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pavé blasonné avec crosse abbatiale, originaire de l'hôtel-Dieu de Château-Thierry. Notre infatigable collègue a décidément tout déterré. Aussi, vous le verrez vous apporter un pavé de Lor. Qui de vous connaît l'église de Lor? personne. C'est une église du canton de Neufchâtel. C'est de là que vous vient un des plus gracieux fleurons feuillagés du 13° siècle. Je regrette de ne vous apporter rien de Saint-Michel, de Saint-Quentin, ni de Chauny, vous auriez le département par tous les bouts.

Mais nous allons pénétrer au cœur et voir quelques échantillons de Laon.

A la multitude, à la variété des pavés qui vous sont envoyés, vous sentez que notre collègue est là sur son terrain; on croirait Laon la terre classique des pavés émaillés.

Montreuil, la Ville vous donneront signe de vie dans quelques fleurons.

Saint-Vincent ne se verra pas fureté en vain; il en sortira un cerf effrayé qui s'enfuit au plus vite, mais ne peut échapper à la main des archéologues. Vous y trouverez ce prunier sauvage que le blason appelle Crequier.

Mais la Citadelle, le Cloitre des chanoines et la Cathédrale nous étaleront à l'envi leurs richesses. A la cathédrale, outre des complications bizarres de fleurs-de-lys, un champ de gueule semé de fleurs-de-lys et une palmette étalée à quatre pointes, nous verrons, sous un cintre crénelé, deux oiseaux becquetant le fruit pendant à un arbre. Ailleurs, une Diane chasseresse dont il ne reste qu'un fragment. Vous apercevez le bras et le jarret tendu pour tirer de l'arc. Enfin, j'admire un riche dessin en arabesque qui me rappelle les riches ferrures de Notre-Dame de Paris.

Le clottre des chanoines présente le fer de lance de ses fleurs-de-lys, lesquelles, sur un immense pavé entremêlé de fleurons, ornent une couronne enrichie de

diamants et entourent un beau feuillage écartelé. Je ne dis rien de riches entrelacs dont nous n'avons qu'un fragment. Je m'arrête à regarder ce chien qui court à travers la forêt, la tête haute et la queue en panache, et cet autre limier qui semble tenir fièrement en arrêt le gibier d'un autre pavé. Cette collection, venue du cloître des chanoines de Laon, se termine par un fou à grand panache, à moins qu'on ne le prenne pour Jo, le jongleur dont on voit à la cathédrale la pierre tumulaire aux pieds de celle d'un évêque de Laon. Il serait curieux de vérifier si les évêques avaient alors des fous à leur service. Le personnage de notre pavé se livre à une danse effrénée.

Nous sommes à la citadelle. J'y rencontre la reproduction de peintures murales de la tour de Coucy, des crosses végétales disposées en quinte-feuilles. La fleur-de-lys y paraît en losange sur le tout. Plus loin, c'est l'aigle impériale disposée en pal. Puis un blason écartelé de léopard et de fleurs-de-lys. Un large fragment nous montre le coin d'une scène où une femme costumée comme au 14° siècle semble mesurer de la toile ou plier du linge. Enfin, nous apercevons sur un pavé de petite dimension un masque plein de caractère la bouche large, le nez épaté, les yeux à fleur de tête, les oreilles magnifiques avec une barbe et des cheveux ébouriffés. En découpant ce sujet, l'on aurait une ombre chinoise de grand effet.

Je n'ai pu découvrir l'origine des trois autres pavés dont l'un simule quatre petits pavés rapprochés. Il est ecartelé, au premier gironné, au second à la fleur-de-lys, au troisième échiquier de neuf pièces, au quatrième fleuronné. Les deux autres sont des quarts de cercles crénelés ou unis, traversés d'un riche feuillage.

Ces quarante pavés sont dignes assurément de tout l'intérêt de la Société, et nous ne pourrons qu'applau

dir à l'idée de notre collègue qui prépare un travail complet sur plus de deux cents types trouvés par lui dans le département. Ce travail, auquel il donnera un caractère d'universalité, embrassera tout ce qui s'est fait en ce genre d'ornementation, à toutes les époques et dans tous les pays du monde. Thèbes, Memphis, les déserts de l'Afrique, les plaines bouleversées de Ninive et les marais de Babylone n'auront pas de secrets à l'abri de ses investigations. Du moins rendra-t-il compte de ce qu'on y a trouvé.

M. de Laprairie donne communication d'une lettre écrite à M. le préfet.

M. Suin lit un rapport sur un atlas de la géographie de la France, composé par MM. Bazin et Cadet, professeurs au collège de Soissons, et offert à la Société archéologique de cette ville.

