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III. Le soin avec lequel les femmes en travail des pays non civilisés évitent la position horizontale, la position moderne à la fin du travail, est une preuve suffisante qu'elle n'est point du tout désirable dans les cas ordinaires. Je suis convaincu que l'obstétricien observateur confirmera bientôt l'opinion générale des sauvages ignorants, mais observateurs, Indiens ou nègres, à savoir que la position horizontale retarde le travail et est contraire à une délivrance aisée, rapide et exempte de dangers.

Plusieurs de mes collègues les plus estimés m'ont exposé leur opinion confirmant mon avis au point de vue pratique et théorique. Le docteur Campbell, de Géorgia, dit qu'une étude approfondie des actions des femmes en travail à leur état naturel nous obligera de permettre à nos patientes d'obéir à leurs impulsions et de prendre la position agenouillée, assise ou de défécation, dans leurs efforts pour hâter leur délivrance. Cela permettra, ajoute-t-il, de ne point recourir si souvent au forceps, qui, quoique ayant de grands avantages, devient quelquefois nuisible entre les mains de l'obstétricien trop empressé à en user à la moindre occasion et très souvent sans indication précise. Il m'a cité nombre de cas, que j'ai rapportés pour la plupart, dans lesquels le travail était retardé, l'avancement de la tête enrayé et l'emploi du forceps indiqué lorsqu'un changement de position, de la position horizontale à la position agenouillée, assise ou de défécation par suite de l'impulsion naturelle de la patiente, avait amené une prompte délivrance sans aucun aide.

Mais il ne faut point oublier que la patiente, lorsqu'elle est libre de suivre son instinct, adopte toujours la même position,

Les cas relatés par le docteur Campbell sont aussi frappants que celui rapporté par le docteur V. Mansfeld, du Kansas: la patiente étant en grande détresse, le travail ayant duré plusieurs jours, les douleurs cessèrent entièrement dans la position obstétricale ordinaire, elles reparurent soudain en prenant une position inclinée, elles disparurent avec la

précision d'une expérience de laboratoire en reprenant la po sition horizontale, et finalement la délivrance eut lieu rapidement dans la position choisie par la patiente.

Le docteur Wilcox, de Massachusetts, et d'autres médecins, ont relaté plusieurs cas semblables que j'ai déjà cités, mais je ne puis terminer sans reproduire l'opinion de mon ami le docteur Campbell :

Je déclare que je regarde la position obstétricale adoptée dans ce pays, c'est-à-dire la position horizontale, comme non seulement la moins naturelle, mais aussi la moins avantageuse, et par suite la moins philosophique. C'est la position qui prive, plus que toutes les autres, la femme en travail de tous les avantages que nous donne la pesanteur pour l'expulsion de l'enfant. Cette position annibile aussi presque entièrement le pouvoir des muscles abdominaux, laissant le muscle utérin seul effectuer l'expulsion.

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Fig. 10.

La méthode anglaise, couchée sur le côté, le corps penché en avant, les cuisses relevées, est bien plus avantageuse, car elle permet aux muscles abdominaux d'agir plus vigoureuse. ment.

IV. Dans les accouchements ordinaires, l'expulsion de l'enfant devrait se faire dans une position inclinée à genoux, à demi couchée, dans un lit, sur une chaise, dans les bras d'une assistante, comme cela se pratique chez la majorité des peuples non civilisés, et pour les raisons suivantes :

a. Ces positions .permettent le jeu des muscles abdominaux.]

b. La pesanteur ne vient pas contrecarrer la force expulsive comme dans la position horizontale, et elle ne s'ajoute pas à cette dernière comme dans la position debout, ce qui hâte le travail indûment (fig. 10).

c. Avec l'assistance d'une corde, d'un poteau ou d'un autre support, la patiente peut varier l'inclinaison du corps et corriger le travail, hâter ou retarder la descente de l'enfant, et alléger la souffrance en changeant l'axe du corps et jetant la tête du fœtus contre le sacrum ou la symphyse.

d. Il y a moins de danger pour les parties molles dans ces positions, si nous devons prendre pour preuve l'absence de maladies utérines chez les Indiennes et leurs promptes relevailles.

V. De toutes ces positions, la demi-couchée est la plus pratique et devrait être adoptée comme position obstétricale dans tous les cas ordinaires. Elle est préférable à la position agenouillée ou à celle de défécation.

a. Comme plus convenable et plus confortable, ne découvrant pas la patiente et ne portant point atteinte à sa modestie.

b. Elle permet le repos et n'est pas fatigante, ce qui est unc objection à opposer à la position agenouillée ou à celle de défécation, appliquées à la femme faible de nos pays civilisés.

c. La position demi-horizontale, le corps formant un angle de 45 degrés, les talons appuyés sur un matelas dur, les cuisses bien repliécs, est la position la plus facile, la plus confortable et semble joindre au minimum de souffrance la plus grande puissance de contraction utérine, le plus grand abandon de toutes les autres parties et le jeu le plus complet des muscles de l'abdomen.

d. Le bassin est plus immobilisé dans cette position.

e. Le périnée a un certain appui, ce qui rend inutile le procédé douteux qui consiste à le soutenir pendant l'expulsion de la tête et des épaules, ce qui, généralement, fait plus de mal que de bien.

