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Supposons qu'un observateur parcoure la France, qu'il y voie successivement des édifices chargés de dentelles et de broderies de pierre comme les églises de Caudebec, de Notre-Dame-del'Épine, de Notre-Dame-de-Brou, de St.-Maclou, de Rouen; des églises dans le style le plus simple, mais non moins gracieux, de Coutances, de Chartres, de Reims; puis des églises à plein-cintre, comme celles de Vézelay, de St.-Etienne, de Caen; de St.-Sernin, de Toulouse, le plus souvent il se persuadera que ces différents styles sont le résultat du caprice, et que plusieurs architectures ont régné simultanément.

Si son raisonnement va plus loin, et qu'il soit conduit à conclure de l'observation des faits que ces diverses architectures se sont succédé et remontent à des siècles différents, il demeurera persuadé que les édifices les plus ouvragés sont les plus anciens. C'est là l'idée que j'ai toujours vu naître dans l'esprit de ceux qui n'avaient point de données archéologiques, et c'est précisément le contraire de la vérité.

Pour éviter des erreurs aussi graves, il faut donc commencer par indiquer comment se sont développées l'architecture et la sculpture en France; or, rien n'est si simple et si facile avec le secours de quelques figures.

Deux grands faits viennent établir une division très-nette dans l'histoire des monuments, savoir; que jusqu'au XII. siècle les principes de l'architecture antique plus ou moins modifiés ont été suivis, mais qu'à partir de cette époque une architecture nouvelle, toute différente de formes et de principes, a surgi dans le monde ces deux architectures ont pour générateur,

La première, le plein-cintre;

La seconde, l'ogive ou arcade triangulaire.

Voici donc déjà deux grands horizons chronologiques.

Cette première donnée acquise, si l'on veut se livrer à un examen plus attentif de l'immense quantité de monuments à plein-cintre et de cette forêt d'églises ogivales qui peuplent la France, on reconnaîtra que les productions de ces deux grandes écoles se subdivisent en plusieurs styles qui caractérisent des époques différentes; de sorte que l'âge relatif des monuments peut être reconnu facilement au moyen de quelques principes de la plus grande simplicité. Bref, on peut analyser les caractères d'un édifice, pour découvrir à quelle époque il a été construit, comme on analyse les organes d'une plante pour trouver à quel genre elle appartient : c'est ce secret, si toutefois c'en est un aujourd'hui, que je voudrais apprendre à tout le monde au moyen des notes qui vont suivre.

Ces principes seront tellement élémentaires, afin d'être mis à la portée de tous, même des enfants et des hommes de la campagne, que je n'ai pu trouver de titre qui leur convienne mieux que celui d'ABÉCÉDAIRE D'ARCHÉOLOGIE.

Je ne prétends pas qu'on puisse avec ce Catéchisme devenir savant archéologue; je travaille ici pour ceux qui ne savent rien, pour ceux qui n'ont pas encore épelé dans les grands livres ; quand ils auront appris à lire, libre à eux de pousser plus loin leur éducation.

Mon rôle est donc des plus modestes et je prie mes lecteurs de ne pas l'oublier; je serai dans ce qui va suivre maître élémentaire du degré le plus inférieur; peu m'importe d'ailleurs, pourvu qu'on me lise, qu'on me comprenne, et qu'on trouve que l'archéologie n'est pas sans charme, quoiqu'elle ne procure aucun profit.

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ABÉCÉDAIRE

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RUDIMENT D'ARCHÉOLOGIE.

CHAPITRE Ir.

Qu'est-ce que l'Histoire de l'Art?

On est convenu d'appeler Histoire de l'Art, les vicissitudes de l'architecture, de la sculpture, de la peinture, etc., depuis les temps les plus anciens jusqu'à nous. L'Histoire de l'Art se divise naturellement en plusieurs grandes périodes; par exemple, l'Histoire de l'Art chez les Egyptiens, les Grecs, les Romains; l'Histoire de l'Art chez les peuples de l'Occident, depuis la conquête romaine jusqu'à l'envahissement de l'Empire par les Barbares; l'Histoire de l'Art en France, depuis l'invasion des Barbares jusqu'au XII. siècle; l'Histoire de l'Art depuis le XII. siècle jusqu'au règne de François Ier., etc.

Nous ne nous occuperons ici de l'Histoire de l'Art qu'autant qu'elle s'applique à l'architecture du moyen-âge.

Qu'appelez-vous moyen-âge ?

On est convenu d'appeler ainsi la période temporaire comprise entre la chute de l'Empire romain (Vo. siècle) et le retour aux formes clas

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Quels sont les caractères de l'architecture au moyen-âge?

L'architecture des premiers siècles du moyen-âge offrait tous les caractères de l'architecture romaine, dans un état avancé de dégénérescence; nous la désignons sous le nom d'architecture romane. Le type roman a persisté jusqu'au XII. siècle.

De quels éléments se compose l'architecture romaine, d'où l'architecture romane est dérivée?

De cinq modes principaux de dispositions, dans lesquelles les parties saillantes affectent un arrangement régulier. Les colonnes, les pilastres et certaines moulures caractérisent ces divers modes que l'on désigne sous la dénomination d'ordres.

Un ordre se divise en trois parties et se compose d'un piedestal, d'une colonne et d'un entablement. Ces parties ont reçu le nom de membres. Chaque membre se divise en trois parties, ainsi qu'il suit :

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Quelquefois on supprime le premier membre ou piédestal, et le fût de la colonne repose simplement sur une plinthe ou socle servant de soubassement.

Les ordres employés par les Romains étaient au nombre de cinq :

Le Toscan,

Le Dorique,

L'Ionique,

Le Corinthien,

Le Composite.

Le Dorique, l'lonique et le Corinthien étaient originaires de la Grèce.

Le Toscan et le Composite avaient pris naissance en Italie.
C'est pour cela qu'on désigne quelquefois les trois premiers sous la

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