Page images
PDF
EPUB

rer, dans le cours trop rapide de sa vie dépensée en œuvres d'autant plus aglorieuses aux yeux de Dieu et des hommes qu'elles étaient plus modestes.

Lorsque le magnanime Pie IX monta sur le trône pontifical, il convosqua, tant de Rome que des provinces, des hommes distingués qu'il chargea d'examiner les meilleures conditions d'administration publique, et, appréociant la sagesse du cardinal (de qui la mort seule pouvait le séparer), il lui confia la présidence de cette commission. Celui-ci, affaibli, il est vrai, sous le rapport de la santé, mais toujours ferme d'esprit, se mit à étudier, à embrasser avec ardeur les matières les plus épineuses, et ce fut à la satisfac-tion complète de son souverain qu'il termina la session annuelle de cette -commission. On peut dire que cette tâche mit le comble à ses fatigues.

<< Sa complexion maigre et débile le rendait accessible à de fortes im~pressions que sa force d'âme surmontait et qui ne se laissaient point devisner sur son visage vollé d'une aimable pâleur et rempli d'une expression de bonté pour les malheureux. Il était d'une sobriété extraordinaire, prenait peu de sommeil; observateur exact de ses devoirs les plus minutieux, il ne se doutait pas que sa vie ne tenait qu'à un fil et pensait que sa force ré-pondait à ses occupations.

C'est cependant à l'âge peu avancé de 56 ans et sans maladie, que nous avons eu la cruelle douleur de le voir s'affaisser et passer tout à coup au sommeil des justes. Ce jour suprême le réunissait enfin à son excellente mère qu'il avait aimée si tendrement. L'anniversaire de la mort de cette mère chérie approchait... 'le matin même, le cardinal avait versé des larmes en contemplant son portrait, et le soir il était auprès d'elle!

Frappé si profondément et d'une manière si inattendue, à peine avonsnous pu retracer quelques traits d'une existence si belle et si bien remplie : mais son éloge le plus grand est dans le deuil universel des gens de bien, et dans le témoignage honorable de regret que lui a accordé publiquement l'auguste Chef de l'Eglise. Francesco MASSI. »

ROME.

CORRESPONDANCE particulièrE DE l'Ami de la Religion.

"Notre correspondance de Rome est à la date du 10 juillet :

La mort de S. E. le cardinal Brignole a laissé vacante l'importante préfecture de la congrégation de l'Index. N. S. P. le Pape vient d'en conférer les saintes et délicates fonctions à S. E. le cardinal d'Andréa, qui, à d'au'tres postes, a déjà rendu tant de services à l'Eglise.

'Depuis le grand cardinal Baronius, on trouve bien des noms illustres dans la liste des préfets de l'Index.

Cette congrégation a fait imprimer récemment, à l'imprimerie Camérale, la formule relative à la permission de lire les livres condamnés. Cette formule est intitulée ainsi : Exemplar facultatis impertiendo episcopis ultra montes ut suis quisque subditis vetitorum a S. Sede librorum lectionem permittere valeat.

'Les Evêques, qui en font la demande, sont autorisés, par cette formule d'abord, à donner aux prêtres et autres personnages ecclésiastiques la permission de lire et de retenir toute leur vie les livres condamnés de littérature, philosophie, théologie, droit canonique et civil. Les prêtres les plus

distingués par leurs connaissances et leur piété, peuvent même être autorisés à lire des livres dirigés ex professo contre la religion; mais non pas ceux qui traitent de la matière d'objets obcènes. Tous ces livres doivent être gardés sous clé, en sorte qu'ils ne puissent jamais tomber dans les mains ni sous les yeux de ceux qui n'ont pas l'autorisation de les lire.

En second lieu, les étudiants en droit, en médecine et en pharmacie, en diplomatie, etc., peuvent être autorisés à lire des livres relatifs à leurs professions, et selon ce besoin, des ouvrages littéraires ou philosophiques mis à l'Index.

Troisièmement, ceux qui se livrent à l'étude de langues orientales ou modernes peuvent être également autorisés à se servir des lexiques et des commentaires qui se rapportent à ces langues.

