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sur le devant, au-dessous de la table portée par des colonnes, le Christ dans l'auréole elliptique et les douze apôtres rangés sur deux lignes.

L'autel de St.-Guilhem-du-Désert (Hérault), de la fin du XI. siècle (1076), est de la même forme que le précédent, mais il participe à la fois de la sculpture et de la peinture en ce qu'il est orné de mosaïques.

Sur un large panneau de marbre blanc, deux cadres d'arabesques entourent deux figures du Christ, l'une assise, tenant un livre dans ses mains et entourée des quatre symboles évangéliques; l'autre en croix, accompagnée des figures de Marie, de saint Jean, et de deux Anges; les côtés reproduisent seulement la bordure d'arabesques. Ces figures et ces arabesques ont été sculptées en relief plat, et l'intervalle entre les reliefs est rempli de verres colorés de teintes trèsfoncées; comme le relief plat ne pouvait rendre que le contour extérieur dans les figures, on a indiqué par un trait léger les détails intérieurs.

Nous devons à Mg'. Muller, évêque de Munster, l'esquisse d'un devant d'autel, aujourd'hui dans sa ville épiscopale, mais qui autrefois se trouvait dans celle de Soest.

Ce devant d'autel est en bois; les figures ont été peintes en couleurs très-vives sur un fond d'or. La bordure est en saillie et sculptée et peinte. Aux angles supérieurs de cette bordure, se voient, dans des médaillons circulaires, deux des grands prophètes, que l'on reconnaît, à leur légende, pour les prophètes Isaïe et Ezechiel : dans les angles inférieurs, qui ont perdu les figures correspondantes, devaient se trouver les deux autres prophètes, Jérémie et Daniel.

Ces quatre prophètes correspondaient aux figures symboliques des quatre évangélistes qui entourent le trône de J.-C. Au centre du tableau: le Rédempteur est assis au milieu d'une auréole à quatre lobes; bénissant de la main droite, il porte dans la main gauche le livre ouvert, offrant ces mots qui indiquent le mystère de l'Eucharistie: Ego sum panis vivus qui de cælo descendi ; il est accompagné d'abord de la Sainte Vierge et de Saint Jean-Baptiste. La Sainte Vierge occupe le côté droit, elle porte les sept colombes, représentant les sept dons de l'Esprit; la colombe centrale, dans un cabre de plus grand diamètre, est le symbole de la Sagesse, Sapientiæ. Saint Jean porte l'Agneau dans un cadre arrondi.

La sainte placée à droite de la Sainte Vierge est la patronne de l'église

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AUTEL DE L'ÉGLISE DE SAINTE-WALPURGIS DE SOEST, AUJOURD'HUI A MUNSTER DANS LE MUSÉE DE KUNSTVESCIN.

où se trouvait l'autel, sainte Walpurgis : la figure d'évêque, portant le pallium, près saint Jean-Baptiste, doit être, d'après Mgr. Muller, un archevêque de Cologne. La ville de Soest appartenait, en effet, à la circonscription métropolitaine de Cologne jusqu'à la dernière organisation des évêchés du royaume de Prusse.

N'y avait-il pas des autels revétus d'or et d'argent ?

Les églises les plus riches avaient parfois des tableaux en métal qui recouvraient toute la partie antérieure de l'autel et qui pouvaient à volonté s'y placer et s'en détacher. Nous citerons pour exemple le magnifique devant d'autel de la cathédrale de Basle, de la première moitié du XI. siècle, figuré dans l'atlas de mon Cours d'antiquités, pl. LXXXX. Ce devant d'autel est en or et pèse au moins 26 marcs. Il a 3 pieds 8 pouces de hauteur sur 5 pieds 6 pouces de largeur.

La planche d'or, travaillée au repoussé, est appliquée sur un fond de bois de cèdre de 3 pouces d'épaisseur.

