la Ville (1849), à 1,185

1,285 ».

» (1852), à

»>; nouveau, 98

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Fonds étrangers: Rome, 5 0/0 ancien, 98 gique, 5 0/0, 100 >> Espagne, 5 0/0, j. j. 1852, 49 On a coté le 4 0/0 à » » ·

Actions de la Banque, 2,640 ».

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

MPRIMERIE DE H. V. DE SURCY ET CRUE de sèvres, 37.

L'AMI DE LA RELIGION.

Lettres inédites de Fénelon.

(Suite et fin.)

XI.

FÉNELON A ALAMANNI.

A Cambrai, 15 juillet 1710.

On ne saurait être plus vivement touché que je le suis, Monsieur, de toutes les marques que vous me donnez si obligeamment de l'honneur de votre amitié. Je puis vous assurer, sans aucun compliment et avec toute la sincérité chrétienne, qu'une amitié si solide me sera toujours très-chère. Je n'oublierai jamais nos conversations, et je ne puis m'en souvenir qu'avec une vraie consolation. Vous m'y paraissiez tout occupé de la religion et des choses qui seraient à désirer pour la soutenir. Je remarquais même avec plaisir ét édification votre zèle prudent et modéré pour la plus pure discipline. Ainsi je désire de tout mon cœur que ces talents soient employés pour servir l'Eglise dans un temps, où elle a de si grands besoins, et où elle est conduite par un pontife si éclairé et si appliqué à discerner le vrai mérite, et à le mettre en œuvre.

Je suis véritablement honteux, Monsieur, de tout ce que vous avez dit par un excès d'amitié. Je ressens même avec tendresse la bonté de cœur qui vous a fait passer au delà des bornes. Ce qu'il y a de véritable est que. par la grâce de Dieu je suis attaché au S. Siége par l'amour le plus vif et le plus tendre. On ne peut point aimer la religion, sans aimer cette sainte mère qui nous a enfantés en J.-C. et qui nous nourrit encore par l'esprit de vie. On ne peut aimer l'unité, qu'autant qu'on désire que tous les chrétiens soient réunis dans cet unique centredes enfants de Dieu. Il ne se passe aucun jour, où je ne prie à l'autel pour la longue vie du Pape. Nous avons un besoin infini, dans un temps si difficile, de ne perdre point un chef de l'Eglise, en qui Dieu a mis tant de sagesse et de piéte. Je ne cesse point de déplorer les malheurs présents, qui l'empêchent d'entreprendre diverses œuvres qui seraient faciles dans des conjonctures plus heureuses, et qui sont impossibles en celles-ci. C'est grand dommage qu'un si précieux pontificat s'écoule parmi tant de traverses, qui nous en dérobent le fruit. J'espère néanmoins qu'il fera certains biens, qui sont, pour ainsi dire à l'abri des contraditions, et qui feraient refleurir la discipline. Il peut réformer peu à peu les réguliers, redresser les études, modérer les écoles et les rapprocher les unes des autres, retrancher les disputes trop vives sur les questions inutiles et dangerenses, élever de bons sujets, en attirer de tous côtés à Rome, pour augmenter l'éclat et la réputation d'un lieu, qui doit être la première école, comme la première église du monde chrétien; prendre des mesures avec les puissances séculières, pour diminuer le conflit des deux juridictions, retrancher peu à peu les abus grossiers, et surtout accoutumer les évêques à une cordiale correspondance avec Rome, pour leur en rendre l'autorité douce et aimable. Si on ne se hâte pas d'établir cette subordination par la confiance, nous tomberons dans un schisme, dès que nous ne serous plus soutenus par certains secours, tels que l'attachement inviolable du Roi pour le Siége apostolique. Rien ne serait plus pressé que de trouver des remèdes prompts et efficaces pour arrêter la contagion du Jansénisme, qui croît tous les jours en France malgré les décisions du Pape

L'Ami de la Religion, Tome CLXI.

