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La région du Sud-Ouest, s'étendant depuis la Dordogne jusqu'aux Pyrénées.

La région de l'Auvergne, limitée aux départements du Puy-deDôme, à la Haute-Loire et à quelques contrées voisines;

Le Roman Germanique, dont le centre est sur les bords du Rhin et qui, après avoir occupé l'Alsace, pénètre au-delà des Vosges dans plusieurs départements;

La région du Roman Bourguignon qui, par une dégradation insensible, s'allie au Roman de la vallée du Rhône et à celui de la Provence, et qui pourtant peut en être distingué de telle sorte qu'on diviserait en deux parties ce grand espace compris entre les frontières de la Bourgogne et la Méditerranée.

C'est là une esquisse géographique un peu vague, j'en conviens, qui devra plus tard être mieux arrêtée et que je me borne à tracer à grands traits.

Chaque contrée, en adoptant le style d'un pays voisin, semble lui avoir imprimé quelque caractère qui lui est propre, et un observateur qui a beaucoup vu, peut dire, à la vue de l'esquisse d'un édifice, non-seulement à quel siècle, mais à quelle région il appartient; car dans ses vicissitudes, l'architecture obéit à l'influence des localités aussi bien qu'à celle du temps. C'est là un point qui mérite toute l'attention de l'observateur.

Nous devons indiquer aussi certaines affinités qui devront plus tard être mieux étudiées. Ainsi, le Roman du Midi se rapproche de celui de l'Italie, le Poitou offre aussi dans quelques-uns de ses monuments, notamment dans Notre-Dame de Poitiers, des traits de ressemblance très-notables avec ceux des régions transalpines. Il serait facile de signaler entre ces dernières et les églises d'Auvergne, des rapports qui n'échapperont pas à ceux qui auront le loisir de comparer les édifices de ces deux pays. Il y a des analogies manifestes entre le Roman Lombard et celui de l'Alsace et de toute la région Rhénane de l'Allemagne et de la Hollande. De ces faits nous pouvons conclure que les traditions italiennes se sont répandues du Midi au Nord, en suivant la direction du Rhin et de l'Allemagne, en même temps qu'elles se sont infiltrées plus ou moins profondément dans les provinces méridionales du centre et de l'ouest de la France.

Les régions situées au nord de la Loire (Ille-de-France, Orléanais, Normandie, etc., etc.), qui avaient moins de débris antiques sur leur sol, ont aussi moins fidèlement suivi les traditions du Midi. Dès le XII. siècle, les colonnes se sont groupées, les piliers romans se sont, comme nous le voyous à l'Abbaye-Blanche près Mortain, couverts

de colonnes effilées; l'acheminement vers le style ogival est plus manifeste dans ce pays que dans les autres.

Quels ont été les progrès de l'architecture et de la sculpture pendant la période romane secondaire.

Le progrès a été constant et manifeste depuis le XI. siècle jusqu'à la fin du XII. ; mais c'est au XII. que l'architecture romane se montre parée de toutes ses richesses, que le ciseau du sculpteur fécond, hardi, gracieux dans toutes ses créations, orne les édifices de ses plus belles et de ses plus brillantes moulures.

Le XII. siècle forme donc une époque très-remarquable dans l'histoire de l'art, et peut donner lieu à une subdivision dans la classification des monuments de la période romane secondaire.

Au XII. siècle, époque incomparable, tout naît, tout resplendit à la fois dans le monde moderne. Chevalerie, croisades, architecture, langue, littérature, tout jaillit ensemble comme par la même explosion; c'est là que débute véritablement l'histoire de nos arts, de notre littérature, de notre civilisation, comme celle des autres arts et des autres civilisations de l'Europe (1).

Une grande impulsion donnée au commerce de l'Italie avec l'Orient, les pélerinages à Jérusalem devenus plus fréquents, et surtout les croisades, établirent entre l'Orient et l'Occident des relations nouvelles qui favorisèrent de plus en plus la naturalisation du goût byzantin dans nos contrées. Aussi voit-on, au XII. siècle, un luxe de moulures que n'avaient point encore étalé les monuments du XIo. (2).

En même temps que s'opère ce nouveau travail d'assimilation, dont les progrès sont manifestes pour ceux qui visitent un certain nombre de monuments du XII. siècle et les comparent à d'autres du XI., on voit paraître une forme nouvelle pour les voûtes et les arcades, c'est, en effet, au XII. siècle qu'on commence à employer fréquemment L'ARC EN POINTE OU OGIVE qui prédomina dans le siècle suivant.

(1) M. Ampère, Histoire littéraire de la France.

