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« l'ensemble et l'aspect général au XIV. siècle. Il y avait dès-lors une « disposition évidente à substituer le dessin à la couleur. »

Quoique l'on ait encore figuré des légendes renfermées dans des médaillons, cependant à partir du XIV. siècle, on peignit les figures beaucoup plus grandes qu'au XIII., et souvent de grandeur naturelle; elles étaient encadrées dans des arcades tréflées au sommet et couvertes d'un fronton triangulaire garni de crochets, accompagné de deux pinacles ou clochetons, comme nous en voyons dans l'architecture de l'époque. Ainsi l'on abandonna peu à peu l'usage des encadrements chargés de petites figures, placés sur fond de mosaïque. Les fonds sur lesquels se détachaient les figures étaient d'une seule couleur dans chaque baie, et quelquefois dans plusieurs baies des fenêtres.

Quant à l'exécution des personnages, on s'étudia à mieux exprimer les ombres, à donner plus de relief aux draperies; les couleurs eurent un peu moins de brillant, on fit un plus grand usage au XIIIa. siècle des tons jaune et vert påle.

Les morceaux de verre furent un peu plus grands, et les plombs conséquemment plus écartés.

L'emploi des émaux, dont il est difficile de fixer absolument l'origine, prit une grande extension vers la fin du XIV. siècle. Ces émaux ou couleurs fusibles s'introduisaient dans des entailles pratiquées dans le verre au moyen de l'émeri : écoutons l'explication que donne Pierre Le Vieil de ce procédé et de ses avantages:

« Les draperies des figures devinrent plus riches, lorsqu'on s'avisa a de graver tous les ornements nécessaires avec l'émeri et l'eau, qui << rongeait la couleur et découvrait le fond blanc du verre. On formait « une broderie par le moyen d'une nouvelle couverte d'or ou d'argent • qu'on y appliquait suivant le coloris arrêté sur les cartons, composée « elle-même de ces nouveaux émaux. Alors les fleurs de lis de l'écu de « France, réduites à trois par Charles V, qui étaient insérées et en« castrées avec le plomb dans un carreau de verre bleu, fondu tel dans << toute sa masse, percé à l'endroit de fleurs de lis de verre jaune avec << autant de soin et de risque que de perte de temps; ces trois fleurs « de lis, dis-je, se montrèrent sur un champ d'azur d'un seul mor« ceau, sur la surface duquel elles furent creusées et recouvertes d'un « émail de couleur d'or, sur le revers du fond blanc que l'émeri avait « découvert. Dans d'autres écussons, les plus chargés de pièces de blason, « dont l'assemblage avait auparavant employé un temps considérable

« à cause de la multiplicité des pièces de rapport qui entraient dans « leur exécution, les différents quartiers se développèrent sur autant « de verre de la couleur de leurs champs : on y grava les pièces carac«téristiques du blason, on les recouvrit des émaux qui leur conve« naient, couchés, comme nous l'avons dit, sur le revers de la gra« vure, où l'on avait découvert le blanc du verre, de peur qu'à la « recuisson qu'il fallait en faire, les couleurs ne vinssent à se mêler et à se confondre. »

Au XIV. siècle on exécuta des grisailles composées comme auparavant d'entrelacs, de feuillages et de hachures croisées, plus ou moins serrées.

Ces verrières, toujours plus économiques que les autres, produisaient un effet très-satisfaisant.

Que peut-on dire de la distribution géographique du style ogival secondaire ?

La région que nous avons indiquée comme celle où s'est développé le style ogival primitif, lorsqu'il existait à peine dans d'autres contrées, est aussi celle où les monuments du XIV. siècle ont été plus brillants et plus remarquables. Toutefois, à cette époque, les bords du Rhin virent aussi s'élever bon nombre d'édifices importants du même style.

Dans le midi de la France, ou plutôt au-delà de la Loire jusqu'à la Méditerranée, les monuments à ogives furent toujours assez rares; ils témoignèrent de la timidité des architectes et de leur tendance à se rapprocher, quant aux dimensions, du type des siècles précédents. Il faut toutefois, comme nous l'avons fait déjà pour une autre époque, excepter quelques cathédrales, telles que celles de Clermont, de Narbonne et plusieurs autres.