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et les coups d'autorité que le roi fait pour l'abattre. Les sources des études sont empoisonnées. Les plus célèbres corps séculiers et réguliers sont prévenus. Les jeunes gens nourris dans le goût de la nouveauté deviennent doeteurs et puis seront évêques. Les magistrats sécu'iers, jaloux de leur juri diction et opposés à celle de l'Eglise, écoutent avec plaisir un parti qui flatte leur autorité, et qui abaisse celle de Rome. Tout semble menacer la catholicité. On sape en secret tous les fondements de la vraie autorité: on rompt peu à peu tous les liens, on représente Rome comme une cour vaine et politique, qui est hautaine contre les faibles, et souple jusqu'à la bassesse à l'égard de ceux qui sont les plus fort. On dit que cette cour n'est occupée que de sa grandeur, qu'elle craint la véritable réforme, qu'elle nous paie de formalités, de procédures et de cérémonies. On éteint la vénération et la confiance jusque dans le cœur du peuple. La critique devient plus hardie de jour en jour. Un terrain qu'on sape ne paraît ébranlé que quand il tombe tout à coup.

Jugez, Monsieur, par cette peinture de l'état des choses combien je demande à Dieu, qu'un Pape si digne de la chaire de S. Pierre puisse voir la paix et en profiter pour remédier à tant de maux pressants. On nous avait dit que son séjour à Castelgandolfe rétablissaft sa santé. Mais outre que les saints exercices, auxquels on dit qu'il s'est occupé dans cette retraite, sont plutôt un travail apostolique, qu'un régime de convalescence; de plus je crains qu'en retournant trop tôt à Rome, il ne soit rentré dans un accablement d'affaires, qui empêchera sa santé de s'affermir avant l'hiver. Il serait bien triste et bien douloureux que nous ne profitassions point d'un temps, où nous avons tout ensemble un Pape savant et zélé avec un roi qui aime la religion, et qui a horreur de la nouveauté. En agissant de concert ils feraient des biens infinis.

Vous pouvez assez voir, Monsieur, que je vous parle sans politique, et même sans partialité comme si je n'étais pas Français. L'état présent des affaires met la France en très-grand péril, et j'ose dire qu'il est capital pour l'Eglise que la France ne tombe pas. Voilà Louvain et Douai en la puissance des protestants. Les Jansénistes vont dominer dans ces deux universités qui forment tout le clergé des Pays-Bas. Les Hollandais disent hautement qu'ils veulent favoriser les Jansénistes parce que ceux-ci ne les contredisent que sur l'Eucharistie, et sont d'accord avec eux sur la grâce, sur la prédestination, sur la liberté, sur les dévotions abusives qu'il faut retrancher, et sur la puissance de Rome, qu'il faut abaisser. Nos peuples sont d'ailleurs dans le plus grand péril de séduction, car on paie les pauvres familles qui vont au prêche des protestants, et on tient aux riches les discours les plus pernicieux.

La France est pleine de protestants mal convertis, qui se joindraient à nos ennemis, si nos ennemis par malheur pouvalent percer notre frontière. D'ailleurs le parti Janséniste irrité du zèle que le rol témoigne contre lui, ne manquerait pas de lever la tête. Il n'y aurait que la main de Dieu qui put arrêter ce torrent. Si la maison de France était abattue, il n'y aurait plus que la maison d'Autriche qui pût soutenir dans l'Europe la catholicité. Or, la maison d'Autriche est en danger de finir bientôt, auquel cas il ne resterait plus aucune puissance, qu'on pût opposer à celle des ennemis de l'Eglise. De plus, quand même la maison d'Autriche ne finirait point, elle serait trop faible, après la chute de la maison de France, pour faire le contre-poids du parti protestant. Ainsi l'empire passerait bientôt dans les mains des hérétiques, qui domineraient jusque dans toute l'Italie. Ce n'est point un danger éloigné et exagéré. Il est réel. Il est visible. Il est prochain.

J'ai un très-sensible déplaisir de ce qui est arrivé en France sur la constitution publiée à Rome contre le mandement de M. l'évêque de S. Pons. Il ne m'appartient pas de parler là-dessus. Vous pouvez remarquer que

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