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LEIAN

BODLE

LIBRA

4 NOV 1922 OXFORD

Caen, imp. de A Hardel.

Deux éditions rapidement épuisées de l'Abécédaire d'archéologie de M. de Caumont nous imposent le devoir d'en publier une troisième qui renferme 100 pages de plus que la dernière et un grand nombre de figures nouvelles.

Le succès de cet ouvrage n'a rien qui étonne quand on sait que M. de Caumont a le premier établi par l'observation des faits le système de classification chronologique adopté généralement aujourd'hui et qu'il a été dans plusieurs grandes réunions, proclamé à bon droit, fondateur de l'école française d'archéologic.

M. de Caumont eut effectivement de bonne heure la pensée d'appliquer aux monuments français une méthode de classification chronologique, dont les classifications des géologues lui traçaient en quelque sorte le plan i conçut alors l'ouvrage qui a fait sa réputation comme archéologue. Il publia d'abord dans le premier volume de la Société des Antiquaires de Normandie (1824), un Essai sur l'architecture religieuse du moyen-âge accompagné de onze planches.

Ce mémoire, qui traçait une classification pour les monuments du moyen-âge, fut partout remarqué malgré ses imperfections, et analysé dans plusieurs journaux scientifiques français et étrangers. I importa en France, on peut le dire, un genre d'étude dont presque personne ne s'occupait et que plus tard M. de Caumont devait rendre populaire par la publication de son Cours d'antiquités qui fit dans l'étude de l'archéologie nationale une véritable révolution.

Ce fut en 1830 que parut le premier volume de cet important ouvrage avant de le mettre sous presse, M. de Caumont avait fait de l'archéologie l'objet d'un enseignement oral dans la ville de Caen. Il avait entrepris des voyages qui lui avaient permis de voir et de comparer un grand nombre de monuments; il avait fait de longues recherches dans les bibliothèques de Paris,

groupé et analysé les faits consignés dans les collections de l'académie des inscriptions, de la Société des Antiquaires de Londres et dans plusieurs autres recueils du premier ordre; puis généralisant ces faits et les comparant aux résultats qu'il avait obtenus par ses propres observations, il arriva à poser des règles de classification chronologique que son œil clairvoyant, son esprit juste et son talent d'analyse, lui avaient fait découvrir et parfois deviner, règles que les nombreuses observations faites depuis dans les diverses contrées de l'Europe n'ont fait que confirmer. Plus de soixante auditeurs avaient suivi le Cours d'antiquités monumentales. Un grand nombre de dessins de grande dimension et même des modèles en relief, mis sous les yeux de l'assemblée, donnaient aux leçons du jeune professeur un plus grand intérêt encore. Il était impossible de les entendre sans y puiser des connaissances précises sur l'histoire de l'art et la succession des formes aux différents âges. Le cours imprimé a fidèlement reproduit ces conférences, et le succès en a été prodigieux, on peut le dire.

Le quatrième volume, qui traite de l'architecture religieuse du moyen-âge, fut bientôt épuisé. Il a fallu le réimprimer plusieurs fois.

En 1835, parut une nouvelle édition des tomes 4 et 5 du Cours d'antiquités, sous le titre d'Histoire de l'architecture religieuse, civile et militaire du moyen-âge. Trente planches accompagnaient ce volume.

L'Histoire sommaire de l'architecture religieuse en un volume in-8°., avec atlas in-4°. et des gravures sur bois dans le texte, autre édition de la partie de l'histoire de l'art, relative aux monuments religieux, a été publiée en 1841.

Enfin l'abécédaire d'archéologie, édité en 1850, n'est luimême qu'une nouvelle édition du dernier ouvrage, avec quelques changements dans la forme et de nombreuses illustrations dans le texte.

Ces différentes réimpressions donnent un total de 8,000 exemplaires, qui se sont répandus sur tous les points de la France, en Belgique, en Allemagne, en Italie et en Angleterre.

On conçoit combien un succès aussi complet dut produire de

résultats pour la propagation des connaissances dont M. de Caumont rendait l'étude si simple et si facile.