Elle renferme cinq figures en relief de 22 pouces d'élévation, qui représentent le Sauveur, les trois archanges, Michel, Gabriel, Raphaël, et saint Benoît.

Comment consacrait-on les autels chrétiens ?

Les autels étaient consacrés par l'onction du Saint Chrême, par la bénédiction sacerdotale et par des reliques qu'on y déposait: ces reliques étaient scellées dans des cavités pratiquées dans la pierre de l'autel.

Grégoire de Tours indique suffisamment comment se faisait cette dédicace dans les premiers siècles de l'église, en parlant de celle qu'il fit d'un oratoire Après avoir passé la nuit en prière, dit-il, « nous sommes

entrés le matin dans la chapelle et nous avons béni l'autel que notre « piété y avait fait élever. De retour à la basilique, nous avons fait « enlever les saintes reliques, et, au milieu d'un cortège de prêtres « et de lévites, nous nous sommes dirigés vers la porte de l'oratoire avec les restes des saints, ornés de voiles et portés sur un bran❝ card. D

Quelques autels étaient adossés à des tombeaux de saints (St.-Savin, St.-Mathias de Trèves); quand ils étaient ainsi en contact ou qu'ils étaient placés au-dessus des cryptes qui renfermaient des reliques, on se dispensait d'en incruster dans l'autel même.

Voici le curieux bas-relief représentant, à Tarascon, la consécration du principal autel de l'église de cette ville, à la fin du XII. siècle ;

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on y voit deux évêques s'appuyant sur leurs crosses et ayant chacun devant soi un vase rempli d'huile sainte pour les onctions.

Quels étaient les ornements et accessoires de l'autel ?

Il paraît que jusqu'au IX. siècle, on ne plaçait rien sur la table de l'autel; les ornements qu'on y voit aujourd'hui n'ont commencé que fort tard à être tolérés: on croyait que rien ne devait être mis en présence de l'Eucharistie, excepté le livre des évangiles renfermant la parole de Dieu même.

Ce n'est, à ce qu'il paraît, qu'à partir du X. siècle que des croix ont été placées sur les tables des autels.

Les images placées sur l'autel ont été extrêmement rares avant le XIII. siècle; il ne faut pas confondre avec celles-ci les peintures qui décoraient les murs de l'abside et dont parlent les écrivains.

L'abbé Thiers, savant liturgiste, pense qu'avant le XII. siècle on suspendait bien des guirlandes et des couronnes de fleurs autour et au-dessus des autels (1) et sur les murs (2), mais qu'on n'en déposait point sur la table même de l'autel.

Les autels figurés sur la châsse émaillée de saint Calmin, de Riom, montrent la simplicité de ce que nous appelons de nos jours

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Fortunat Carm. 9 ad Radegund. 1. 8. (2) Grégoire de Tours, de Gloria Confessorum, rapporte que le prêtre Severin attachait des lis autour des murailles d'une église qu'il avait bâtie: Solitus erat flores liliorum, tempore quo nascuntur, colligere, ac per parietes hujus adis appen

dere.

la garniture de l'autel, on ne distingue qu'une croix, un calice et un chandelier.

AUTEL PEINT EN EMAIL SUR LA CHASSE DE SAINT CALMIN DE RIOM.

Il n'y avait pas de tabernacle pour recevoir les hosties, l'Eucharistie se conservait dans des vases faits les uns en forme de colombe, les autres en forme de tours qui étaient tantôt suspendus, tantôt renfermés dans des armoires placées à côté de l'autel.

Aux XI. et XII. siècles, les autels étaient souvent consacrés en l'honneur de plusieurs saints. On y renfermait aussi plusieurs reliques. Des inscriptions dédicatoires étaient quelquefois gravées sur le bord de la table des autels comme à St.-Savin, en Poitou, et quelquefois, comme à Montierneuf de Poitiers, sur des tables en pierre qu'on incrustait dans les murs voisins (1).

(1) Voir mon Cours d'antiquités, t. VI, page 155 et suivantes.

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