Messieurs,

Dans notre dernière séance, deux membres de la Société archéologique de Soissons, MM. Bazin et Cadet, ont bien voulu lui faire hommage des deux premières livraisons d'un atlas de géographie dont ils sont les auteurs, et qui est spécial à la France. Cet atlas, destiné aux élèves de l'école impériale de Saint-Cyr et aux jeunes gens qui suivent dans les lycées et les collèges les ciasses de rhétorique, de quatrième et de cinquième, est dressé conformément aux nouveaux programmes de l'université.

Vous savez, Messieurs, que l'enseignement de l'histoire et de la géographie dans les établissements d'instruction publique ne date pas en France de bien loin. Le plus lyrique de nos poètes contemporains ayant, dans une ode sur la statue de Henri IV, confondu le village

d'Ivry près Paris avec Ivry près Evreux, théâtre de la fameuse victoire du Béarnais, donnait quelques années après une raison fort simple pour excuser son erreur : lorsque je composai cette ode, disait-il, je sortais du collège, et ce n'est pas là qu'on apprend l'histoire et la géographie.

Aujourd'hui, l'on ne pourrait plus alléguer une pareille excuse. L'histoire et la géographie sont enseignées dans tous les collèges avec autant de développement que peut le permettre le grand nombre des connaissances scientifiques et littéraires auxquelles les enfants doivent être initiés, d'après les programmes de l'université. Il semble impossible d'étendre davantage ces programmes, mais on peut encore perfectionner les méthodes d'enseignement; on doit surtout chercher à les simplifier, pour que l'élève retienne l'essence de toutes les leçons qui lui sont faites sur des choses si différentes.

De toutes les sciences, la géographie avec ses divisions et ses subdivisions infinies, avec ses noms de provinces et de villes si variés et souvent bizarres, est assurément celle qui fatigue le plus la mémoire des enfants. Pour bien apprendre la position de toutes les régions de la terre:

Quæ tellus sit lenta gelu, quæ putris ab æstu,

pour savoir ce que ces régions contiennent de principal, pour bien connaître le terrain sur lequel s'est passée l'histoire de chaque peuple, les élèves n'ont entre les mains que des atlas généraux, des cartes synthétiques où règnent forcément quelque confusion et quelqu'obscurité. Nos deux honorables collègues ont pensé qu'une carte géographique n'était une aide pour l'intelligence, un soutien pour la mémoire, qu'à la condition expresse de la simplicité, de la clarté; et pour remplir cette condition si essentielle, ils ont composé des cartes ana

lytiques où ne se trouve aucun détail qui n'intéresse une question spéciale. Tel est le caractère particulier de l'atlas qui vous est offert. Faciliter la tâche du maître et celle de l'élève, c'est le résultat que nos deux collègues veulent obtenir, et qu'ils obtiendront certainement en continuant l'ouvrage éminemment utile qu'ils ont commencé, et qui fait honneur non-seulement à ses auteurs, mais encore au collège de Soissons auquel appartiennent MM. Bazin et Cadet, le premier comme professeur d'histoire et de géographie, et le second comme professeur de logique; car dans notre bonne ville de Soissons, on apprend encore la logique, et l'on ne partage point l'avis de Montaigne, qu'il vaut mieux être bon écuyer que bon logicien.

Je regrette, Messieurs, que vous n'ayez pas choisi, pour apprécier dignement et dans tous ses détails, le travail de nos deux collègues pour en faire ressortir tout le mérite, un juge plus compétent. Je puis toutefois vous certifier que le nouvel atlas est composé de manière à faire faire aux jeunes gens une excellente étude de la géographie, à les préparer complètement, quant à cette science, aux examens qu'ils auront à subir, soit pour le baccalauréat, soit pour l'école de Saint-Cyr ; à leur assurer des succès sans lesquels la carrière de leur choix leur serait fermée pour toujours. Voilà tout ce que je puis vous dire du nouvel atlas, et d'ailleurs une longue, une véritable analyse de cette œuvre bien digne d'éloge ne rentrerait peut-être pas dans le cadre sagement restreint des travaux de notre Société, et ne pourrait figurer dans son Bulletin. Cependant, la Société archéologique de Soissons s'empresse d'applaudir aux efforts laborieux, au talent dont deux de ses membres ont fait preuve en composant l'atlas qu'ils lui ont offert; elle applaudit à ce talent tout spécial avec l'espérance qu'il sera bientôt utilisé pour elle-même, et que

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