De tous côtés on ouvrit dans les séminaires des cours d'archéologie, dans lesquels on reproduisait oralement les leçons faites à Caen par M. de Caumont. Bon nombre de sociétés académiques firent, de la lecture de ces leçons, l'objet de leurs séances. Les hommes du monde, aussi bien que les artistes, les femmes même, se mirent à étudier l'histoire de l'art dans les livres de notre collègue.

Ce ne fut pas seulement une révolution qui s'opéra dans les idées et les connaissances, une révolution se fit aussi dans le goût. Pour les marbres, les bronzes, les tentures, les décorations de tout genre, on chercha de nouveaux motifs dans les formes élégantes et sveltes du style que, quelques années avant, les artistes qualifiaient de barbare et de gothique.

Certes, l'homme qui a exercé sur son époque une influence aussi considérable DOIT TENIR UNE PLACE DANS L'HISTOIRE DU SIÈCLE, et ce mouvement était dû tout entier à M. de Caumont. Que l'on ne vienne pas dire. en effet, que d'autres avalent suivi la même carrière, car la publication de son ouvrage a devancé de huit années tout ce qui a paru sur le même sujet en France.

Les imitateurs et les copistes n'ont pas manqué dans la suite; mais quand on se met à lire ces différents traités, on voit bientôt que presque tout a été pris dans celui de M. de Caumont. On y a même puisé trop largement et souvent servilement copié le texte et les planches. Tel est ce curé des environs de Fontainebleau, qui écrivait à notre collègue: Je vous ai fait de nombreux larcins, mais ne me faites pas de peine : je vous en demande l'absolution, en considérant que le produit de la vente de mon livre sera employé à faire bâtir une école de filles dans

ma commune.

Par la fondation de la Société des antiquaires de Normandie en 1824, M. de Caumont avait imprimé une activité considérable dans cette province aux études archéologiques.

Plus tard il voulut communiquer cette impulsion aux autres provinces par la création d'une nouvelle Société archéologique embrassant tout le territoire français.

Dès l'année 1829, plusieurs sociétés savantes et divers archéologues de l'ouest et du nord de la France, se réunirent pour réclamer près du ministre de l'Intérieur contre les décisions municipales qui devaient entraîner la démolition d'un certain nombre de monuments précieux. Cette association, improvisée sous l'inspiration de M. de Caumont, qui parcourait la France pour réunir les éléments de son cours d'antiquités, se signala surtout lorsqu'en 1832 le conseil municipal de Poitiers eut la mauvaise pensée de sacrifier le baptistère Saint-Jean de cette ville, monument unique en France et qui date du V. siècle, pour élargir une rue. Des pétitions motivées furent adressées de différentes villes, et ces justes réclamations obtinrent gain de cause le baptistère Saint-Jean est resté debout, il sera conservé; il est devenu, grâce à ces efforts, le musée d'antiquités du département de la Vienne.

Cependant l'association qui s'était spontanément formée entre les archéologues du Poitou, du Maine, de la Touraine, de la Normandie, etc., etc., avait d'autres services à rendre. Le gouvernement n'avait pas encore songé à créer les comités qui fonctionnent aujourd'hui.

L'association comprit que sa mission était grande : elle fit un appel à tous les hommes de cœur qui voudraient coopérer à son œuvre, et après avoir étendu ses rameaux sur presque tous les points du royaume, elle s'organisa définitivement, en 1834, sous le titre de Société française pour la conservation des monuments nationaux.

Le Congrès archéologique de France fondé par cette Société a constamment offert un grand intérêt depuis l'année 1834. M. de Caumont l'a vivifié par ses enquêtes archéologiques si intéressantes, si habilement dirigées, qui, tout en réunissant de précieux matériaux pour l'histoire de l'art dans chaque province, donnent lieu à un véritable enseignement oral toujours infiniment profitable pour les hommes réunis à l'appel de la Société française.

Quand on observe attentivement les monuments de plusieurs provinces, on reconnaît bientôt dans les édifices contemporains des types généraux, uniformes; mais on voit en même temps

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