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Eh bien! après qu'on aura répondu à ces questions, il restera une accablante vérité écrite en chiffres : c'est que sur tous les points de la France le journalier agricole marié, chargé de trois enfants, se privant même du nécessaire, dépense par année cent francs de plus qu'il ne gagne.

Je me hate de dire que cet énorme déficit disparaît, si le journalier demeure près d'un grand propriétaire; parce que sur la grande propriété il y a pour ses bras de l'ouvrage en toute saison; parce que, sans que bourse soit déliée, le bois sec du parc et de la futaie cuit ses aliments et réchauffe ses enfants; parce que les herbes spontanées des vastes terrains qui entourent le château entretiennent facilement en son toit une vache qui donne du lait, crème, beurre, caillé, fromage, approvisionnements inappréciables du petit ménage; parce que les champs des fermes attenantes à la propriété offrent depuis la Saint-Jean jusqu'à la Bonne-Dame de Septembre un plantureux glanage, et que sa femme et ses deux plus grands en. fants ramassent en foin, en orge, en seigle, en blé, en avoine, de quoi nourrir la famille pendant trois mois', et aussi de quoi faire le sou en vendant quelques grenetailles qui ne peuvent être consommées dans la maison.

Au reste, la ménagère de la chaumine et la dame du château se visitent et s'aiment; elles sont mères l'une et l'autre, et l'une et l'autre ont leurs peines. Dieu seul connaît tous les biens invisibles que ces deux cœurs de femmes, rapprochées dans la solitude de la campagne, se font mutuellement la dame voit de près des misères qui éclairent et élèvent autrement l'âme qu'une soirée et un bal donnés à la préfecture; et la pauvre journalière recevant à l'entrée de l'hiver, le matin même où les habitants du château rentrent à la ville, un paquet mystérieux, l'ouvre avec un cœur ému, et admire, en les mouillant des larmes de sa reconnaissance, de moelleux bas de laine tricotés par les demoiselles du château et destinés par elles à ses enfants; et aussi de belles vestes et de solides pantalons pour ses gar-çons et son mari, faits d'une étoffe qui a eu l'honneur de siéger avec M. le comte au conseil du département; et pour elle-même et sa petite fille deз jupes et des robes qui peut-être sont allées au théâtre, mais Dieu leur pardonnera, parce que désormais elles iront à l'herbe. Donc le soir on prie dans la chaumière pour la famille du bienfaisant propriétaire; et le journalier, de retour du travail, trouve moins de tristesse sur le front de sa femme; car elle a dit en pensant aux bontés de la châtelaine: Voilà tout, si je tombe malade et que je vienne à mourir, oh! bien sûr que Madame prendra soin de mes pauvres enfants; elle est si bonne, Madame!

Voilà les vrais rapports, les rapports naturels, humanitaires, sociaux et chrétiens que l'Eglise a établis entre l'ouvrier, le journalier, le pauvre et le grand propriétaire; les voilà tels que nos yeux,

nos mains, notre cœur de curé de campagne les ont vus, touchés,, sentis, pendant trente années de ministère.

Qu'il nous soit donc permis de vous demander dans notre simplicité, ô savants économistes et socialistes, si vraiment vous comprenez quelque chose à l'ordre providentiel et divin de ce monde, forsque vous essayez de briser ces touchantes et sublimes réalités avec.. les subtils calculs et les impuissantes théories de la division et du partage égal de la propriété : division et partage qui ne seraient, après tout, que l'anéantissement de la propriété par la pulvérisation et l'égalité des hommes dans la misère, l'abaissement et la barbarie. METHIVIER,

Curé de Neuville-aux-Bois.

Les trains de plaisir pour Londres (une semaine) viennent de commencer à l'Office général des chemins de fer, place de la Bourse, 12; aller et retour, dans les premières classes, logement, nourriture dans les premiers hôtels, interprètes, excursions dans Londres et ses environs, 250 fr. et 160 fr., tous frais compris.

En raison du grand nombre de malades guéris de névralgies et autres affections nerveuses, migraines, palpitations, maux d'estomac et d'intestins, par la NÉVROSINE, nons invitons les personnes atteintes de ces maladies à lire la brochure sur le remède curatif. Prix, 50 cent. A Paris, pharmacie.. Léchelle, 35, rue Lamartine, et chez tous les libraires.

OCCASION.

Une Collection complète de l'AMI DE LA RELIGION, depuis l'année 1814 jusqu'à nos jours, formant 159 volumes in-8. S'adresser au bureau de l'AMIDE LA RELIGION, 12, rue du Regard.

