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sculpté représentant une reine, dont le costume est à peu près le même que celui de la statue; j'avais autrefois pensé que ce pouvait être la figure de la patronne de la défunte; Mais M. Hucher, qui a examiné beaucoup plus attentivement, croit que c'est le portrait de Bérengère elle-même.

Quelquefois on voyait au-dessus du tombeau, près de la statue du défunt, des statuettes représentant des anges, les quatre évangélistes, assis et tenant des livres, ou d'autres saints personnages: malheureusement ces petites figures, qui toutes avaient été traitées avec soin, ont beaucoup plus souffert que le reste, et souvent elles sont complètement mutilées. C'est, je crois, dans la seconde moitié du XIII. siècle, que cet ornement accessoire a commencé d'être usité: on le trouve également, à partir de cette époque, sur des tombes abritées sous des arcades, comme celles que nous avons citées précédemment.

On a quelquefois coulé en bronze les statues destinées à recouvrir les tombeaux : nous avons dans la cathédrale d'Amiens deux spécimens extrêmement curieux de statues semblables; ce sont, je crois, les seules qui existent à présent en France. Elles sont posées sur le pavé, l'une à droite, l'autre à gauche de la grande porte occidentale, mais autrefois elles étaient plus loin dans la nef, ce n'est qu'en 1762 qu'elles ont été transférées où on les voit à présent.

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La tombe placée à droite de la porte est celle de l'évêque Evrard de Fouilloy, qui posa la première pierre de

TOMBE D'EVRARD DE FOUILLOY, EN BRONZE.

la cathédrale en 1220, et mourut en 1223. Le prélat est représenté vêtu de ses habits pontificaux (chasuble, aube, etc., etc.), donnant la bénédiction de la main droite, les pieds chaussés de sandales et posés sur deux reptiles ou dragons; la tête coiffée d'une mitre trèscourte, bordée d'un galon, repose sur un coussin semé de fleurons ou de quatre-feuilles. A la hauteur des bras sont deux anges agitant des encensoirs, et plus bas, près des genoux, deux clercs tenant des cierges allumés.

Le tout est encadré dans une ogive trilobée portée par deux colonnettes, et accompagnée, à la partie supérieure, de tours crénelées et d'autres ornements assez ordinaires au XIII. siècle. Six lions servaient de pieds ou de supports à cette épaisse table de bronze qui probablement se trouvait posée sur un soubassement en pierre: je n'ai point de renseignements précis sur la disposition première du tombeau avant sa translation à la place qu'il occupe à présent. Une inscription en vers léonins existe sur le bord de l'encadrement trilobé qui renferme la statue.

L'autre tombeau de bronze est celui de Geoffroy d'Eu qui succéda à Evrard de Fouilloy, et mourut en 1237, après avoir élevé jusqu'aux voûtes la construction commencée par son prédécesseur : il est de la même forme que l'autre.

Le tombeau du fondateur de la cathédrale de Cologne, l'archevêque Conrad de Hochsteden, est aussi en bronze : la statue du prélat qui a six pieds et demi a subi de notables dégradations; la main droite a été enlevée, les pieds brisés.

PIERRES TOMBALES. Si quelques personnes eurent des monuments élevés hors terre, un bien plus grand nombre étaient ensevelies sous le pavé des églises; pour les plus notables on cherchait à exprimer, au moyen de la gravure au trait, sur la pierre, l'image du défunt dans une arcade, avec les accessoires que nous venons de remarquer sur les tombes en relief: quoique l'on ait, comme je disais tout-àl'heure, fait disparaître une grande partie de ces pierres en repavant les églises et que beaucoup d'autres aient été usées par le frottement prolongé des chaussures des fidèles, il en reste une quantité considérable encore et qu'il est fort intéressant d'examiner et qui devraient être dessinées avec soin.

J'ai déjà figuré p. 380, en parlant des pavés, la pierre tombale d'un abbé de St.-Ouen de Rouen: on y voit l'abbé, au milieu d'une

arcade ogivale subtrilobée, les mains croisées sur la poitrine, la crosse inclinée et maintenue par le bras droit.

Toutes les parties du costume sont très-nettement rendues, et l'on distingue facilement la chasuble, le manipule brodé de fleurs, suspendu au bras gauche, l'aube dont le bas porte aussi des bro

deries, etc., etc.

