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terminée par une abside carrée annonçant la fin du 12o siècle. En jetant un coup d'œil dans l'intérieur de l'édifice, nous avons remarqué dans un enfoncement du transept gauche trois statues mutilées à genoux, représentant trois personnages, un homme et deux femmes, placés à la suite l'un de l'autre. Les bras de ces statues ont été cassés, et l'une d'elles, la dernière, a été décapitée. On croit reconnaî tre dans le costume et les draperies la fin du 16° siècle. Quels sont ces personnages? Seraient-ce Gilles, seigneur d'Armentières, son épouse et sa fille unique, Charlotte des Ursins, mariée à Henri de Conflans? c'est ce dont il est permis de douter.

Si l'église offre peu d'intérêt, on ne peut pas tenir le même langage à l'égard du château qui en est voisin. Sa façade principale a quelque chose de simple et de majestueux, et bien peu d'entre nous s'attendaient à rencontrer au milieu de ces marais une construction aussi importante. Hâtons-nous de dire que ce château, quoiqu'endommagé en différents endroits, quoique négligé de ses possesseurs depuis longtemps, malgré ses tours en ruines, ses mâchicoulis détruits, ses toits crevassés, ses planchers effondrés, offre encore une figure imposante.

Comme la plupart des châteaux du moyen-âge placés en rase campagne ou dans les vallées, il affecte une forme carrée. Nous nous rappellions tous le château de Nesles en Tardenois. Nous saisissions quelques traces d'un analogie dans la forme générale du plan, mais avec des différences assez considérables dans la disposition; car ici, nous ne remarquions pas de donjon, mais une façade principale au midi cantonnée de quatre grosses, tours aux angles s'avançant en saillie et qui pouvait remplacer le donjon.

Cette façade présente une porte accompagnée de deux tourelles dont la base repose sur des contreforts qui

s'évident en arcade cintrée jusqu'à l'encorbellement. La cage de ces tourelles se relie dans le haut à une espèce de corniche en biseau qui s'étend le long du mur principal. Le sommet des tourelles s'élève en pyramide chargée de crochets, et rappelle un peu par leur élégance et leur légèreté les clochers de Saint-Jean-des-Vignes, de Belleu, de Septmonts, de Taillefontaine. Cette ornementation est fort gracieuse et donne à ce petit manoir féodal un aspect que l'on rencontre rarement dans les constructions de ce genre.

La porte principale est en ogive avec un tore en dos de carpe et des chapiteaux à feuillages assez tourmentés; une herse en défendait l'entrée. Des fenêtres ogivales semblent avoir été pratiquées primitivement, elles ont été remplacées plus tard par des croisées en pierre.

Derrière ce corps principal d'habitation, des murs solidement éperonnés par des contreforts, garnis de mâchicoulis, allaient rejoindre les autres tours placées aux angles. Le château était donc défendu par six tours principales et quatre tourelles, deux au midi et deux au nord. De ces dix tours ou tourelles, quatre ont disparu, mais en laissant des vestiges assez importants pour qu'on puisse constater leur existence et leur forme primitive.

Le corps-de-logis, ou ce que nous appelons la façade principale, offre au rez-de-chaussée du côté droit de la porte un couloir voûté en berceau, et de l'autre une grande salle avec voûte à nervures prismatiques, et dont les retombées reposent sur une colonne médiane et des culsde-lampe. Cette voûte date évidemment du 16° siècle, ainsi que la vaste cheminée qui s'y trouve. Nous avons aussi observé deux enfoncements cintrés pratiqués de chaque côté dans l'épaisseur du mur, mais dont nous n'avons pu deviner l'usage. On entrait dans cette salle par une porte extérieure dont le tympan était décoré d'une arcature tréflée. Dans les angles de la pièce, on

aperçoit l'entrée des escaliers pour monter dans les tours. Deux immenses places pavées en carreaux historiés représentant des blasons, des figures d'animaux, des rosaces, des segments de cercles occupent au premier toute la longueur de la façade.

Les tours avaient quatre étages, mais ces étages n'étaient pas tous voûtés en pierre; il n'y avait le plus souvent que de simples planchers, excepté l'étage du bas qui était ordinairement voûté, ainsi que l'endroit qui a pu servir de chapelle.

