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veloppe des reliques au Mans. Ces quatre échantillons donneront une idée des tissus dont nos églises furent plus ou moins riches pendant la première période romane, c'est-à-dire du IV. au XI. siècle; ils venaient de l'Orient.

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Le premier montre, sur des bandes horizontales, des espèces de tigres affrontés et enchaînés à un pendentif du semblent sortir deux oiseaux. Des lièvres se voient sous le ventre des quadrupedes.

Le fond est bleu. Les tigres sont alternativement blancs avec taches rouges, et jaunes avec taches vertes.

Les oiseaux et les lièvres suivent la même alternance, et sont rouges et blancs sur une ligne, verts et jaunes sur l'autre.

M. Ch. Le Normand, membre de l'Institut, trouve dans ce tissu des indications positives d'une origine sassanide (1). Il faut, dit-il, voir le home, plante sacrée, arbre de vie des Orientaux, dans la plante allongée placée entre les deux animaux. Il reconnaît dans ceuxci des guépars, sorte de panthère facile à apprivoiser et dont les Indiens se servent encore pour la chasse.

Sur le tissu dessiné par M. Hucher et qui existe au Mans, on voit, comme dans le précédent, un seul et même sujet reproduit uniformément sur toute l'étendue du tissu. Deux lions debout, affrontés, sont séparés par un objet pédiculé que M. Hucher regarde comme une coupe, mais dans lequel M. Le Normand reconnaît un autel du feu ou Pyréɛ, emblême de la religion de Zoroastre. M. Le Normand n'hésite pas à attribuer au tissu du Mans la même origine qu'au tissu de Chinon.

Il remarque que l'objet en forme d'astre ou d'étoile qu'on voit imprimé au haut de la cuisse de chacun de ces animaux, se retrouve sur d'autres monuments sassanides, notamment sur un vase de même origine existant dans la collection de la Bibliothèque royale. (V. la notice de M. Le Normand dans le XIVe, volume du Bulletin monumental.) Il en conclut que ce tissu peut très-bien remonter au IVa. ou au V. siècle (2).

M. Victor Petit m'a remis le dessin d'un tissu que l'on voit à l'église St.-Eusèbe d'Auxerre, et qui est orné d'aigles aux ailes éployées, séparés les uns des autres par des rosaces. Ces figures sont de couleur jaune et se détachent sur un fond violet. Si l'on en croit la tradition, cette étoffe aurait été donnée par l'impératrice Placidie, pour couvrir le cercueil de saint Germain, lorsqu'on rapporta son corps de Ravenne,

(1) On désigne par le nom de Sassanide le second empire de Perse, fondé par Ardeschire l'an 223 de notre ère, et détruit en 652 par les Arabes. Cet empire fut très-florissant durant le IV. siecle et au commencement du Ve.

(2) Le fond du tissu de soie est rouge, les lions sont ouvrés en soie verte et rehaussés de plaques rouges disposées dans le but d'imiter les muscles et les es; de minces filets jaunes dessinent les formes et séparent les couleurs.

(Note de M. Hucher. }

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au Ve. siècle; elle est d'une belle conservation et connue sous la dénomination de suaire de saint Germain.

Le quatrième tissu est une chape conservée dans la cathédrale de Metz, à laquelle elle aurait été donnée par Charlemagne, suivant la tradition; ce tissu appartiendrait par conséquent à une époque moins reculée que les précédents.

Il est en soie rouge; on y voit des aigles aux ailes éployées d'un très-beau style et divers ornements fidèlement rendus dans l'esquisse suivante (1).

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Les couleurs employées dans les broderies de la chape de Metz sont le jaune, le bleu, le vert.

La figure que voici montre le détail d'une des broderies répétées plusieurs fois sur la chape entre les aigles du centre et ceux qui occupent les côtés.

Cette autre figure est celle de la tête des monstres qui mordent les jambes des aigles.

Des étoffes du même genre se trouvaient dans beaucoup d'églises, et Anastase-le-Bibliothécaire parle souvent, dans sa vie des papes, des tissus ornés de lions, de griffons, d'aigles qu'on voyait de son temps dans les églises de Rome : il se sert même d'adjectifs pour indiquer ces ornements, et désigne parfois sous la dénomination de Leonata les tissus portant des lions, et d'Aquilata ceux qui portaient des aigles (2).

Il n'est pas douteux que ces divers tissus ne soient venus de l'Orient, ce qui explique très-bien les images qu'on y trouve; on sait que l'art de travailler la soie ne s'est introduit qu'assez tard en Occident.

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(1) Cette esquisse a été faite pour moi, à Metz (2) V. CXI Stephanus, anno 835, p. 236.

par M. Bouet.

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