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bliquement qu'il soutiendrait son droit envers et contre tous; mais il reconnut ses torts et fit amende honorable à l'abbesse et à ses filles. Enfin, par un jugement rendu en 1675 par l'officialité de Reims, les chanoines furent obligés de se soumettre à leurs devoirs, sous peine d'interdiction de leurs saints ordres.

La primitive église de Saint-Pierre, que nous pourrions aussi appeler basilique, puisqu'elle était occupée par des moines tirés sans doute de Saint-Pierre de Rethonde, prieuré que saint Drausin avait créé un peu avant Notre-Dame, avait disparu ou menaçait de s'écrouler, lorsqu'au 19e siècle on entreprit de la rétablir sur le même emplacement. Cette nouvelle église, située au nord de celle de Notre-Dame dont elle suivait l'orientation et affectait la forme plus en petit, en était si rapprochée, qu'un étroit passage de sept à huit mètres seulement séparait les deux édifices. La collégiale de Saint-Pierre devait se ressentir évidemment, dans son plan et ses détails d'architecture quoique moins finis, de ce voisinage et de cette situation de dépendance dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de sa rivale, ou plutôt de sa mère. Au reste, il serait difficile aujourd'hui, en l'absence de documents positifs, de décider quelle est celle des deux églises qui a été antérieure à l'autre et lui a servi de modèle.

Quoi qu'il en soit, nous sommes portés à croire que ces deux monuments avaient beaucoup d'affinité, non-seulement quant à la disposition générale et à la forme, mais encore quant au style et à l'ornementation. Saint-Pierre avait aussi le plan des basiliques, mais avec ses modifications encore récentes. C'était la croix latine avec le clocher au point central, l'abside circulaire ou en hémicycle, deux transepts, une nef principale et ses deux latéraux. L'édifice, daus sa composition architecturale, représentait non-seulement la barque, la nacelle légère

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qui glisse sur les eaux, mais le navire avec sa nef, son mât et sa proue, destiné à braver les flots en courroux. On retrouverait tous ces emblèmes religieux dans nos temples catholiques, si l'on voulait se donner la peine. de les étudier dans leurs rapports réels et symboliques.

Nous pouvons dire qu'à l'extérieur, Saint-Pierre était tout roman, si nous en exceptons les voussures de la porte principale où commence à poindre l'ogive. Cette porte est flanquée de six colonnettes; quatre d'entre elles. portent le fût cannelé et isolé du mur. Ces fûts, en pierres monolithes et très-dures, reposent sur un soubassement élevé avec un tore et une scotie profondément fouillée. Les chapiteaux ornés de larges feuilles enroulées et frisées se terminent par des croches ou boutons qui se recourbent en volutes. Dans l'entrecolonnement se trouvaient des statues dont il ne reste plus que le piédestal, encore a-t-il été mutilé. Les voussures sont formées de deux tores unis et d'un bandeau découpé par des cavités ou sillons de manière à former une espèce d'engrenage avec ses vides et ses pleins alternés. Une magnifique archivolte, chargée de palmettes se relevant vers la partie supérieure pour encadrer un médaillon dont la figure est effacée, recouvre cette belle voussure. Le tympan était occupé par un bas-relief; mais les sujets en ont été tellement hachés, tailladés, c'est le mot, qu'il n'est plus possible de distinguer la scène qu'ils représentaient. Deux contreforts plats et peu saillants accompagnent cette porte et s'arrêtent dans le haut, un peu au-dessous d'une curieuse corniche garnie de modillons d'une composition fantastique et bizarre; ce sont des têtes grotesques, des masques, des figures d'hommes et d'animaux alternées, des bouts de solives en biseau, des fleurons et des palmettes. Cette corniche, qui mériterait une description plus étendue, parcourt toute la nef principale et enveloppe dans son circuit une charmante tourelle

surmontée d'un toit conique imbriqué. Au-dessus, la façade se termine par un pignon à double égoût, et dont le fronton aigu est percé d'une ouverture carrée, ornée d'un cintre en décharge, disposition très-usitée au 19e siècle. Des portes latérales flanquées aussi de colonnettes engagées, enrichies d'un tore, s'ouvraient dans les bas-côtés. Trois fenêtres à plein-cintre, ornées de colonnettes et surchargées de violettes, donnaient beaucoup de grâce à cette façade dont l'ensemble est sévère, mais harmonieux. Au midi de la nef et du latéral, la même ornementation se reproduit; ce sont toujours des cordons de violettes qui circulent tout le long des murs et se festonnent au-dessus des fenêtres pour en former des archivoltes gracieuses, quoique les évasements des baies soient dépourvues d'ornements.

Le chœur et l'abside ont disparu, ainsi qu'une partie de la nef et le clocher; mais ce dernier, si on en juge d'après la gravure de Tavernier, n'était pas sans importance, quant à la tour carrée. Ses quatre faces étaient remarquables par une double arcade dans laquelle s'ouvraient des fenêtres géminées, séparées par une colonnette centrale qui supportait un tympan aveugle. Deux archivoltes, décorées de violettes, formaient encadrement au-dessus. Une guirlande de palmettes se déroulait avec grâce le long de la corniche. Quant à la flèche en bois qui surmontait la tour, elle était des plus vulgaires; elle se composait de quelques baies écrasées, semblables à des sabords flanquées de quatre clochetons aigus aux angles. Ce genre de construction hibride, assez commun dans nos campagnes, ne remonte pas à une époque bien éloignée. On n'a pu y avoir recours que dans les temps de calamité et d'épuisement, lorsqu'il y avait vraiment pénurie de numéraire et d'artistes, ce qui est arrivé bien souvent à la suite des guerres désas

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