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guerre dans l'envahissement de deux provinces qui, quelle que soit leur organisation spéciale, font partie intégrante de son empire. Elle ne violerait donc, pas plus que les puissances qui viendraient à son aide, le traité du 13 juillet 1841, si elle déclarait les détroits des Dardanelles et du Bosphore ouverts aux escadres de France et d'Angleterre. L'opinion du gouvernement de Sa Majesté Impériale est formelle à cet égard, et bien que, dans sa pensée, elle n'exclue pas la recherche d'un moyen efficace de conciliation entre la Russie et la Turquie, j'ai invité M. le général de Castelbajac à faire connaître notre manière de voir à M. le comte de Nesselrode et à lui communiquer cette dépêche. »

Ce moyen de conciliation dont parle M. Drouyn de Lhuys, on continue à le chercher, et il est bien certain que les négociations se poursuivent activement. Ainsi, le Morning Post, énumérant les projets mis en avant, n'en indique pas moins de quatre :

« 1o Un projet émané du cabinet anglais ;

2o Un projet de M. de Bruck, accepté par la Porte et par les ambassadeurs des grandes puissances;

« 3° Un projet que la France accepte, inais seulement à condition qu'il reçoive des modifications considérables;

« 4° Enfin, dit-on, un quatrième projet présenté par le cabinet prussien.>> Ce qu'ajoute ce journal est une conclusion assez comminatoire :

« Nous sommes, dit-il, au moment de la véritable crise. Si l'empereur Nicolas repousse les propositions qui lui sont faites, l'Angleterre et la France savent ce qu'elles ont à faire. S'il négocie, les propositions faites ne peuvent avoir que l'un de ces deux résultats : ou l'empereur acquerra le protectorat des chrétiens grecs sujets de la Porte, ou il ne l'acquerra pas. Il est incontestable que s'il l'acquiert, c'en est fait de l'indépendance de la Turquie, la Russie aura atteint son but, et la France et l'Angleterre auront subi un échec matériel et moral. D'un autre côté, si le protectorat n'est pas accordé à la Russie, lors même que l'on ferait quelques concessions au sentiment qu'elle a de sa dignité, l'empire ottoman serait conservé. Les deux grandes puissances occidentales seraient intervenues utilement, et l'empereur de Russie aurait abandonné des prétentions tout à fait inadmissibles. Nous avons dit clairement que si les négociations aboutissent, elles auront pour résultat de sauver notre allié et de sauvegarder notre honneur. Si elles n'aboutissent pas, ce que nous avons à faire est évident, et nous espérons que ce qui sera fait sera décisif. »

Cependant, et malgré les détails que donnent les correspondances sur les grandes manœuvres de troupes à Saint-Pétersbourg, sur l'attitude du général Luders qui se tient à Ismaïl pour pouvoir au besoin passer le Danube à Tultscha, enfin sur le voyage d'inspection en Moldavie du général russe de Danenberg et en Valachie du prince Gortschakoff, nous ne serions pas étonné que la Presse, de Vienne, du 13, eût dit dans les lignes suivantes le mot du dénouement possible :

« Nous avons annoncé hier, d'après une dépêche télégraphique de Londres, que, dans ces derniers jours, la France et l'Angleterre avaient envoyé de nouvelles propositions d'arrangement au cabinet de Saint-Pétersbourg. Aujourd'hui nous apprenons d'une source digne de foi, que ces propositions sont déjà arrivées à Censtantinople.

« D'après ces propositions, le sultan publierait un nouveau firman décla

rant qu'il promet à toutes les puissances européennes de maintenir de nouveau tous les droits, priviléges et immunités de tous les cultes chrétiens dans l'empire Ottoman, attendu que le czar protecteur de l'Eglise orthodoxe, s'étant plaint que ses droits étaient lésés, a exigé que cette garantie lui fût donnée de nouveau. La Russie demande que les frais occasionnés par la guerre soient liquidés par une commission mixte composée de fonctionnaires turcs et russes. »

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Espagne. Le ministère espagnol est maintenant au complet et est actuellement à la Granja où il vient d'élaborer un décret royal qui a paru dans la Gazette. Il s'agit d'une émission par le Trésor de 300 millions de réaux (75 millions de francs) en bons du Trésor, qui doivent remplacer la dette flottante. La Gazette fait connaître toutes les dispositions en vertu desquelles s'opérera cette émission.

