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de Luther, Jérémie II l'occupa le premier. Il en fut renversé par Métrophane, lequel dut à son tour céder sa place à Pachomius, puis à Théolept, deux évêques simoniaques. Le règne de ces derniers fut court. Jérémie II les supplanta de nouveau, et au moyen d'une pension de cinq cents ducats qu'il fit à chacun, il obtint d'eux l'engagement de cesser toute concurrence. • Un prélat qui achète si bien les autres doit savoir au besoin se vendre lui-même. Telle est la réflexion que fit le grand-duc de Moscovie ou plutôt Boris Godounoff, son favori et son ministre. Il invita donc Jérémie à se rendre à Moscou, et lui promit tout l'or qu'il pourrait désirer, s'il voulait conférer la dignité patriarcale à Job, nouvellement élu métropolitain de la ville sainte.

« Jérémie n'eut garde de refuser; il apparut à Moscou dans toute la pompe de sa dignité sacrée ; et c'est lui qui, en sacrant le patriarche national de l'Église russe, fut censé lui inspirer cet esprit de force et de sagesse qui devait constituer désormais cette Église dans son indépendance propre et l'affranchir de l'antique tutelle. Merveilleux esprit, en effet, que celui de Jérémie II, et bien propre surtout à fonder cette orthodoxie dont la Russie se fait aujourd'hui un titre d'influence.

. Cependant le marché du patriarche de Constantinople fut loin d'être ratifié par ses confrères d'Orient. Dans un synode qu'il convoqua, à cet effet, lors de son retour à sa métropole, la plupart des évêques se déclarérent contre lui; il ne fallut rien moins pour les mettre à la raison que l'intervention de l'ambassadeur du grand-duc de Russie lui-même, et les efforts insidieux de Mélétius, patriarche d'Antioche, gagné d'avance à la cause de Boris Godounoff. Du reste, l'année suivante, Jérémie étant mort, le grandduc attira encore à prix d'or, dans les murs de Moscou, Théophile, son successeur, qui confirma pour la seconde et dernière fois la nouvelle institution (1).

« Telle fut l'origine du patriarcat moscovite. Au bout d'un siècle, il fut aboli par Pierre le Grand.

Mais quel éclat jeta-t-il durant cet intervalle sur l'Église orthodoxe? Comme ils en avaient fait les frais, les grands-ducs s'en attribuèrent naturellement les bénéfices; ils en disposèrent suivant leur caprice. Tous ces souverains, que l'empereur Nicolas appelle aujourd'hui ses glorieux ancêtres, ne reconnurent, en effet, au patriarche de Moscou d'autres immunités que l'honneur de servir d'instrument à leur despotisme, et la faculté de se mouvoir au gré de leurs ukases. Aussi, avant comme depuis Pierre le Grand, l'Église orthodoxe n'a-t-elle fait que précipiter sa décadence. Détachée du tronc originel où elle puisait sa séve, elle s'est peu à peu pétrifiée, s'enveloppant, à défaut d'animation intérieure, dans une foule de cérémonies et de formules vides, sorte de fétichisme qui rivalise peut-être avec celui auquel se livraient les Russes, à l'époque où ils s'inclinaient devant un bloc de pierre ou de bois.

Et voilà ce qui fait que l'Église russe n'est maintenant, à tout prendre, qu'une institution morte. L'Église catholique s'est signalée par des prodiges de civilisation... l'Église russe, au contraire, manque d'essor; autour d'elle tout s'atrophie; et, si l'on veut établir le bilan de son progrès, on y trouvera, il est vrai, une certaine somme de signes de croix, de génuflexions, de prosternements, ajoutée au programme primitif, mais pas une seule (1) Voyez l'ouvrage déjà indiqué, pages 47, 48, 49,

idée féconde, pas une seule création qui accuse le mouvement de l'Intelli gence, L'Église russe peut servir de levier à une politique abrutissante, nonde cadre à un culte ami de la liberté humaine et des évolutions spontanéesy de l'esprit.

• Que de fois, pendant mon séjour en Russie, n'al-je pas été frappé de l'inanité de cet amas de formules qu'on a baptisées du nom d'Église orthodoce! Enfouis dans les livres sacrés ainsi que dans une nécropole murée; les dogmes n'en sortent jamais pour rayonner sur le peuple. N'est-il pas dé fendu aux prêtres d'en faire trop fréquemment l'objet de leurs prédicationsy de peur qu'ils ne viennent à les altérer ? Ils veillent sur eux comme le dra❤ gon de la fable, sans en comprendre eux-mêmes ni l'éclat ni la valeur. Quel ques livres de théologie s'impriment, il est vrai, aujourd'hui, mais ce ne sont que des compilations isolées, des extraits falsifiés, fruit de labeurs so litaires, sans crédit dans le clergé comme sans influence sur les masses. Une fois que le Russe sait que Dieu est Dieu et que le tzar est son prophète, son éducation religieuse est terminée. On s'en rapporte, pour le maintenir dans les voies de la morale, à l'impulsion d'un naturalisme instinctif qui pourrait être tout aussi bien le fait d'un païen que d'un disciple du Christ.. (La suite à un prochain numéro.)