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BOURSE DU 10 JUILLET 1853.

4 1/2, à terme, ouvert à 102 80 102 80 fermé à 102 80.

plus haut, 102 00 plus bas Au comptant, il reste à 102 80. 3 0/0, à terme, ouvert à 76 00 plus haut, 76 25

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fermé à 76 15.

-

Au comptant, il reste à 76 50.

plus bas, 76 00€

Valeurs diverses: Obligations de la Ville (1849), à 1,135 » (1852), à ́

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L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

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IMPRIMERIE DE H. V. DE SURGY et co, rue de SÈVRES, 37.

L'AMI DE LA RELIGION.

DES LOIS CIVILES

CONCERNANT LE MARIAGE DES CHRÉTIENS.

(Traduit de l'italien, par L. RUPERT.)

Il serait bien fâcheux que les préoccupations politiques que produit en ce moment le différend turco-russe, absorbassent complétement l'attention publique. Les intérêts en jeu dans cette grave question méritent, sans aucun doute, d'exciter notre sollicitude soit comme catholiques, soit comme Français, mais il en est d'autres qui nous touchent de plus près encore, et qui, partant, ne doivent jamais cesser d'être l'objet de notre vigilance et de notre zèle le plus actif. Telle est même la nature spéciale de l'activité catholique: tandis que toutes choses sont empreintes de ce caractère transitoire et particulier qui est l'indice des pensées simplement humaines, les efforts du catholique tendent au permanent et à l'universel, parce qu'ils ont leur point de départ dans une sphère qui domine les étroits horizons des intérêts de ce monde.

En ce moment, une agitation dont on ne saurait se dissimuler la gravité se manifeste dans les régions élevées de la politique européenne: on parle de paix et de guerre, et, quoi qu'en pensent les optimistes et les amis du repos, nous marchons effectivement audevant des plus sérieuses complications et des plus redoutables conflits; mais, indépendamment de ces mouvements dans l'ordre des faits extérieurs, ne détournons pas nos yeux du mouvement religieux et social et des progrès que la cause catholique doit réaliser au milieu du développement des circonstances, et sous l'influence de l'esprit qui anime la société actuelle. Nous l'avons déjà dit, et nous ne croyons pas que l'observateur sérieux vienne nous contredire, nous vivons dans des temps de transition: de profondes modifications dans nos conditions et notre vie religieuse et sociale se préparent sous la direction souveraine et mystérieuse de la divine Providence. Aucun regard humain ne saurait apercevoir l'ordre de choses nouveau qui surgira de cette fermentation, de cette phase de préparation dans laquelle nous nous trouvons; mais le catholique a toujours sa tâche marquée, la doctrine et l'esprit divin de notre sainte Eglise lui indiquent la route à suivre et l'idéal à réaliser : il faut qu'il s'efforce de le comprendre de plus en plus et qu'il s'arme du courage nécessaire. Encore une fois, nous autres catholiques, nous, les ouvriers du divin Père de famille, nous avons autre chose à faire que d'imiter les enfants du siècle et de nous préoccuper de tous les faits transitoires qui paraissent et agitent les fils de ce siècle. L'Ami de la Religion, Tome CLXI. 6

N'est-il pas vrai d'ailleurs que tous ces événements qui viennent périodiquement troubler la marche des sociétés et agiter leur surface, ne sont que la conséquence rigoureuse de causes plus intimes et plus profondes, essentiellement dépendantes de la vie religieuse des peuples? A ce point de vue, il y aurait infiniment à dire sur les divers symptômes qui se déclarent, de plus en plus caractérisés dans notre situation présente. Mais nous nous apercevons que nous nous écartons de notre sujet, et que notre entrée en matière n'est déjà que trop prolongée.

D'après ce que nous venons de dire, nos lecteurs ne nous en voudront sans doute pas de distraire aujourd'hui leur attention des rivages du Bosphore et du Pruth pour leur signaler de nouveau cette importante question du mariage civil, considéré dans ses rapports avec la doctrine et la vie de la société catholique. On se rappellera peut-être les articles que nous avons publiés dans cette Revue même sur cette grave matière, traitée naguère avec tant d'élévation et de tact par l'honorable M. Sauzet, et qui, suivant l'expression de ce même publiciste, avait été mise à l'ordre du jour catholique, par la plus haute autorité qui soit sur la terre. C'est à ce titre qu'alors nous avons protesté contre cette déclaration, si mal imaginée, par laquelle le Moniteur aurait voulu étouffer la discussion sur ce sujet, et c'est à ce titre encore que nous en venons parler aujourd'hui. Cette fois cependant, ce n'est point en notre nom et nous n'avons qu'à nous acquitter du modeste rôle de rapporteur et d'interprète d'un écrivain de grand nom, d'une science et d'une autorité suffisamment reconnues. Nous voulons parler du livre dont le titre se trouve en tête de cet article. Déjà le nom de l'auteur est du domaine de la publicité et nous nous félicitons de l'heureuse indiscrétion qui nous l'a livré de pareils accompagnements sont toujours d'un grand effet dans un siècle où la masse des écrits a porté un si grand prejudice à l'autorité de la presse.