La presse de Madrid est toujours en butte à de grandes sévérités judiciaires. Ainsi le tribunal pénal vient de statuer sur une poursuite intentée au journal las Novedades, pour un article relatif au règlement du ministère de l'intérieur. Le ministère public a requis contre l'éditeur deux mois de prison et 10,000 réaux d'amende. Le tribunal, sous la présidence de M. Urbina, a déclaré l'article coupable, et il a condamné l'éditeur à 5,000 réaux (1,225 fr.) d'amende et six mois de prison. Alfred DES ESSARTS.

Nouvelles Religieuses.

DIOCESE DE PARIS. Mardi, 19 juillet, la fête de saint Vincent de Paul sera célébrée solennellement dans la chapelle de MM. les Lazaristes, rue de Sèvres, 95.

Grand'messe à 9 heures et Vêpres à 2 heures. Après Vêpres, le panégyrique du saint sera prêché par M. Duquesnay, doyen de Sainte-Geneviève, il sera suivi du Salut solennel. Pendant toute l'octave, il y aura des messes à toutes les heures de la matinée, et le soir Salut solennel à 6 heures et demie.

Indulgence plénière le jour de la fête ou dans l'octave.

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DIOCÈSE DE ST.-BRIEUC ET TRéguier. Le 17 juillet courant, une cérémonie religieuse aura lieu à Bel-Air, point culminant du Mené. On y procédera à la bénédiction de la première pierre d'une chapelle en l'honneur de la très-sainte Vierge, sous le titre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel.

En cette circonstance, Monseigneur l'Evêque de Saint-Brieuc et de Tréguier, qui concourt, non-seulement de son approbation, mais de son offrande à cette bonne œuvre, accorde la faculté de célébrer une messe à onze heures du matin, de chanter les Vêpres à deux heures et demie, de faire une procession solonnelle à la suite d'une allocution analogue à la cérémonie. Depuis le jour où l'idée première de cette œuvre a été inspirée à un vénérable Prêtre, et surtout depuis l'inauguration et la bénédiction d'une statue de MARIE élevée provisoirement sur l'observatoire, le 15 Octobre 1852, le zèle des Prêtres et des fidèles des paroisses voisines s'est tellement exprimé par des offrandes et des pèlerinages continuels, qu'il n'est plus possible de se refuser au vœu général qui demande un monument en l'honneur de MARIE sur ce désert qui domine toute la contrée et les deux mers qui la baignent au nord et au midi.

Pour réaliser de si justes désirs, une commission formée de membres du

clergé et d'hommes respectables, accepte cette mission, dirigera les travaux et réglera l'emploi des aumônes qui seront versées à cette intention. DIOCÈSE DE BORDEAUX. On lit dans la Guienne, du 16 juillet?

Monseigneur l'Archevêque de Bordeaux, accompagné de plusieurs eco clésiastiques parmi lesquels étaient M. de Langalerie, curé de St-Louis, s'est rendu hier, à quatre heures après-midi, au couvent des Carmes-Déchaussés aux Chartrons. S. Em. a été reçue dans la chapelle par le R. P. Provincial. « Après avoir prié quelques instants, le prélat a adressé une courte allocution aux assistants pour leur faire part de la satisfaction avec laquelle il ve nait préparer la fondation d'une église pour la communauté du Carmel, érigée canoniquement dans la province d'Aquitaine..

« Il a également exprimé ses vives sympathies pour les religieux qui se sont dévoués si heureusement à instruire la partie de la population bordelaise qui les environne, et surtout à l'édifier par l'austérité de leur vie et les vertus dont ils donnent l'exemple.

<< Enfin Mgr Donnet a annoncé aux RR. PP. Garmes, avant de les quitter, qu'il voulait souscrire le premier pour faire élever d'église dont la construction est confiée à M. Thiac, architecte du département. »> ›

DIOCÈSE DU PUY. Mgr l'évêque du Puy a conçu le projet grandiose d'é lever une statue colossale de la Vierge au sommet du rocher de Corneille, qui domine la cathédrale et la ville. Cette heureuse idée a été accueillie avec enthousiasme, et aussitôt des souscriptions nombreuses ont été adressées à son pieux auteur. Aujourd'hui, la question de la dépense paraît résolue; il ne s'agit plus que de faire choix d'un artiste.

