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la cathédrale de cette ville, que d'autres réunions eurent lieu peu de temps après à St.-Pierre-sur-Dive pour aider à construire l'église de cette abbaye, et qu'ensuite de semblables congrégations se formèrent dans toute la Normandie, surtout dans les lieux où l'on élevait des temples sous l'invocation de la Sainte Vierge (1).

On trouve aussi dans une lettre de Hugues, archevêque de Rouen, écrite en 1145 à Thierry, évêque d'Amiens, des détails sur ces grandes réunions d'ouvriers bénévoles.

« Les habitants de Chartres (dit l'archevêque de Rouen), ont concouru à la construction de leur église en charriant des matériaux; notre Seigneur a récompensé leur humble zèle par des miracles qui ont excité les Normands à imiter la piété de leurs voisins. Nos diocésains ayant donc reçu notre bénédiction se sont transportés à Chartres où ils ont accompli leur vœu.

« Depuis lors, les fidèles de notre diocèse et des autres contrées voisines ont formé des associations dans un but semblable; ils n'admettent personne dans leur compagnie, à moins qu'il ne se soit confessé, qu'il n'ait renoncé aux animosités et aux vengeances et ne se soit réconcilié avec ses ennemis.

« Cela fait, ils élisent un chef sous la conduite duquel ils tirent leurs charriots en silence et avec humilité (2). »

Mais cette foule qui venait travailler par corvée à la construction des églises n'avait aucunes notions d'architecture; elle agissait évidemment sous la direction des architectes (3), et ceux-ci devaient être fort nombreux, puisqu'on bâtissait partout avec tant d'ardeur au XIIe. et au XIIIe siècle.

(1) Hujus sacræ institutionis ritus apud Carnotensem ecclesiam est inchoatus, ac deinde in nostrâ virtutibus innumeris confirmatus, postremo per totam fere Normanniam longe lateque convaluit ac loca per singula matri misericordiæ dicata, precipue occupavit (Annales de l'ordre de saint Benoit, t. VI, p. 394).

Il est à remarquer qu'on eut pour la Sainte Vierge une très-grande dévotion à partir du XII. siècle; c'est à cette époque que l'on commença à donner à la chapelle qui lui était dédiée de plus vastes dimensions qu'aux autres.

(2) Voir le reste de cette lettre dans un mémoire de M. Richome sur l'abbaye de St.-Pierre-sur-Dive.

(3) Les travailleurs bénévoles étaient principalement occupés à transporter les matériaux. Plusieurs antiquaires attribuent à la difficulté que l'on devait éprouver à voiturer les pierres, le volume peu considérable qu'elles offrent presque toutes dans les constructions du moyen-âge; il faut compter aussi pour beaucoup la facilité que l'on trouvait à manier des pièces d'un petit volume surtout lorsqu'il fallait les placer dans les pyramides et dans les murs élevés des églises.

Il paraît que, dès cette époque, les maçons ou tailleurs de pierre se réunirent en compagnies, qui avaient leurs statuts et leurs chefs, et qui allaient s'établir dans les lieux où il y avait des édifices religieux à construire.

Quand on considère la perfection et l'uniformité des monuments du XIII. siècle, on ne peut douter qu'il n'existât parmi les architectes une doctrine bien arrêtée et des connaissances beaucoup plus étendues qu'on ne l'a supposé pendant long-temps.

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MAUX. — BÉNITIERS.—TOMbeaux et lieux de
SEPULTURE. SIÈGES ET STALLES.
PORTES FERRÉES.--VASES SACRÉS.

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Quels furent, au XIII". siècle, la forme et la disposition des

autels.

Les autels du XIII. siècle ont des caractères qui peuvent être indiqués en quelques mots.

Ce furent, comme auparavant, des tables en pierre portées sur des colonnettes et des arcades détachées, quelquefois des massifs garnis d'arcatures sur le devant.

Ils se distinguent des autels romans par les formes et les moulures du style ogival, et souvent aussi parce qu'ils sont plus larges et conséquemment moins carrés, que dans les XI. et XII. siècles.

Je donne ci-après l'esquisse d'un autel que je crois de la fin du XIII. siècle, et qui existe dans l'église de Norrey près Caen, vraisemblablement de la même époque. La table repose sur un massif triangulaire et en avant sur trois colonnettes, dont deux sont complètement

dégagées; trois trous pratiqués dans l'épaisseur de la table de pierre, au-dessus des chapiteaux des colonnes, ont peut-être renfermé des re

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liques je n'en ai point remarqué de traces à Norrey, mais ailleurs les reliques de consécration sont incrustées dans des trous semblables.

