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lent, et avec lesquels il partageait libéralement sa bourse, sa table et sa maison. Cette société d'hommes d'esprit, l'habitude de fréquenter les ateliers où s'élaboraient sous ses yeux les immortels chefs-d'œuvre qui font aujourd'hui la gloire de nos collections publiques, avaient singulièrement développé et perfectionné les heureuses dispositions qu'il tenait de la nature. Ses connaissances en peinture égalaient celles des premiers maîtres eux-mêmes.

D'un autre côté, ses relations avec le monde élégant de Paris lui avaient donné cette politesse exquise, cette amabilité parfaite, cette aisance de manières, cette facilité de langage qui sont le véritable caractère de ce qu'on est convenu d'appeler la bonne compagnie. Aussi était-il impossible d'approcher M. de Saint-Vincent sans éprouver pour lui la plus vive sympathie. Il est véritablement resté, pour les personnes qui l'ont connu, le type des bonnes manières et de la galanterie française.

Le goût du beau qu'il possédait à un si haut point lui fit entreprendre plusieurs voyages dont les relations écrites de sa main sur des notes prises à la hâte nous ont mis à même de juger avec quel fruit il visitait les pays lointains, et avec quelle élégance de style il savait rendre les diverses impressions qu'éprouvaient son esprit et son cœur. Plusieurs fois il parcourut l'Italie, cette immortelle patrie des beaux-arts, et toujours il en revenait de plus en plus émerveillé. Il connaissait aussi l'Angleterre, la Belgique, la Hollande et la Suisse. Chacun de ces pays avait imprimé dans sa mémoire une foule d'agréables souvenirs que nous aimions tant à lui entendre raconter, et qu'il redisait, du reste, avec un charme infini.

Les voyages dont nous venons de parler, ses rapports avec le monde artistique, l'aisance dont il jouissait avaient fait naître chez M. de Saint-Vincent le besoin

de s'entourer des objets de sa constante préoccupation. Aussi sa maison de Paris ressemblait-elle beaucoup plus à un véritable musée qu'à une habitation particulière; tous les appartements étaient ornés d'une foule de peintures signées des noms les plus illustres. Son cabinet, en particulier, véritable sanctuaire de l'étude et du bon goût où n'étaient pas aimis les profanes, renfermait un grand nombre de curiosités venues de tous les pays du monde; on y voyait en outre une des plus intéressantes bibliothèques qu'il soit possible de rencontrer, et de plus une très-riche collection d'autographes des plus grandes célébrités de l'histoire. Les richesses. artistiques que possédait M. de Saint-Vincent étaient bien connues des amateurs; aussi n'avons-nous pas été surpris de voir le nombreux concours de personnages illustres qui, à sa mort, se sont empressés de venir partager ses dépouilles. Plusieurs de ses peintures, quelques-unes de ses rares éditions, un grand nombre de ses autographes, n'ont été adjugés qu'à des prix extrêmement élevés.

C'est au milieu de cette vie pleine de si nobles jouissances, et à un âge qui devait encore lui promettre tant de belles années, que notre regrettable collègue ressentit les premières atteintes de la longue et cruelle maladie qui devait nous l'enlever. Il comprit que la vie si active qu'il avait jusque-là menée à Paris était désormais au-dessus de ses forces, que le repos et l'air pur de la campagne étaient devenus nécessaires à son existence. Le choix de sa retraite ne pouvait pas être douteux; des raisons de famille, d'anciennes relations d'amitié devaient le ramener dans le village de Vauxbuin, dans cette délicieuse vallée que ceux qui l'habitent ou qui vont seulement la visiter apprécient chaque jour davantage.

C'est là que M. de Saint-Vincent a passé les dernières

années de sa vie, en philosophe, au milieu d'une propriété qu'il s'occupait à embellir, au milieu de ses riches albums et de ses livres favoris qu'il ne quittait même pas au moment des assauts terribles que lui livrait l'affreuse maladie de la pierre à laquelle il devait succomber. Il est cependant mort à Paris où l'avaient rappelé, pour quelques jours, l'affection et la grande célébrité de son ami, le docteur Civiale, l'inventeur de la lithotricie. Mais il a voulu que son corps fût ramené au village de Vauxbuin, et c'est là qu'il repose dans une tombe qu'il s'était préparée lui-même de son vivant, entre sa femme et quelques anciens amis. Il n'était âgé que de cinquante-huit ans.

Malgré son goût pour l'étude et quoique possédant un esprit orné des plus belles connaissances, M. de Saint-Vincent n'a rien écrit pour le public. Cependant, outre les souvenirs de voyage dont il a été question plus haut, je dois citer une notice restée également manuscrite qu'il a composée sur le village de Vaux buin, et que je communiquerai quelque jour à la Société quand de nouvelles recherches m'auront permis de la rendre plus complète. M. de Saint-Vincent est encore l'auteur de la Notice biographique publiée par l'Illustration sur Wickemberg, le peintre si célèbre des glaces et des neiges avec lequel il avait vécu dans une grande intimité.

M. de Laprairie lit un mémoire très-intéressant et très-curieux sur l'ancien château d'Albâtre.

Dans le nord de la Gaule comme dans les provinces du Midi, les Romains avaient élevé de nombreux monuments revêtus du cachet de grandeur qu'ils savaient imprimer à toutes leurs œuvres. Partout en effet où ce peuple s'établissait, il portait avec lui le luxe de Rome

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