L'esclavage au M'zab, étude anthropologique des nėgros;

PAR LE DOCTEUR CHARLES AMAT.

I. Le M'zab est situé au Nord du vaste plateau crétacé qui commence à 110 kilomètres Sud de Laghouat. Découpé par des vallées nombreuses irrégulièrement enchevêtrées les unes dans les autres, la région a été justement comparée à une mer agitée par une violente tempête et solidifiée tout à coup. Pour ce motif, elle a reçu des indigènes le nom caractéristique de chebka (réseau, filet).

Les habitants de cette contrée, de race berbère, convertis à l'islamisme, sont tenus pour hérétiques par les musulmans eux-mêmes en ce que, dès le principe, ils ont différé sur la façon de choisir le khalife 1. Dans le fond, les M'zabites sont des chrétiens enrôlés sous l'étendard du Prophète, n'ayant, à l'heure actuelle, qu'une règle, le Coran, et l'appliquant à la lettre, sans en rechercher l'esprit, comme les Arabes Malékites. Au point de vue de l'islam, les Beni M'zab sout de véritables jansénistes. Démocrates par instinct, ils sont restés, jusqu'en novembre 1882, chargés de l'administration de leurs propres affaires intérieures, et l'annexion de leur pays à la France n'aurait probablement pas eu lieu s'il n'était devenu, dans les derniers temps, le refuge assuré de tous les malfaiteurs poursuivis par nos lois, s'il n'avait pourvu de munitions de guerre tous les insurgés du Sud, s'il n'avait offert à nos tribus le spectacle funeste de ses désordres et de ses luttes sanglantes 2.

En dehors des raisons d'intérêt local, bien d'autres militaient en vue d'une prise de possession. Il paraissait de bonne politique, après le désastre de la mission Flatters, après les récentes révoltes allumées par les Ouled Sidi-Cheik dans la

1 Voir notre travail, Anthropologie des Beni M'zab in Revue d'anthrop., octobre 1884.

2 Voir Proclamation du gouverneur général aux habitants du M'zab, 1er novembre 1882.

T. VII (3 SERIE).

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province d'Oran, de relever notre prestige un instant amoindri auprès des populations sahariennes, en reportant plus loin nos points d'occupation. Pouvait-on oublier aussi que la traite des noirs se faisait à nos portes et qu'il appartenait à notre dignité d'y mettre un terme ?

Certains esprits très philanthropes, mais doués d'un talent colonisateur essentiellement pratique, craignirent que l'émancipation des nègres fût suivie d'une véritable crise économique. Il ne fallait pas oublier que les Beni M'zab, traqués de toutes parts', étaient venus au lendemain de leur grande puissance dans un pays d'une stérilité aussi désolante que la chebka, pour mieux se tenir à l'abri de toute nouvelle agression, pour faire de leur propre misère un rempart protecteur; qu'à l'heure actuelle, spécialement adonnés au négoce, ils conservaient les jardins, plutôt victimes des lois draconniennes, qu'ils avaient édictées à leur arrivée, que par intérêt personnel, parce qu'ils pouvaient, au moyen de serviteurs nombreux, pourvoir à leurs soins journaliers. Heureusement, l'esclavage a été aboli sans secousse marquée. Quelques noirs se sont bien présentés à la colonne d'occupation, mais quand ils eurent appris qu'ils seraient obligés de chercher du travail pour vivre, ils se hâtèrent de retourner chez leurs anciens maîtres. En fait, les esclaves du M'zab se sont transformés en domestiques à gages. Il convient d'ajouter qu'ils n'avaient pas trop à se plaindre de leur situation. Le mot esclave frappe sans doute l'esprit et éveille des sentiments de révolte et de pitié à la pensée qu'un homme, notre semblable après tout, peut être vendu sur un marché à l'instar d'une bête de somme. Et cependant, au M'zab, on s'attache à ses esclaves comme nous nous attachons à nos propres serviteurs. Nous nous souvenons d'un malheureux M'zabite, propriétaire d'un Noir, très peu recommandable, puisqu'il était incarcéré comme voleur, faire tous les jours. un trajet de 3 et 4 kilomètres et apporter en couscous et en

1 Anthropologie des Beni M'zab, loco citato.

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