Tels sont, d'après la nouvelle formule, les pouvoirs accordés aux Evêques ultra montes qui en font la demande. Ils sont subordonnés seulement à deux conditions expresses: la première est que, dans tout rescrit, dans toute licence que l'Evêque accordera, il fasse mention formelle de la faculté apostolique qui lui a été concédée à cet effet; la seconde est ainsi conçue: Ut nihil prorsus curiæ episcopali pendatur emolumenti sive pro scriptura sive pro sigillo, etiamsi spontè aliquid exhibeatur, sub pœna nullitatis licentiæ ejusdem ubi cuipiam subquovis prætextu perceptum fuerit.

A l'occasion des tributs que la chambre apostolique recueille la veille de saint Pierre, elle a fait, selon l'usage, imprimer le Liber Censuum pour l'année 1853. C'est un fort volume de 93 feuilles in-folio.

Les redevances qui y sont enregistrées sont sans importance comparativement aux ressources que l'Eglise romaine possédait autrefois pour subvenir aux besoins de son administration centrale. Il est intéressant, après avcir jeté un coup d'œil sur le Liber Censuum de 1853, de consulter encore les documents que l'on retrouve dans les collections des anciens diplômes. Citons par exexple lé Bulle de Nicolas IV, publiée par D. Martene, in qua enumerantur census Ecclesiæ romanæ ex aliis Ecclesiis. (V. Martene, Thesaurus anecdotorum, t. II, p. 1300, parmi les Epitres pontificales de Nicolas IV). Il en ressort que le Saint-Siége retirait autrefois des autres Eglises des revenus suffisants pour soutenir l'administration ecclésiastique nécessaire au gouvernement de l'Eglise universelle. Aujourd'hui, cette charge est entièrement supportée par le budget des Etats pontificaux. C'est ce budget qui fonrnit au traitement des Nonces, des Congrégations, etc., etc. Cette sorte de dépenses, qui se rapporte aux besoins généraux de la chrétienté, forme la dix-huitième partie du total du budget pontifical, et c'est précisément dans cette proportion d'un dix-huitième que le budget est en déficit depuis 1830, époque à laquelle le gouvernement romain a dû augmenter les frais de son administration temporelle.

Nous avons bien souvent remarqué nous-mêmes le fait que nous signale ici de nouveau notre correspondant. Il serait bien juste, il serait bien digne des divers peuples chrétiens de ne pas laisser aux seuls Etats de l'Eglise le soin de subvenir à des charges qui les intéressent tous également. Il est très-vrai que la ville et les provinces, placées sous la paternelle autorité du Saint-Siége, retirent de cette position privilégiée une foule d'avantages qui font plus que compenser, même au point de vue matériel, les charges qu'elle leur impose. Mais le principal de ces avantages, qui fait la richesse des populations et des individus, l'affluence des étrangers, est loin

d'accroître, dans une semblable proportion, les ressources des finances publiques; et il suffit qu'elles soient obérées par des services dont tous les catholiques profitent pour que tous tiennent à honneur d'y concourir pour leur part. Que si jamais un moyen convenable leur était proposé pour y coopérer et pour resserrer ainsi les liens qui les unissent au Saint-Siége, la générosité et le dévouement de la France y répondraient avec empressement et ne se laisseraient vaincre, ainsi qu'on l'a vu déjà en 1849 par l'offrande spontanée du denier de Saint-Pierre, par aucune rivalité.

Charles DE RIANCEY.

La seconde chambre des États-généraux a nommé la commission chargée d'examiner le projet de loi contre la liberté religieuse. MM. Groen, de Brauw et Wintgens qui s'y trouvent, sont, soit pour la loi, soit pour une loi contre la liberté religieuse; MM. Sloet tot Oldhuys et Westerhof sont contre la loi. D'après ce qu'on assure, les discussions sont très-vives; les attaques auxquelles les catholiques sont exposés sont on ne peut plus violentes. On veut subordonner l'Eglise catholique, coûte que coûte, à la toutepuissance gouvernementale, c'est-à-dire à la toute-puissance protestante.

De leur côté, les catholiques néerlandais sont loin de désespérer. Leur conduite continue d'être d'une dignité exemplaire, mais ils ne négligent nullement leurs devoirs constitutionnels. Des milliers de signatures arriven journellement à la seconde chambre; la plus petite commune prend part à cette solennelle démonstration contre la loi proposée.