AUTEL A ST.-GERMER. J'ai dessiné, au fond de la Sainte-Chapelle de St.-Germer, un autel du XIII. siècle, porté sur des arcs trilobés trèslégers et dont l'intérieur présente une cavité dans laquelle on pouvait placer un cercueil ou une châsse. J'ignore si jamais il en a été ainsi, mais cette galerie à claire-voie servant de support à la table justifie ma supposition; et, d'ailleurs, on sait que beaucoup d'autels étaient creux comme celui-ci et qu'ils renfermaient des reliquaires la largeur de cet autel est à peu près de 2". (1". 98), la profondeur de 1"., la hauteur de 0". 97.

Quelques tables d'autels étaient portées, aux deux extrémités, sur des jambages en pierre faisant l'office de chantiers, et le centre offrait

une vaste cavité dans laquelle on pouvait déposer des châsses et des reliques. Ces jambages étaient quelquefois décorés de colonnettes taillées dans la pierre même.

On vit aussi aux XIII. et XIV. siècles des autels massifs, soit unis, soit garnis d'arcatures et semblables, sauf le style des colonnes et des ornements, à celui que j'ai figuré en parlant des autels du XII. siècle; mais il est bon de remarquer que plusieurs de ces autels étaient creux dans l'origine et n'ont été remplis que dans la suite j'ai lieu de croire que la plupart avaient leur table portée sur des colonnes et offraient une cavité intérieure comme ceux de Norrey.

Quels étaient, au XIII. siècle, les accessoires des autels?

Sur la plupart des autels des XIII. et XIV. siècles, il n'y avait pas de tabernacle pour recevoir les hosties: l'Eucharistie se conservait dans des vases faits, les uns en forme de colombes, les autres en forme de tours, qui étaient tantôt suspendus, tantôt renfermés dans des armoires placées à côté de l'autel, dans la muraille.

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Il paraît que ces deux modes de conservation étaient indifféremment usités Odon Rigault, archevêque de Rouen, prescrivit dans une de ses visites (1266) au prieur de Bohon (Manche), d'adopter l'un ou l'autre Rogavimus priori ut corpus Domini faceret et procuraret reponi in aliquo vasi pixide vel hujus modi, in aliquo loco celebri et eminente, SUPRA ALTARE VEL JUXTA.

Les images placées sur l'autel ont été extrêmement rares avant le XIII. siècle; il ne faut pas confondre avec celles-ci les peintures qui décoraient les murs de l'abside et dont parlent les écrivains.

L'abbé Thiers, savant liturgiste, pense qu'avant le XII. siècle on suspendait bien des guirlandes et des couronnes de fleurs autour et au-dessus des autels et sur les murs, mais qu'on n'en déposait point sur la table même de l'autel.

Il n'y eut pas non plus de contre-rétables avant la fin du XIII. siècle, et ceux que l'on vit alors dans quelques églises furent très-bas : ornés de petites figures sculptées, disposées sur une seule ligne et représentant des traits de l'Ecriture sainte ou de la vie de J.-C. Lorsque les autels étaient adossés à un mur, le rétable pouvait être décoré de feuillages et de broderies sculptées.

Crédences.

Quelle était la forme des crédences au XIII. siècle?

Les crédences, extrême

ment rares dans le XII.

siècle (V. la page 212), se

voient partout au XIII.; c'est donc à cette époque qu'il faut en général faire remonter les plus anciennes de celles qui nous restent.

Toutes les chapelles des grandes églises en sont pourvues, quelques-unes en ont plusieurs disposées à droite et à gauche de l'autel. Elles sont ordinairement divisées dans la hauteur par une tablette horizontale en pierre sur laquelle on pouvait déposer des vases sacrés, et au-dessous est la cuvette ou piscine percée d'un trou pour l'écoulement de l'eau, conformément à la prescription du pape Léon IV. (V. la page 212.)

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Les crédences sont réunies ou géminées comme celles-ci au commencement du XIIIe siècle.

Dans la seconde moitié du XIII. siècle, les crédences participèrent dans leur ornementation de la richesse et de l'élégance qui caractérise cette belle époque de l'ère ogivale. On en trouve alors beaucoup comme

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CRÉDENCES DE LA 1. MOITIÉ DU XIII. SIÈCLE,

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