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produisaient de pieuses images. Rien n'est plus intéressant à lire que les descriptions données par Anastase-le-Bibliothécaire, de ces riches surtouts d'autels.

Les autels étaient ornés de ciboires; on appelait ainsi un dais ou baldaquin supporté par des colonnes.

Les ciboires étaient d'une grande magnificence dans les églises les plus importantes. Celui que le pape Grégoire Ier, fit élever à St.-Pierre de Rome était, d'après Anastase-le-Bibliothécaire, porté sur des colonnes en argent massif.

Devant l'autel on plaçait aussi des espèces de lustres dont parle souvent

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Anastase-le-Bibliothécaire, et qui portaient les noms de Phara, Pharacanthara, Corona. Les phares et les couronnes offraient des cercles d'un diamètre plus ou moins considérable, dont le pourtour était chargé de cierges ou de lanternes et qui étaient suspendus au moyen de chaînes ou de cordons fixés à la voûte; l'usage s'en est perpétué fort long-temps dans les églises de France.

Il est probable qu'il n'y eut d'abord qu'un autel dans chaque église ; mais bientôt on en établit plusieurs. Grégoire de Tours, parlant de l'église de Breine au diocèse de Soissons, dit qu'il y célébra la messe sur trois autels différents. Le pape Grégoire-le-Grand, qui vivait au VI. siècle, cite une église dans laquelle il y en avait jusqu'à treize. Enfin Mabillon prouve par des autorités incontestables que la pluralité des autels avait commencé de bonne heure. Cependant il faut remarquer que jusqu'au XII. siècle beaucoup d'églises n'eurent que quatre ou cinq autels.

Autels portatifs. Outre les autels ordinaires, il y avait dans quelques églises des autels portatifs; c'étaient des morceaux de marbre ou de bois incrusté de métaux, d'ivoire, etc., etc., de un pied sur tous sens environ, et parfois encadrés dans un cercle de métal ayant une poignée. On trouve ces autels mentionnés dans des conciles, des chartes, etc., sous les dénominations suivantes, altare viaticum, portatile, gestatorium, lapis portatilis. On les appelait aussi tables ou autels itinéraires, altaria itineraria, parce qu'on s'en servait principalement en voyage.

Il est probable que ces espèces de pierres sacrées se plaçaient sur des

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piédestaux, quand elles servaient à la célébration du divin sacrifice.

Existe-t-il en France quelques autels antérieurs au XIe siècle?

Je ne connais guère à citer que l'autel du Ham, table en pierre chargée d'inscriptions, déposée à la bibliothèque de Valognes, et que j'ai décrit dans le 6o. volume de mon Cours d'antiquités (1); un autel très-étroit, porté sur quatre colonnes et un piveau central que j'ai remarqué dans l'église de Tarascon et dont voici l'esquisse; enfin quelques autels

cubiques fort anciens, mais dont la date g est incertaine.

Baptistères.

Quelle était la forme et la disposition des édifices dans lesquels on administrait le baptême?

Ces édifices consistaient, à ce qu'il paraît, en deux pièces principales: l'une destinée aux cérémonies préparatoires, l'autre au baptême proprement dit. Ils étaient parfois spacieux et ornés de portiques à colonnes. La piscine sacrée se trouvait au centre ou vers le fond.

Les églises des premiers temps étaient souvent précédées d'une cour ou atrium, environnée d'une galerie et offrant à peu près l'image d'un cloître. Quelquefois ce fut au milieu de cette enceinte qu'on plaça la piscine destinée à l'administration du Baptême; mais plus souvent elle se trouvait en-dehors dans un bâtiment séparé de l'église, placé tantôt en avant de celle-ci, tantôt de côté, et parfois adossé aux parties latérales beaucoup de baptistères furent aussi à une certaine distance des basiliques et tout-à-fait indépendants de ces dernières.

Les baptistères étaient sous l'invocation de saint Jean-Baptiste. La piscine affectait le plus souvent la forme ronde, carrée

(1) Pages 137 et suivantes.

PLANS DE BAPTISTÈRES.

ANCIEN AUTEL DANS L'ÉGLISE DE TARASCON.

ou octogone, quelquefois celle d'une croix; on y descendait par des degrés.

Comme le nombre des baptistères était très-restreint et qu'ils ne pouvaient suffire aux besoins, il fallut plus tard annexer des fonts baptismaux à beaucoup d'églises. Alors la piscine fut placée dans le vestibule ou narthex des basiliques, près des portes; et de ce moment on cessa de construire des baptistères, tout en continuant de se servir de ceux qui existaient.

