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A tout prendre, les productions de la renaissance ont été plutôt civiles que religieuses; c'est-à-dire qu'on a construit dans ce style beaucoup moins d'églises que de palais, de châteaux et de maisons.

Nous nous bornerons donc à une simple indication des principaux caractères de l'architecture dite de la renaissance.

Plan des églises. L'irrégularité du plan se manifesta de plus en plus dans les églises du XVI., et tout montre qu'on se dégageait des traditions anciennes.

Un fait que j'aurais dû signaler plus tôt et dont j'ai parlé dans plusieurs réunions de la Société française pour la conservation des monuments, c'est le plan particulier aux églises qui ont appartenu à des ordres mendiants (cordeliers, capucins, carmes, jacobins ou dominicains). Leurs églises n'ont eu qu'un bas-côté accolé à la nef principale, ou bien l'église a été divisée en deux nefs à peu près égales. J'ai visité plus de cinquante églises ayant appartenu à ces ordres et qui affectent ce plan au XVI. siècle, mais on le rencontre dans le XIV. siècle et dès la fin du XIIIe siècle.

La belle église des Jacobins de Toulouse, que nous avons figurée p. 458, est divisée en deux nefs égales par un rang de colonnes centrales aussi bien que celle des Jacobins d'Agen.

Les ordres prêcheurs et les ordres mendiants qui sont, comme on le sait, venus bien après les Bénédictins, tenaient bien moins qu'eux aux traditions, et comme la prédication était le principal objet de leur œuvre, on croit que la modification introduite dans leurs églises, et dont nous voyons encore tant d'exemples dans celles qui nous restent du XVI. siècle et des siècles précédents, eut pour but de faciliter l'audition de leurs sermons, aux fidèles auxquels une des nefs était réservée et qui se trouvaient ainsi en regard des moines qui occupaient l'autre. Je suis très-porté à admettre cette explication, car j'ai vu dans quelquesunes de ces églises, notamment dans celle des Cordeliers de Caen (aujourd'hui celle des dames Bénédictines) et qui paraît du XIV". siècle, que le bas-côté accolé à la nef principale dans laquelle était probablement la chaire, était surélevé et formait une sorte de galerie à laquelle la voix du prédicateur devait facilement parvenir.

Au XVI. siècle, j'ai vu beaucoup d'églises de carmes, de capucins, etc., voûtées en bois, peut-être en signe d'humilité; mais on eut soin de peindre ces lambris et de les couvrir de personnages de grande proportion. C'est un système de décoration qu'il est bon de signaler.

Quels furent les ornements de l'architecture de la renaissance.
Les panneaux et les frises, les pilastres et les autres membres ar-

chitectoniques, furent couverts d'une très-grande quantité d'imitations du règne animal et du règne végétal. Des amours, des figures diverses, souvent imaginaires, s'enlaçaient dans les dessins capricieux, mais toujours conduits avec grâce, qui ont été appelés arabesques, domination singulière, puisque les Arabes ont prescrit la nature animée de leurs ouvrages d'imitation.

L'église de Semur nous offre de magnifiques arabesques que voici ;

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ARABESQUES LE L'ÉGLISE DE SEMUR (CÔTE-D'OR).

nous en trouvons de sculptées avec une égale finesse dans l'église St.-Pierre de Caen, si remarquable par ses beaux pendentifs, et dans beaucoup d'autres monuments religieux ou civils du XVI. siècle.

ornements

Les arabesques, pour nous servir du mot impropre qui a prévalu, étaient une imitation des décorations peintes que l'on avait trouvées dans plusieurs monuments antiques où elles avaient pu se conserver, et que l'on montre encore aujourd'hui dans les galeries voûtées et obscures des bains de Titus, à Rome (1). Mais ces peints avaient, chez les Romains, comme à l'époque de la renaissance, été traduits en relief sur la pierre. L'arc de triomphe galloromain de Besançon nous en offre un exemple. C'étaient les ornements que décrit Vitruve comme déjà en usage de son temps et menaçant de remplacer les décorations plus simples.

Après les arabesques exécutées m en relief avec une finesse d'exécution vraiment remarquable, au XVI. siècle, sur les pierres ten-eb dres aussi bien que sur le marbre, on peut citer comme ornements habituels les MÉDAILLONS, les CARTOUCHES, les RINCEAUX, etc, etc.,

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(1) De cette circonstance les arabesques reçurent d'abord le nom de grotesques, c'est-à-dire décoration de grottes ou de lieux souterrains : j'ai vu, il y a 14 ans, les arabesques des bains de Titus, mais elles auront bientôt disparu sous le suif et la fumée, si l'on permet, comme on le faisait aux gardiens, de promener sous ces voûtes des chandelles emmanchées au bout de longues perches pour les faire distinguer dans l'obscurité des galeries.

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et plusieurs combinaisons assez

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gracieuses.

Les fenêtres sont souvent à plein-cintre, et sans compartiments en pierre. Les portes et les arcades sont également cintrées.

La fenêtre que voici, tirée de l'église de St.-Pierre de Caen, montre le style de la renaissance le mieux caractérisé, non-seulement dans sa forme, mais dans ses accessoires (contreforts-pilastres, clochetons-candélabres, etc., etc.), dans les figures, les médaillons dont elle est surmontée, et dans l'entablement à balustrade qui couronne le tout. Cette balustrade avec ses entrelacs gracieux

et ses personnages nus, reproduit

un des types de ce genre les plus gracieux du XVI. siècle.

des Les fenêtres cintrées de cette forme n'atteignirent jamais que proportions moyennes et uniformes, très-différentes en cela des énormes fenêtres de toute proportion qui, au XV. siècle, avaient dominé dans la plupart des grands édifices, et dont il fallait absolument ternir la Jumière au moyen des vitraux peints.

Les arcades, cintrées comme les fenêtres, et à peu près ornées de même, offrirent sur leurs supports, à l'intérieur des nefs particulière. ment, des encorbellements de forme très-élégante, destinés à recevoir des statues et couronnés de dais circulaires terminés en pyramides; il n'y a guère d'églises de la renaissance un peu importantes qui n'en présentent des exemples.

Les portes principales qui ont le privilège d'attirer les regards, plus que toute autre partie des édifices, ont été aussi plus ornées que les fenêtres et les arcades dans plusieurs de nos églises de la renais

sance.

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