(2) On peut trouver des moulures caractéristiques du XII. siècle sur des églises qui ont été bâties dans le XI. siècle, suivant des documents certains. Il paraît en effet qu'un très-grand nombre de portes et de façades ont été sculptées postérieurement à l'érection des églises dont elles font partie.

On élevait des portes avec des archivoltes unies que l'on ciselait plus ou moins long-temps après l'achèvement de l'édifice. J'en connais plusieurs du XI. siècle, qui ne sont ornées qu'à moitié et qui prouvent la vérité de mon assertion.

Ainsi, on sculptait quelquefois d'avance, et avant de les assembler, les pièces qui devaient composer les cintres des portes; quelquefois aussi elles ne l'étaient qu'après leur assemblage : la nature des ciselures et des matériaux influait sans doute sur le choix du procédé que l'on suivait à cet égard.

Quelle opinion doit-on se former sur l'origine des moulures usitées dans l'architecture romane secondaire?

Les débris antiques répandus sur différents points de la France et qui peuvent dater des III. et IV. siècles, nous offrent des moulures semblables, sauf l'exécution, à celles que nous trouvons sur les églises.

Si l'on examine les mosaïques découvertes dans le midi de la France, notamment celles qui sont aujourd'hui déposées dans le musée de Lyon, à la maison carrée de Nismes, à Vienne, à Narbonne et dans quelques autres cabinets, et celles que nous découvrons chaque jour dans le nord de la France, on retrouvera, dans les bordures de ces tableaux les zigzags, les frètes crénelées, les quatre-feuilles, les étoiles, les entrelacs, les tissus nattés, etc., etc.

Les figures exprimées en mosaïques durant l'ère gallo-romaine furent traduites en relief sur les monuments du moyen-âge.

La France centrale entra franchement et avec bonheur dans cette voie; moins riche que l'Italie en peintres et en mosaïstes, elle se détacha plus vite des traditions anciennes et chercha dans les reliefs ce que l'Italie demandait encore souvent, aux XI. et XII. siècles, à la peinture et à l'application des pièces de couleur (4).

Mais si les pavés en mosaïques et les débris de monuments galloromains épars sur le sol ont guidé le ciseau des artistes; si, à Autun et à Langres, par exemple, on a copié les pilastres cannelés des arcs de triomphe et des portes antiques qui s'y voient encore; si, dans un grand nombre de façades, on a si bien imité sur le fût des colonnes les feuilles imbriquées, les rinceaux et d'autres moulures que nous voyons sur des fûts antiques, il ne faut pas en conclure que tout soit indigène dans la décoration de nos églises du XII. siècle. Les étoffes, les galons, les peintures, les manuscrits, les reliquaires ciselés et tant d'autres objets d'art apportés de Constantinople, avaient sans doute multiplié des types, des motifs de dessin, dont nos architectes surent profiter. Il faut ici, comme en toute chose, se garder d'adopter un système exclusif pour ces origines: tout attribuer aux importations de l'Orient, comme l'ont fait quelques archéologues, serait, je crois, une grande erreur, de même qu'il ne faut pas attribuer aux monuments antiques indigènes une influence absolue.

(1) L'Auvergne, attachée à l'école italienne par des causes qu'il ne m'a pas été donné de bien apprécier et qui tiennent peut-être uniquement aux matériaux diversicolores fournis par ces roches volcaniques, continua plus long-temps à employer la marqueterie concurremment avec les moulures en relief.

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DE SEPULTURE. VASES SACRÉS. TISSUS.

PALÉOGRAPHIE MURALE,

PENDANT LA PERIODE ROMANE SECONDAIRE.

Autels.

Quels caractères les autels offraient-ils pendant la période romane

secondaire?

Aux XI. et XII. siècles, les autels étaient souvent de forme cubique; tels sont les autels de St.-Savin et ceux de Spire, décrits dans mon Cours (t. VI, p. 540), et dans le Bulletin monumental; quelquefois la table portait sur des colonnes et il restait un vide en-dessous (Pontorson, Chatillon-sur-Marne, etc.). A St.-Germer près de Gournay, l'autel cubique est orné en avant de cinq colonnettes à bases attiques

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portant quatre cintres, dont les archivoltes sont garnies de petites moulures quadrangulaires en creux. Des feuillages occupent les tympans de ces quatre arcades.

A Avenas (Saône-et-Loire), l'autel, de la seconde moitié du XII". siècle très-probablement, offre un type beaucoup plus riche. On voit

L'autel de l'église Ste.-Marguerite, près de Dieppe, ressemble beaucoup à celui de St.-Germer.

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