Analyserons-nous l'ouvrage de M. l'abbé Rosmini? Nous ne le croyons pas opportun, parce que nous pensons être assez sûr de notre jugement en le recommandant à nos lecteurs comme une œuvre de premier mérite, qui par conséquent veut être lue tout entière. Ainsi qu'il devait en être d'ailleurs, pour une production destinée à exercer une influence immédiate sur les faits du moment, elle se réduit à un petit nombre de pages, écrites d'un style rapide et avec une concision et une sobriété de formes que nous avons d'autant plus admirée qu'elle n'est pas le caractère habituel même des meilleurs écrivains de l'Italie.

L'on trouvera dans ce livre un véritable traité de jurisprudence sur cette difficile matière du mariage, d'autant plus difficile que les déplorables doctrines divulguées par les théologiens parlementaires et les parlements-théologiens, depuis quelque soixante-dix ans, ont

tendu à fausser entièrement les idées à cet égard. M. Dupin ne se faisait point illusion dernièrement lorsqu'il signalait les principes de 89 menacés par la réforme que propose aujourd'hui une théologie éclairée et plus catholique que celle qui a inspiré certaines parties du code civil et d'autres articles encore. L'honorable ex-président de l'Assemblée législative connaît assez bien certains éléments de notre société et c'est sur ceux-là qu'il comptait quand il a poussé son cri d'alarme. Ne venait-on pas d'ailleurs de prononcer depuis peu et de bien haut des paroles qui étaient de nature à exciter le courage des amis de notre patrimoine révolutionnaire ?

Les principes de 89 ainsi compris (1) ne sont assurément pas l'Evangile du catholicisme et ne peuvent lui servir de règles dans ses jugements et sa conduite. A défaut de la sagesse humaine, qui toute seule suffirait déjà pour détourner le catholique de la voie où cheminent M. Dupin et les libéraux de son école, il a une règle sûre et infaillible qui éclaire sa marche et détermine ses préférences. Déjà nous l'avons indiquée en traitant nous-même la question de droit en matière de mariage. Mais le livre de M. l'abbé Rosmini ne laisse à cet égard rien à désirer. Nous n'hésitons pas à dire que de tous les livres que nous connaissons sur le mariage civil, envisagé en regard de la doctrine orthodoxe et des besoins des sociétés chrétiennes, c'est à la fois le plus solide, le plus complet et le plus éloquent. Toutes les considérations de quelque importance, auxquelles ce sujet peut donner lieu, sont présentées par l'auteur, et, chose fort remarquable pour un si petit volume, avec tous les développements nécessaires pour les mettre à portée de l'esprit le moins habitué à ce genre de controverses. L'argumentation est vigoureuse, pressante, quelquefois mordante et railleuse. C'est que l'auteur avait affaire à des hommes qui avaient mis toute la subtilité de leur esprit à défendre les inventions de leurs sophismes et de leur impiété hypocrites. Nous les connaissons, nous aussi. Il y en a de pareils dans tous les pays, et, pour les confondre, c'est sagesse et dignité que de les écraser par tout ce que l'indignation du bien et du vrai peut fournir de traits et de ressources.

Nous ferons même ici une remarque générale sur les écoles et le genre d'éducation intellectuelle du clergé italien. L'on trouve chez lui, encore en pleine vigueur, ces puissantes méthodes scientifiques qui disciplinent si efficacement l'esprit des jeunes gens, et qui ont

(1) Nous ne voulons accepter aucune solidarité avec certains adversaires de ces principes. Nous avons une horreur profonde de ces antipathies préconçues, filles de l'esprit de système et d'un tempérament exagéré. Il y a dans les idées de la mémorable époque en question, bien des choses qui ont été purement et simplement la conséquence du développement naturel des sociétés européennes. C'est le cas de distinguer et de choisir : Quod bonum est tenete.

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