Tous les jours, le Tijd rapporte de nouveaux détails sur le pétitionnement. Parmi les adresses publiées par ce journal en figure une émanant d'un grand nombre de prêtres catholiques dans laquelle on remarque le passage suivant :

« Ils ( les pétitionnaires) croient devoir formuler en face de toute la Néerlande, la déclaration solennelle que jamais l'autorité ecclésiastique n'exige d'aucun ministre de la religion catholique, avant, pendant ou après son entrée en fonctions, un serment ou promesse dans lequel il y a ou pourrait y avoir quelque chose de suspect pour la sécurité du royaume, ou pour l'ordre et la tranquillité publique, ou quelque chose de contraire à la fidélité au roi, ou à l'obéissance due aux lois de l'Etat. Jamais ils n'ont fait un pareil serment ou promesse : jamais ils ne le feront. >>

Le Synode des prétendus réformés néerlandais, qui a été ouvert le 6 juillet, à La Haye, après avoir adopté son réglement d'ordre, a nommé une commission pour examiner tout ce qui a rapport à la question de la hiérarchie épiscopale catholique. Charles DE RIANCEY.

Actes officiels.

La circulaire suivante, relative à la nomination des instituteurs, vient d'être adressée aux recteurs d'Académie par le ministre de l'instruction publique :

« Monsieur,

• Au moment où le gouvernement vient d'assurer l'avenir des instituteurs primaires par la loi sur les pensions civiles, il convient de faire de nouveaux efforts pour améliorer de plus en plus un personnel dont le bon choix im

porte tant à l'éducation de la génération qui s'élève, et de n'admettre, par conséquent, d'une manière définitive dans le corps des instituteurs que des sujets éprouvés. Dans ce but, je compte présenter, lors de sa, prochaine session, au conseil impérial de l'instruction publique, un règlement qui, entre autres dispositions, aura pour objet d'introduire dans l'instruction publique un usage établi depuis longtemps dans l'instruction secondaire, et qui consiste à ne donner, dès le début dans la carrière de l'enseignement, qu'un titre provisoire, lequel ne confère point aux maîtres qui le reçoivent des droits à tous les avantages attachés aux fonctions qu'ils exercent. Je désire que vous puissiez, sans différer, préparer l'exécution de ce règlement, en ne donnant, conformément à l'article 14 du décret du 7 octobre 1850, qu'une nomination provisoire à tous les instituteurs qui entreront en fonttions d'ici au 1er janvier 1854...

« 29 juin 1853.

ya. Le ministre de l'instruction publique et des cultes,
H. FORTOUL.

Bulletin Politique de l'Etranger.

-

Affaires d'Orient. Une seconde circulaire de M. Drouyn de Lhuys, en réponse à la dernière communication de M. de Nesselrode, a paru dans le Moniteur. C'est l'événement du jour, en l'absence de nouvelles positives venues soit de Constantinople ou de Saint-Pétersbourg, soit des provinces danubiennes.

M. le ministre des Affaires Etrangères commence par « déplorer» l'attitude que la Russie a prise récemment, «au moment même où les efforts de tous les cabinets pour amener une solution satisfaisante des difficultés.actuelles témoignent si hautement de leur modération. »

Il repousse comme injuste et non fondé « l'unique grief » sur lequel le gouvernement russe appuie ses prétentions, à savoir « l'offense que la Porte aurait commise à son égard en ne tenant pas compte des promesses qu'elle aurait faites à la légation de Russie à l'époque du premier règlement de la question des Lieux-Saints, en 1852, et il répète de la manière la plus affirmative que les firmans rendus par le Sultan, à la suite de là mission du prince Mentschikoff, ont enlevé à ce grief toute ombre de réalité, et que s'il est un gouvernement autorisé à élever des plaintes légitimes, ce n'est pas celui de S. M. l'empereur Nicolas.^»

«En effet, ajoute-t-il, à la date du 10 mai dernier M. le comte de Nesselrode, qui venait de recevoir des dépêches de M. l'ambassadeur de Russie & Constantinople, se félicitait, avec M. le général de Castelbajac, d'un résultat qu'il considéralt comme une heureuse conclusion de l'affaire des LieuxSaints; M. Kisseleff, à Paris, me faisait une semblable déclaration, et, partout, les agents du cabinet de Saint-Pétersbourg tenaient le même langage.