Les pieds reposent sur un chien.

A la hauteur des épaules deux clercs portent des flambeaux, et plus haut, entre la tête de l'ogive et les angles de la pierre tombale, sont deux anges tenant des encensoirs. L'inscription

est gravée en belles lettres majuscules tout autour de la pierre et sur la bande qui dessine l'archivolte de l'ogive (1).

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(1) Voici le texte de cette inscription :

PIERRE TOMBALE DE NICOLAS DE GODERVILLE, ABBÉ DE SAINT-OUEN DE ROUEN.

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ABBAS PACIFICUS, RUMILIS, PIUS ATQUE PUDICUS,
JUSTUS, MAGNIFICUS, FRATERNE PACIS AMICUS,
PRUDENS, FACUNDUS, PATIENS, PAUCISQUE SECUNDUS
NON EA QUE MUNDUS QUERENS, A CRIMINE MUNDUS
MORIBUS ORNATUS, OMNI PROBITATE PROBATUS
VERMIBUS ESCA DATUS JACET HIC NICCOLAUS HUMATUS
TANTI PASTORIS ANIME SINE LABE LABORIS
DET FONS DULCORIS, DOMINUS DIADEMA DECORIS.

Une autre pierre tombale, dont voici l'esquisse et qui se trouve dans l'église du Mont-aux-Malades, près Rouen, est de la fin du XIII. siècle, ainsi que l'atteste l'inscription gravée sur la bordure.

La figure de la défunte est encadrée dans une ogive tréflée, surmontée d'un fronton garni de feuilles rampantes : deux anges tenant des encensoirs occupent les angles de la pierre, de chaque côté du fronton.

On remarquera le voile et la coiffure qui étaient en usage à la fin du XIII®. et au XIV. siècle, et le vêtement boutonné sur la poitrine et à manches justes, que l'on appe

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lait Cotte hardie, par dessus lequel est une espèce de surcot ou de manteau plissé sur les épaules.

Les pieds reposent sur un chien, les mains sont jointes et relevées : c'était la position qu'on leur donnait presque toujours sur les tombeaux des laïques et quelquefois sur ceux des moines.

Les prélats les ont ordinairement croisées, comme nous les avons vues sur la tombe de Nicolas de Goderville, ou élevées, comme dans l'effigie de l'évêque d'Amiens; ainsi voilà trois attitudes différentes, dont une paraît particulièrement attribuée aux laïques.

Quelques tombes plates ont été recouvertes d'une planche de cuivre gravée au trait, quelquefois même émaillée : mais on conçoit qu'elles aient tenté la cupidité et été, plus que les autres exposées à la destruction. Je ne crois pas qu'il en reste maintenant une scule du XIII". siècle.

Des plaques de cuivre émaillé représentant le défunt étaient parfois appliquées sur les murs au pied desquels se trouvaient les tombes (1).

Fanaux de cimetière.

Les fanaux furent, au XIIe siècle comme au XII., construits au milieu des grands cimetières; ils affectèrent tantôt la forme ronde, tantôt la forme carrée. Je n'en citerai qu'un seul; celui que j'ai dessiné à Antigny, près

de St.-Savin, département de la Vienne; il se trouve au milieu d'une place située en avant de l'église paroissiale, et qui avait évidemment fait partie de l'ancien cimetière; car elle est en quelque sorte pavée de cercueils qui se montrent presque partout à rase terre, la plupart dépourvus de leurs couvercles.

Le fanal d'Antigny est décoré sur les angles de petites colonnettes dont les bases ornées de pattes annoncent le XIII. siècle. Un autel en pierre a été ménagé sur le socle qui porte cette colonne; on y par

vient aujourd'hui par un

escalier de trois marches

qui doit être moins ancien que la pyramide,

FANAL CARRÉ D'ANTIGNY (VIENNE).

La largeur de l'autel est de 1 mètre 9 cent. et la profondeur de la

table de 55 cent.

La colonne quadrangulaire qui s'élève au-dessus de l'autel a,

sur

(1) V. pour plus de détails le chap. IV du tome VI de mon Cours d'antiquités monumentales.

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