En considérant que, dans le midi de la France et sur les bords du Rhin, les architectes étaient encore, au XIII. siècle, fidèles aux principes de l'école du XII., on pourrait être tenté de croire qu'au XIV. siècle, ils auraient dû adopter le style ogival primitif; mais il n'en est point ainsi : quand ils se décidèrent à adopter le style ogival, ils le prirent dans l'état où il se trouvait. Nous le voyons, au XIV". siècle, en Allemagne et ailleurs, avec des caractères à peu près semblables à ceux qui dominent chez nous.

En Allemagne, on trouve une preuve de ce que j'avance dans la cathédrale de Francfort, dont le chœur a été bâti en 1345, et qui présente effectivement les caractères de cette époque, dans la cathédrale

de Strasbourg, et dans quelques autres. Si le système d'ornementation qui domine dans ces édifices se rapproche beaucoup du nôtre, il faut dire toutefois qu'on y remarque l'emploi de grandes fenêtres allongées, d'une légèreté fort remarquable, que nous n'avons pas aussi habituellement chez nous. Ces fenêtres sont employées surtout dans les églises, qui n'ont pas de bas-côtés, et qui offrent, par conséquent, pour l'établissement des jours, des murs verticaux d'une grande hauteur. Telles sont les fenêtres si élevées et dont les meneaux ont tant de portée et de légèreté, de la cathédrale de Francfort, celles de la cathédrale de Metz et celles du chœur de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle. On voit aussi se développer, ainsi que l'a remarqué judicieusement M. Whewel, un système d'ornementation d'après lequel les moulures des façades étaient disposées sur deux plans différents, de manière que les unes se détachaient complètement des autres et formaient claire-voie. Ce système, que nous trouvons à Strasbourg, dans la cathédrale, produit un effet tel que la façade semble être placée derrière un riche écran découpé à jour. Au reste, il ne faut pas en général, je crois, attribuer spécialement au XIV. siècle ce brillant système de décoration; on l'observe dans quelques monuments de cette époque, mais il appartient tout autant au XV®.

Dans le centre et le midi de la France, je n'ai rien remarqué qui différencie essentiellement le style du XIV. siècle de celui qui prédomine chez nous et en Angleterre ; seulement, comme je le disais en commençant, les édifices de ce genre n'ont pas acquis le même développement que dans le Nord, leurs moulures sont plus maigres et moins bien fouillées.

L'Italie, toujours attachée aux anciennes formes, répudia longtemps l'ogive on y a employé le plein-cintre jusqu'au XIV. siècle, combiné avec les moulures ogivales.

L'architecture ogivale n'a jamais été comprise en Italie, les églises manquent d'élévation; il est très-rare qu'elles aient un triforium, et les fenêtres du clerestory sont souvent remplacées par une ouverture ronde, comme à Ste.-Pétronille de Bologne. On peut attribuer à cette suppression d'un étage, dans les églises ogivales d'Italie, le peu d'élégance, je pourrais dire la pesanteur qui les distingue presque toutes.

Les constructions religieuses du XIV, siècle ne sont pas rares, nos principales églises commencées au XIII. ont été continuées au XIV. et n'ont souvent été terminées qu'au XV.; mais il n'est pas toujours

facile de distinguer ce qui, dans ces édifices, appartient à l'époque qui nous occupe, par la raison que les architectes du XIV. se sont quelquefois conformés au style employé par leurs devanciers, pour ne pas détruire l'unité qui doit régner dans une œuvre pareille. Un examen attentif conduit néanmoins à reconnaître les parties construites au XIV. siècle, dans les édifices qui appartiennent au premier et au second style ogival, lors même qu'elles sont peu caractérisées.

J'indique dans le tableau suivant quelques spécimens du style secon

daire.

La Sainte- Chapelle

du château de Vin

cennes.

Fondée en 1379. Brillant exemple de l'architecture ogivale rayonnante ou secondaire,

Cathédrale d'Amiens. Les transepts, en partie, les chapelles latérales de la nef, différentes reprises, etc., etc.

Cathédrale de Paris.
St.-Séverin, id.

La porte rouge. Quelques chapelles latérales de la nef.

Quelques parties de façade et le portail voisin au nord.
Deuxième moitié du XIVe. (1347-1389).