Ce château, dont la construction principale paraît remonter à la fin du 12° siècle, semble avoir subi une transformation complète au 16o; car c'est à cette époque, selon nous, que ces deux élégantes tourelles ont dû se charger de végétations, que ces larges croisées ont dû s'ouvrir sur la façade, que la salle du rez-de-chaussée a reçu sa voûte à nervures prismatiques et sa colonne incomplète; qu'on a adossé sur les parois intérieures des murs de l'est et de l'ouest des habitations de maîtres, et que la tour de l'angle nord-ouest a été refaite, ainsi que toutes les cheminées de l'intérieur. Nous sommes portés à croire que ces remaniements dans le style bourgeois et confortable de cette époque n'ont pas dû s'arrêter là ; qu'on aura cherché à faire disparaître les mâchicoulis qui couronnaient les tours; qu'on les aura remplacés par les toits coniques que nous y avons vus. Nous avons pu nous en convaincre en examinant de près le haut des tours et l'interruption des escaliers.

Ce château, comme celui de Nesles, d'Aulnois près Laon, avait le pied dans le marais et était baigné par des eaux renfermées dans de larges fossés. Nous avons vu que la façade principale était une des parties les plus fortifiées; mais comme elle était aussi une des parties les plus attaquables du côté des terres, elle fut protégée plus tard par une porte avec pont-levis et crénélée de

mâchicoulis qui formait comme nn ouvrage avancé et complètement isolé du château dont elle était séparée par les fossés. Ce petit fort semble accuser le 14e siècle, et rappelle la porte de la Chartreuse de Bourg-Fontaine.

Nous avons tous été enchantés de notre promenade à Armentières. Nous devons de vifs remerciments à M. Jarry, qui nous a fait les honneurs de sa propriété avec une bienveillance et une grâce dont nous lui sommes très-reconnaissants.

Après un déjeûner auquel tout le monde a pris part avec cette franche et cordiale gaîté qui fait le charme de ces réunions, nous sommes allés visiter l'église d'Oulchy bâtie dans le château même des comtes de Champagne.

Cette église est assurément fort intéressante et mériterait une monographie spéciale. Romane par son clocher à triple étage, sa nef et son bas-côté droit, elle devient ogivale par son abside carrée, ses transepts, son portail et ses oculus en quatre feuilles.

Déjà si curieuse à l'extérieur par la richesse de ses décorations romanes, elle ne l'est pas moins par la variété de ses chapiteaux et son arcade triomphale, disposition assez rare dans notre Soissonnais, par la belle élévation de son abside et de ses transepts, par ses charmantes sculptures en pierre et en bois, surtout par ses boiseries et sa chaire. Nous ne trouvons qu'une chose à blâmer, ce sont ces fenêtres carrées ouvertes au midi entre ces magnifiques arcades cintrées et qui nous ont laissé, comme à M. le comte de Montalembert, l'image de tristes sabords.

Il y avait jadis à Oulchy un riche prieuré de Saint-Jeandes-Vignes; l'ancienne habitation des religieux subsiste encore. Si l'on en juge par les modillons de la corniche et les deux portes ornées qui s'ouvrent sur la façade, cette construction, accompagnée de vastes jardins et

d'une belle cour, date de la renaissance. C'est aujourd'hui le logement du curé-doyen et un de nos plus magnifiques presbytères.

Pendant plus de vingt ans, grâce à l'étendue de ses bâtiments et de sa belle position, on a pu faire de cette maison un petit séminaire qui a eu ses jours de splendeur et a rendu les plus grands services au diocèse. Aujour d'hui, la maison est presque déserte, l'herbe croît dans les cours qui sont transformées en prairie. Quel triste aspect! quels souvenirs pour plusieurs d'entre nous qui avions entendu dans ces mêmes lieux aujourd'hui condamnés à un triste silence les cris joyeux d'une charmante jeunesse, si heureuse de voir à sa tête, dans cette sainte et hospitalière maison, un homme chéri, un père adoré.

L'ancien château d'Oulchy était sur le point culminant des jardins du presbytère, dans la partie nord-est. Les débris d'une tour dont on a fait une vaste niche où est logée une statue de la sainte Vierge vous annonceront que vous foulez aux pieds les restes de l'antique demeure des comtes de Champagne et de la puissante maison de Conflans.

La Société a voulu terminer cette excursion par la visite du château de Vierzy dont nous parlerons bientôt dans un article spécial.

Le Président,

DE LAPRAIRIE.

Le Secrétaire,

L'Abbé POQUET.

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