ERRATA.

-

– N° 5554, page 1251 3o ligne. Lisez « Ce beau vers d'un païen, Haud ignara mali, miseris succurrere disco. a

6 ligne : « Nous devons avouer,» au lieu de : Il faut avouer.

OCCASION.

Une Collection complète de l'AMI DE LA RELIGION, depuis l'année 4814 jusqu'à nos jours, formant 159 volumes in-8, reau de l'AMI DE LA RELIGION, 12, rue du Regard.

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Valeurs diverses: Obligations de la Ville (1849), à 1,185» (1852), à.

1,285 ».

Fonds étrangers: Rome, 5 0/0 ancien, 98 »; nouveau, 98 gique, 5 0/0, 100 »

Espagne, 5 0/0, j. j. 1852, 49 ".

On a coté le 4.0/0 à » » .

Actions de la Banque, 2,640 ».

». - Bel

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

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Imprimerie de H. v. De surcy ET C, RUE DE Sèvres, 37.

L'AMI DE LA RELIGION.

Bu droit de quêter dans les Eglises.

Nos lecteurs ont présents à l'esprit les remarquables articles dans lesquels M. de Vatimesnil, analysant l'excellente brochure de M. l'abbé Corbière sur le Droit de quêter dans les Eglises, a ajouté aux conclusions du savant curé de Saint-Vincent-le-Paul, la haute autorité de son nom et de sa science de jurisconsulte. L'auteur même de la brochure veut bien nous adresser un article qui fait suite à la question qu'il a traitée avec tant de logique et d'élévation. Il s'agit de la faculté accordée aux bureaux de bienfaisance de faire des collectes dans nos églises et du règlement de cette faculté. Nous n'avons pas besoin de faire ressortir de quel intérêt est l'examen d'une telle question pour les droits de l'autorité ecclésiastique et pour la liberté de la charité. Charles DE RIANCEY.

I.

La faculté dont jouissent les bureaux de bienfaisance de quêter dans les églises quand ils le jugent convenable, ne peut-elle point être réglementée par l'autorité diocésaine ; et l'article 75 du décret de 1809 qui l'établit, ne doit-il point être entendu dans le sens de la loi de 1806, portant que les Evêques, par des dispositions approuvées par le chef de l'Etat, déterminent le nombre de ces quêtes, les jours et les offices où elles se feront?

Au sortir de la grande révolution, on était peut-être moins surpris de voir les bureaux de bienfaisance envahir l'église pour y quêter sans la permission de l'Evêque ou du curé. Le souvenir des anciennes tracasseries parlementaires, l'effroi des persécutions récentes ne permettaient pas autant de s'appesantir sur l'injure d'une telle usurpation: une moindre servitude paraissait un bienfait; on se croyait libre par comparaison. Aujourd'hui que les traces de cet. assujettissement ont presque entièrement disparu; que l'esprit public, se transformant par degrés, réclame de plus en plus l'indépendance des deux puissances et le respect de chaque autorité, les personnes étrangères aux usages administratifs n'apprennent jamais, sans un. vif étonnement, que les bureaux de bienfaisance soient autorisés à quêter dans les églises. Leur bon sens est choqué de cette entrée de simples laïques dans le sanctuaire de Dieu pour y exercer des attriButions non reconnues par l'Eglise et qui blessent les droits des pasteurs. Ils ne comprennent pas que des hommes quelquefois sans religion parcourent les rangs pieux des fidèles, aux jours de nos grandes solennités et pendant le recueillement que réclame la célébration de nos augustes mystères. Leur étonnement redouble quand on leur dit qu'un président d'assises défendrait aux bureaux de L'Ami de la Religion, Tome CLXI. 9

bienfaisance de s'introduire dans son prétoire; que le gouverneur de la Banque aurait le droit de leur interdire l'entrée des salles où l'or ruisselle de toutes parts. Les assemblées religieuses seraient donc les seules où ces administrateurs seraient autorisés à pénétrer malgré la volonté de ceux qui y président? Non, une pareille disposition légale n'existe point: l'article 75 du décret de 1809 doit être entendu dans le sens de la loi du 12 septembre 1806.

