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ciations avec lui. Une dame anglo-saxonne, nommée Alfved, s'était éprise d'amour pour un héros si célèbre, le seul vengeur véritable de sa patrie opprimée; elle lui offrit sa main et les terres qu'elle possédait. Herward se rendait chez elle, lorsque les Normands le firent tomber dans une embûche qu'ils lui avaient dressée. Il dormait sur un rocher quand ils cernèrent cet endroit, qui ne lui offrait aucune défense. Par malheur son chapelain, qui devait veiller sur lui, avait négligé son devoir. Herward, s'étant levé en sursaut, s'écria: << Traîtres, vous m'avez surpris, mais je vous vendrai cher ma vie!» En effet, ayant pu encore s'emparer de quelques armes, il se défendit en désespéré contre la foule de ses agresseurs, dont il tua plusieurs; mais, à la fin, frappé par-derrière, il succomba, laissant aux Anglo-Saxons la conviction que, sans cette mort prématurée, il aurait réussi à délivrer son pays des étrangers.'

Il faut lire dans le vieux poëme français de Geoffroy Gaimar ces aventures romanesques, re

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tracées avec quelque charme, sans doute d'après les chansons populaires, du moins l'histoire ne les dit pas. '

Le prince anglo-saxon Edwin, ce noble adolescent, l'amour des Anglais, disparut également de la scène du monde, ayant été assassiné; on apporta sa tête à Guillaume: il chassa les scélérats. Quant à Edgar, ce rejeton de la dynastie anglosaxonne, qui avait hérité de toute leur faiblesse, il parut si peu à craindre que Guillaume se coutenta de lui assigner une livre sterling par jour. Le pauvre prince passa le reste de ses jours à la cour des étrangers qui avaient détrôné sa race, n'ayant pas même assez d'intelligence pour sentir ce qu'il avait perdu. La nation s'était deux fois servie de lui pour relever un trône national; mais jamais le caractère d'Edgar ne lui avait inspiré ni estime ni confiance.

Non seulement les riches Anglo-Saxons se trou

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Ingulphe, Histor. Croyland, assure qu'Herward, ayant fait sa paix avec le roi, se retira et mourut dans sa terre de Brunne auprès de Croyland, où l'auteur était abbé. « Tandem cum regia pace obtenta hereditate, in pace dies suos complevit, et in monasterio nostro juxta suam uxorem nuperrime sepulturam elegit.

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2 Ibid.

FUITE DES ANGLO-SAXONS.

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vaient réduits à de faibles revenus ou entièrement dépouillés de leurs possessions, dignités et honneurs, mais ils se voyaient méprisés et tournés en dérision par les vainqueurs, parce qu'ils ignoraient beaucoup d'usages et coutumes du continent, qu'ils laissaient croître leurs cheveux et leur barbe comme des barbares qu'ils étaient, et parce qu'ils buvaient dans des cornes de bestiaux. Beaucoup de ces familles, accablées d'outrages, se jetèrent pleines de désespoir dans les bois, et devinrent les ennemies du genre humain. Dans les contrées voisines de leurs repaires, il n'y avait plus de sûreté; on y était obligé de se fortifier dans les maisons qui autrefois n'avaient pas même eu de serrures aux portes, tant la sécurité y était grande.

2

• Mathieu Paris, de abbatibus Sti. Albani, p. 29. « More Normannorum barbas radere, concinnos tondere cogebantur, projectis cornibus et vasis solitis, etc. >>

2 Ibid.

CHAPITRE II.

Réforme du clergé anglo-saxon. - Lanfranc appelé à l'archevêché de Cantorbéry. Destitution des évêques et abbés.

Ordonnance de Guillaume, réglant les rapports entre les Normands et les Anglais. Distribution de fiefs anglais parmi les compagnons de Guillaume. Revenus énormes de ce roi. Aventuriers laïques et ecclésiastiques qui accourent en Angleterre. Abus de la victoire. Guimond, abbé, refuse un évêché en Angleterre. — Désordre du clergé normand. Guillaume envoie des secours en troupes à la famille de Mathilde en Flandre. Guillaume Fitz-Os

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bern est tué dans l'expédition. - Nomination de deux grands justiciers en Angleterre. En 1073, le Roi retourne en

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Normandie. Il soumet le Maine.

AYANT rompu la force de l'aristocratie anglosaxonne, Guillaume résolut de briser aussi la puissance du clergé de cette nation, dont il avait éprouvé l'hostilité permanente, et qui montrait sa nationalité jusque dans le culte qu'il rendait aux saints, car ceux qu'il vénérait étaient principalement des saints d'Angleterre : il connaissait peu ceux de la Normandie.

LÉGATS DU PAPE.

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Les troupes du roi et ses barons avaient pillé les églises et monastères, chassé les prêtres et les moines, et pris pour eux les terres de tout établissement religieux qui favorisait la cause anglosaxonne. Ce n'était pas assez pour Guillaume, il crut devoir abaisser principalement le haut clergé, ne pouvant plus douter des sentimens des évêques, depuis qu'Eldred, archevêque d'York, le premier qui se fût déclaré pour lui, avait maudit le roi de la conquête, à cause du mal que ses soldats et barons faisaient au clergé, et depuis que l'évêque de Durham s'était exilé volontairement, en excommuniant les persécuteurs de l'église anglo-saxonne.

Guillaume avait appelé les légats du pape avant de procéder à la réforme de cette église encore demi-barbare, il est vrai', en comparaison de celle du continent, qui elle-même trahissait quelquefois des moeurs très grossières. Le pape se prêta d'autant plus volontiers à la demande du

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« Abominabilia facta sunt, dissolutio clericos et laicos relaxaverat, et utrumque sexum ad omnem lasciviam inclinaverat. » Order. Vital, lib. 4. -a Quoniam primores Angliæ, duces, episcopi et abbates non sunt ministri Dei, sed diaboli, tradidit Deus hoc regnum uno, » etc. Math. Westmonast., Flor. Histor., ad ann. 1066.

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