Cathédrale de Rouen. La chapelle de la Vierge. Diverses retouches. Quelques parties des transepts appartiennent probablement aussi au XIVe, siècle.

Rouen

Eglise St, Ouen de En partie. La première pierre fut posée en 1318 par l'abbé Mardargent, qui mourut en 1339, après avoir construit la plus grande partie du chœur et les onze chapelles qui l'entourent; il laissa à ses successeurs le soin de poursuivre l'entreprise; les travaux furent continues assez car la croisée, la tour centrale et d'autres parties ne sont que du XVe.

Eglise de Fécamp.
St.-Pierre de Caen

Cathédr. de Bayeux.

Prieuré de Sainte-
Gauburge (Orne).

Cathédrale de Coutances (Manche).

Eglise de Montebourg (ld.)

Eglise de St.-Malo (Ille et-Vilaine).

lentement,

Côté sud du chœur. Grandes fenêtres à meneaux légers.
La magnifique tour (sauf le porche qui précède le portail).
Construite en 1308, ainsi que l'atteste une inscription.

Le portail appliqué après coup sur la façade de l'église;
quelques-unes des chapelles latérales de la nef; peut-
être une partie des transepts.

L'église et l'ancien cloitre, au moins en partie, de la première moitié du XIVe., d'après M. de la Sicotière qui en a donné la description.

Quelques-unes des chapelles latérales de la nef. La chapelle de la Vierge, bâtie par Silvestre de la Cervelle, dans la seconde moitié du XIVe. siècle.

Consacrée en 1319 par Guillaume de Thieuville, évêque de Coutances, d'après les recherches de M. l'abbé de Lamarre.

Le chour seulement. Aux grandes fenêtres du clérestory et au triforium à doubles arcatures trilobées, surmontées d'une ouverture à quatre lobes, j'ai jugé cette église de la première moitié du XIVe. siècle; elle pourrait toutefois avoir été commencée au XIIIe. Les chapiteaux des colonnettes ont la forme qu'on leur donnait à cette époque.

Eglise do Treguier] (Côtes-du-Nord).

Eglise Ste.-Trinité, à Vendôme.

Cathédrale de Tours.
Eglise collégiale de
Mézière (Indre).
Cathédrale de Bour-
ges.

Cathédrale de Poi

tiers.

Cathédrale de Limo.
ges.
Eglise d'Uzeste (Gi-
ronde).

St.-Emilion (Id).

Cathédrale de Rhodez.

Cathédrale de Narbonne.

Eglise St.-Laurent
au Puy.
L'abbaye de la Chai-
ze-Dieu.

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St.-Mathien, à Gênes (Italie).

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Quelques parties, notamment les chapelles latérales, dont deux furent fondées par Gilles Aybelin, mort en 1318. D'autres parties de l'église ne sont que du XVe. siècle, et le reste doit dater de la fin du XIIIe.

En grande partie. Peu intéressante.

En partie. Eglise foudée en 1343, et terminée vers la fin du XVe. siecle. Monument décrit par M. Branche. Probablement quelques parties de l'église. Le charmant cloitre qui l'avoisine construit en 1308, ainsi que l'atteste l'inscription suivante que j'ai lue sur l'abaque d'un des chapiteaux des colonnes : A. D. M CCC. VIII. IL ( Kalendas) APRILIS.

Cathédrale de Nevers, La nef (sauf l'extrémité qui est romane). Quelques parties du pourtour du chœur (le corps de ce dernier parait du XVe.).

Cathédrale de Fribourg (Suisse).

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Quelques parties. Cette église, commencée en 1983, a été continuée dans le XIVe. Diverses parties ne datent que du XVe.

En grande partie.
Quelques parties. Peut-être quelques unes des arcades
de la nef au-dessous du triforium qui appartient au
style du XVe. Je suppose que l'édifice aura été inter-
rompu au-dessus du premier ordre, et qu'au XV.
siècle ou aura repris les travaux.

La nef construite en grande partie depuis 1362.

Le chour (La nef est plus ancienne).

La nef et la façade occidentale, en grande partie. On sait que Hervin do Steinbach, mort en 1318, avait élevé la façade jusqu'an-dessus du premier ordre,

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