« Les demandes formulées postérieurement par M. le prince Mentschikoff, quand l'objet principal de sa mission était atteint, quand on annonçait déjà son retour, ne se rattachaient donc par aucun lien à celles qu'il avait fait accueillir par la Porte; et c'était bien une nouvelle question, une difficulté plus grave qui surgissait à Constantinople, alors que l'Europe, un instant ́alarmée, était invitée par la Russie elle-même à se rassurer..compléte

ment. »

Ce que M. Drouyn de Lhysu fait remarquer ensuite avec le plus d'amertume, c'est que la Russie n'a pas attendu les résolutions auxquelles pourraient s'arrêter la France et l'Angleterre pour envoyer « sous forme d'une lettre à Reschid-Pacha, un dernier ultimatum, à bréf délai, et qui contebait, très-clairement exprimée, la menace d'une prochaine occupation des principautés du Danube.

* Lorsque cette décision était prise avec une solennité qui ne permettait plus à un gouvernement jaloux de sa dignité de la modifier, lorsque, par une circulaire datée du 11 juin, S. M. l'empereur Nicolas la faisait annoncer à l'Europe, comme pour en rendre l'exécution plus irrévocable, notre escadre était encore à Salamine, et celle de l'Angleterre n'était pas sortie du port de Malte.

« Ce simple rapprochement de dates suffit, conclut le ministre, pour indiquer de quel côté est partie cette initiative que l'on s'efforce aujourd'hui de décliner, en en rejetant la responsabilité sur la France et l'Angleterre ; Il suffit également pour prouver qu'entre la communication faite à Paris et à Londres de la démarche tentée directement par M. le comte de Nesselrode à Constantinople et le rejet de cet ultimatum, le temps a manqué matériellement aux gouvernements de Sa Majesté Impériale et de Sa Majesté Britannique pour exercer, dans un sens quelconque, leur influence à Constantinople.»

· Ainsi l'initiative d'un mouvement agressif ne peut être attribuée qu'à la Russie. Sur le fait de l'occupation des provinces moldo-valaque, l'opinion de M. Drouyn de Lhuys est parfaitement tranchée; la voici :

<< Sauf le but si différent des deux démonstrations, il y avait peut-être une sorte d'analogie dans les situations respectives quand l'armée russe se tenait sur la rive gauche du Pruth et que les flottes de France et d'Angleterre jetalent l'ancre à Besika. Cette analogie a disparu depuis le passage de la rivière qui forme les límites de l'empire russe et de l'empire ottoman. M. le comte de Nesselrode, d'ailleurs, semble le reconnaître quand il suppose déjà les escadres en vue de Constantinople, et représente comme une compensation nécessaire à ce qu'il appelle notre occupation maritime la position militaire prise par les troupes russes sur les bords du Danube.

Les forces anglaises et françaises ne portent, par leur présence en dehors des Dardanelles, aucune atteinte aux traités existants. L'occupation de la Valachie et de la Moldavie, au contraire, constitue une violation manifeste de ces mêmes traités. »

La note se termine par des déclarations qui pourraient avoir une grande influence sur la situation si elles ne devaient pas arriver trop tard sans doute sur le théâtre principal des événements.

De quel droit les troupes russes ont-elles donc passé le Pruth, si ce "n'est du droit de la guerre, d'une guerre, je le reconnais, dont on ne veut pas prononcer le vrai nom, mais qui dérive d'un principe nouveau, fécond en conséquences désastreuses, que l'on s'étonne de voir pratiquer pour la première fois par une puissance conservatrice de l'ordre européen à un'degré aussi éminent que la Russie, et qui n'irait à rien moins qu'à l'oppression en pleine paix des Etats faibles par les Etats plus forts qui sont leurs Toisins.

• L'intérêt général du monde s'oppose à l'admission d'une semblable doc'trine, et la Porte, en particulier, a le droit incontestable de voir un acte de

« PreviousContinue »