La commission nommée par Monseigneur a publié, le 25. mars dernier, le programme d'un concours qui doit être jugé au commencement d'octobre.

Nouvelles et Faits divers.

M. l'abbé Mullois, premier chapelain de la Maison de l'Empereur, auteur du Manuel de la Charité et du Livre des Classes souffrantes, vient de publier un nouvel ouvrage sur la Manière de parler au Peuple. Cet ouvrage, spécialement destiné aux ecclésiastiques et aux autres personnes charitables qui s'occupent d'une manière active de l'amélioration morale du peuple, se recom mande par les précieuses qualités qui distinguent les autres livres du même auteur et obtient déjà un succès semblable.

En réponse à ce qu'avaient publié d'inexact quelques journaux, relativement au voyage de Mgr l'évêque d'Orléans, le Moniteur du Loiret donne les renseignements suivants :

Mgr Dupanloup est allé se reposer de ses travaux pendant quelques.se. maines au château de la Combe, près de Grenoble, dans l'Isère; il doit re venir sous peu de jours dans son diocèse, où l'appellent différentes solennités : qui réclameni sa présence. Mgr l'évêque d'Orléans, fait du reste ce voyage chaque année vers cette époque.

Mgr Dupanloup sera de retour à Orléans pour présider, le 24 juillet prochain, la première communion des élèves du lycée et pour leur donner la confirmation..

« Nous ajouterons même, au risque de commettre une indiscrétion, un‹‹ détail qui rassurera complétement la Presse religieuse et l'Emancipation; c'est que Mgr l'évêque d'Orléans, invité il y a quelques semaines par M. Fortoul,

ministre de l'Instruction publique et des cultes, qui doit marier très-prochainement sa fille, à vouloir bien venir donner la bénédiction nuptiale aux jeunes époux, a accédé au désir de M. le ministre et doit se rendre à Paris avant peu pour présider à cette cérémonie.-L. Làvedan.

— On a posé, le 28 juin, à Thorn, à l'angle sud-est de l'ancien hotel de ville, la fondation du monument destiné à Copernic. L'inscription qui doit orner le piédestal est due à Bockh et Humboldt. Elle porte sur le côté de face: Nicolaus Copernicus Torunensis terræ motor, solis cælique stator; sur le côté opposé: Natus anno 1473, obiit anno 1513. Les jours de la naissance et. de la mort sont omis, parce qu'on n'a pu déterminer leur date avec certitude.

-Par décision de l'Empereur, M. le comte de Nieuwerkerke, directeur général des musées impériaux, a été autorisé à joindre à ce titre celui d'intendant des beaux-arts de la maison de Sa Majesté.

— M. Hausmann, nouveau préfet de la Seine, a pris possession de l'Hôtel-de-Ville.

- M. de Morny a quitté Paris se rendant en Hollande.

VARIÉTÉS.

L'ÉGLISE GRÉCO-RUSSE.

M. Léouzon Le Duc, ancien chargé de mission en Finlande et en Russie, vient de publier à la librairie de L. Hachette et C, un livre du plus grand intérêt sur la Question russe. Ayant entre les mains des documents nombreux, fruit de ses observations personnelles pendant ses voyages répétés en Russie et en Allemagne et pendant son long séjour en Finlande, l'auteur aborde certains détails spéciaux dont personne ne s'est encore occupé, sur le caractère du prince Menstchikoff, sur l'état actuel de l'Eglise gréco-russe, et sur la position respective des quatre grandes puissances continentales, de la Prusse et de l'Autriche surtout, vis-à-vis de l'empereur de Russie. Nous extrayons de ce livre les passages suivants relatifs à l'Eglise orthodoxe :

« Qu'est-ce que l'Église russe ? C'est l'Église catholique réduite à l'état de pétrification. » Ainsi s'exprimait un jour le père Lacordaire du haut de la chaire de Notre-Dame. Ces mots sont d'une vérité profonde.