A quelle époque les cuves baptismales furent-elles annexées aux églises ?

Il est certain que dans le XI. siècle elles étaient très-communes, et qu'elles se trouvaient habituellement à peu de distance des portes d'entrée du côté du Nord-Ouest; mais cet usage était plus ancien; le pape Léon IV recommande au clergé, vers le milieu du IX. siècle, d'avoir dans chaque église des fonts en pierre, unusquisque fontes lapideos habeat; la translation ou le placement des cuves baptismales dans les églises dut avoir lieu plus tôt, quand l'usage de baptiser les enfants peu de temps après leur naissance devint général, et quand le baptême fut administré par tous les prêtres indifféremment, au lieu de l'être par les évêques; car il fallut multiplier les cuves baptismales et en placer dans les principales églises.

Les baptistères étaient-ils nombreux en France?

Oui, mais il en reste à peine quelques-uns. Je ne connais que l'église St.-Jean de Poitiers déjà citéc et le baptistère annexé à la cathédrale d'Aix qui a été reconstruit au XVI. siècle, et dont il ne reste d'ancien que les colonnes antiques de marbre et de granite, supportant la coupole. Le baptistère de Fréjus est d'une date incertaine, mais ne remonte probablement pas aussi loin.

Quant aux fonts baptismaux du IX. et du Xo. siècles, j'ignore s'il en existe quelque part : s'il y en a, leurs formes doivent se rapporter à celles du XI. siècle et du XII., que je ferai connaître à l'article Roman secondaire.

Sépultures de la période romane primitive.

Donnez quelques notions sur les tombeaux dont l'âge correspond à la période romane primitive?

Dans cette période comme dans les suivantes, une division toute naturelle se présente à l'esprit, savoir :

Les tombeaux apparents qui sont restés visibles et les tombeaux non apparents ou recouverts de terre.

Les premiers, qui ont appartenu à des personnages marquants sont très-rares, mais ils offrent un grand intérêt à cause des sculptures et des ornements qui les décorent.

Les seconds se rencontrent par centaines dans les lieux anciennement consacrés aux inhumations.

Tombeaux apparents, Les tombeaux apparents ont dû, dans l'origine, être placés à découvert, soit dans les cimetières, soit sous de petits édicules, soit dans les églises et des chapelles, soit enfin sous des arcades, dans des cryptes ou des caveaux funéraires.

Les plus remarquables sont en marbre, souvent ornés de personnages en bas-relief ou de moulures diverses.

On a trouvé beaucoup de sarcophages chrétiens de marbre à Rome, en Italie et dans le midi de la France; ils sont très-rares dans le Nord.

La parfaite similitude qui existe entre les sujets des bas-reliefs qui recouvrent ceux qui ont été observés, soit en France, soit en Italie, porte à croire que des fabriques existaient dans ce dernier pays et qu'elles expédiaient leurs produits dans le midi de la France, où des dépôts de cercueils existaient dans les grandes villes.

Que représentaient les bas-reliefs sculptés sur les sarcophages ? Les principaux sujets reproduits dans ces bas-reliefs se rapportent à l'histoire du Christ ou sont puisés dans les traditions bibliques. Ainsi, l'on y voit J.-C. rendant la vue à l'aveugle, ressuscitant le Lazare, guérissant l'hémoroïsme, la multiplication des pains; J.-C. paraissant au tribunal de Pilate. On y trouve souvent Daniel dans la fosse aux lions; Jonas englouti par la baleine et revomi par elle; Moïse faisant jaillir une source du rocher, le passage de la Mer Rouge, etc.,

etc.

Les sculpteurs se sont aussi appliqués à reproduire certains sujets emblématiques, des animaux, des arbres, qui avaient été symbolisés par les Pères de l'Eglise. Nous y trouvons presque toute la symbolique chrétienne du V. siècle.

Décrivez quelques-uns de ces tombeaux?

Le tombeau de l'empereur Honorius, à Ravenne, offre, au centre, l'Agneau, au-dessus duquel s'élève une croix dont les barres portent

deux colombes, symbole du bonheur procuré aux chrétiens par la Passion du Christ.

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Deux arcades cintrées ou portes simulées portées sur des colonnes cannelées accompagnent ce tableau. A l'extrémité du sarcophage qui devait être en vue, on remarque un vase sur les bords duquel des

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L'UNE DES EXTRÉMITÉS DU TOMBEAU D'HONORIUS, A RAVENNE.

colombes viennent se désaltérer. Cette image, symbole de la douceur et de l'union chrétiennes, se reproduit très-fréquemment au V. siècle.

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