Les convenances et le respect ont leur autorité, non moins que. les actes du pouvoir civil. Il n'est pas inutile de rappeler ces lois tutélaires dont l'oubli a amassé autour de nous bien des calamités et des ruines. Pour peu qu'on les consulte, on comprendra combien ce serait en méconnaître les prescriptions, que de permettre aux bureaux de bienfaisance d'être indépendants de l'Evêque dans les lieux consacrés aux cérémonies religieuses. Je n'admets en aucune manière la dépendance de l'Eglise dans l'appréciation de ce qui convient ou non à la décence et aux exigences du culte. Mais si quelques fonctionnaires pouvaient prétendre à se poser comme les égaux de l'Evêque, et surtout à le primer, certes ce ne devraient pas être les bureaux de bienfaisance dont le rang hiérarchique, même dans l'ordre civil, est si fort au-dessous de celui où l'Evêque se trouve placé. Or, permettre à ces administrateurs de violer les règlements épiscopaux sur les jours, les heures et les offices où les quêtes peuvent avoir lieu, ce serait les établir au-dessus de l'Evêque dont l'autorité méconnue fléchirait devant leur volonté.

La loi a sanctionné ce que les convenances et la rigueur du droit exigeaient elle a reconnu explicitement le pouvoir disciplinaire des Evêques sur les lieux affectés au culte. C'est à leur disposition que les Eglises ont été remises (Concordat, art. 12); c'est sous leur direction que le culte catholique est exercé (org. art. 9); c'est en se conformant à leurs règlements que les fabriques sont autorisées à quêter (décret 1809, art. 75). Que signifierait cette autorité sur les édifices religieux, cette direction de l'exercice du culte, si les bureaux de bienfaisance pouvaient les méconnaître ? Est-il croyable que ces administrateurs soient indépendants du pouvoir épiscopal, quand ils viennent quêter dans nos temples; tandis que les marguilliers, spécialement chargés de ces édifices, y seraient soumis ? Le respect de la limite des pouvoirs, le maintien de chacun d'eux dans la sphère de ses attributions, ne sont pas seulement un devoir; ils sont une condition d'ordre et de paix. Une fois qu'on serait entré dans la voie des envahissements, il n'y aurait plus de frein pour arrêter la marche des usurpations et des actes arbitraires. Si les bureaux, sans tenir compte des dispositions épiscopales, ont la faculté de quêter dans les églises, pourquci n'acquerraient-ils pas celle d'y distribuer des billets de loterie? Pourquoi les maires ne revendiqueraient-ils nas celle d'y distribuer les prix aux enfants qui fréquentent les éco

les? Pourquoi ne finirait-on pas par y tenir les assemblées communales? Mais qu'on y prenne garde : là commenceraient les violences qui ont épuisé bien des forces et dont la sagesse du gouvernement saura nous épargner les tentatives impies, désastreuses et insensées.

Les Evêques alimentent une multitude d'œuvres chrétiennes au moyen des quêtes qu'ils prescrivent dans les églises de leur diocèse. Le droit qu'ils ont de les faire ne leur est pas seulement conféré par leur mission divine : il est encore écrit dans le décret de 1809, et il a été reconnu par l'avis du comité de l'Intérieur en date du 6 juillet 1831. Or, qu'arriverait-il si les bureaux de bienfaisance voulaient quêter aux jours, aux heures, aux offices que l'Evêque aurait désignés pour y faire des collectes en son nom? L'emporteraient-ils sur fui dans les églises soumises à son autorité ? Certes, personne ne saurait admettre une si déplorable conséquence. Il faut donc conclure, pour prévenir l'indécence et le scandale d'un tel conflit, queles Evêques ont le droit de réglementer les quêtes que les bureaux de bienfaisance font dans les églises.

Aux termes de l'article 36 du décret du 30 décembre 1809, les fabriques paroissiales comptent au nombre de leurs revenus le produit des quêtes dans l'église. L'exercice de cette perception est aussi absolu et entier, que celui des bureaux de bienfaisance. La même. loi établit les droits de ces deux administrations; rien ne laisse supposer que le législateur ait voulu placer les fabriques au-dessous des bureaux de bienfaisance dont la position est ici moins favorable, puisqu'ils viennent fonctionner dans des lieux naturellement réservés à d'autres administrateurs. Or, supposons une lutte de priorité entre les uns et les autres : d'après les règles du bon sens, chacun est maître chez soi, et les fabricants devraient avoir la faculté de choisir. Mais, le moyen le plus efficace de prévenir ces discussions fâcheuses, serait, en attendant le changement de la législation actuelle, de soumettre toutes les quêtes au règlement de l'Evêque.

Il ne s'agit pas seulement, pour les fabriques, d'un point de dignité et de préséance : il y va aussi pour elles d'une source de revenus, indispensable pour les frais du culte. S'il plaisait aux bureaux de bienfaisance de quêter à toutes les messes, à tous les offices, aux convois, aux mariages et aux baptêmes, que resterait-il pour la paroisse? Deux-quêtes coup sur coup ne donneraient que de faibles recettes; et le produit à verser dans la caisse de la fabrique deviendrait insignifiant, si les bureaux de bienfaisance étaient libres de choisir le moment le plus favorable.

Je crois avoir prouvé dans mon Mémoire que les curés ont le droit de quêter dans les églises, d'y convoquer conséquemment des assemblées charitables, d'y recueillir les dons des fidèles. Or, je suppose qu'un jour où la réunion serait nombreuse, où un prédica

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