• Transfuge de l'Église de Rome, imitatrice servile de l'Église de Constantinople, l'Église russer naceu ce semble, d'autre but, depuis trois siècles surtout, que d'étouffer peu à peu en elle le principe qui la vivifiait à son ori gide, pour arriver à cette torpeur morne où elle lánguit'aujourd'hui. Que signifie ce titre d'orthodoxe dont elle se pare avec tant d'orgueil? Je le demande en vain à l'histoire. Ce que l'histoire m'apprend, c'est qu'en 897 le patriarche byzantin Ignace, qui vivait alors en parfaite harmonie avec le pontife romain, envoya, des missionnaires dans la Russie pour travailler à

sa conversion (1); ce que l'histoire m'apprend, c'est qu'en 980 Wladimir le Grand, premier grand-duc de Russie, après la princesse Olga, qui ait embrassé solennement le christianisme, reçut le baptême des mains de l'évêque grec de Kherson. Or, en 867 et en 980, quelle est la foi que les Russes réputaient orthodoxe ? Évidemment celle dont ils faisaient profession. Mais cette foi, quelle était-elle, sinon la foi catholique pure, sinon la foi romaine? Je sais que les historiens russes, accumulant les ténèbres autour du berceau de leur conversion, se sont efforcés de persuader au monde que leur Église ne relève directement et originairement que de Photius. L'histoire, heureusement, parle plus haut que ces historiens. Est-ce qu'il était question de Photius en 867? Non: Photius ne parut qu'en 880. Est-ce qu'il en était question en 980? Non, encore; ce temps fut pour l'Église de Constantinople une phase de repos; elle vivait alors dans l'oubli des hardiesses de Photius, sans que rien vînt troubler ses bons rapports avec Rome; ce n'est que soixante ans plus tard que Michel Cerularius reprit de nouveau l'œuvre du schisme pour la consommer sans retour.

« Cependant il ne faudrait pas croire que l'Église russe se laissa entraîner, même dès cette époque, à la remorque de l'Église byzantine. Longtemps encore, elle resta fidèle à la déférence qu'elle témoignait depuis son origine au Saint-Siége. Elle entretenait avec lui une correspondance suivie, lui demandait des conseils, et, bien qu'elle relevât hiérarchiquement de Constantinople, elle semblait avoir à cœur de puiser aux sources de saint Pierre la pureté des dogmes, les règles de la discipline canonique et les splendeurs de la foi. Ne vit-on pas, en 1074, le grand-duc Isaslaff demander aide et protection au pape Grégoire VII contre les empiétements de son frère Wseslaff (2)? Le pontife rétablit entre eux la bonne harmonie, confirma le premier dans la possession de ses États, en lui assurant en outre l'alliance de la Pologne, et octroya au second, au nom du prince des apôtres, la souveraineté de la Russie. On sait ce que signifiaient alors dans l'esprit des peuples ces solennelles investitures que le superbe Hildebrand conférait aux maîtres de la terre.

« Mais déjà les Tatars avaient envahi la Russie. Courbés sous la plus amère servitude, les Russes perdirent peu à peu leur force d'âme; l'épanouissement de leur caractère national avorta. Comment, dans de telles conditions, eussent-ils pu résister à l'influence délétère des pontifes schismatiques qui leur venaient de Constantinople? Politiquement et socialement esclaves, ils le devinrent aussi ecclésiastiquement; ils copièrent Byzance. Toutefois, le lien ne fut définitivement rompu qu'à la fin du xv° siècle.

« Séparée de Rome, l'Église russe voulut aussi s'affranchir de Constantinople; en d'autres termes, elle voulut se donner un patriarche qui fût national et indépendant. Ceci réclamait le consentement et l'intervention du patriarche byzantin.

<< Voici le moyen dont on se servit pour les obtenir:

« A cette époque, c'est-à-dire en 1572, le siége patriarcal de Constantinople était livré en proie à d'impudentes rivalités. Jérémie II, prélat d'une foi douteuse, inclinant tantôt vers le schisme de Photius, tantôt vers l'hérésie

(1) Voyez les preuves citées dans l'ouvrage intitulé Viccissitudes de l'Église Catho lique des deux rites, en Pologne et en Russie, par un prêtre de l'Oratoire, t. I, pages 2 et suivantes. Chez Sagnier et Bray, 1843.

(2) Voir le mêmǝ ouvrage que ci-dessus, de la page 10 à la page 15 inclnsivement,

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