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V. Petit del.

SCULPTURES SUR LES CHAPITEAUX DE LA CRYPTE DE PARIZE-LE-CHATEL (NIÈVRE).

Mais ce n'est pas là, probablement, l'explication vraie de ces figures, et je ne la reproduis ici que pour exercer la sagacité des archéologues : je crois qu'on pourra leur trouver un sens beaucoup plus satisfaisant.

Le sujet que voici

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à

(un homme entre deux monstres) et que j'ai trouvé exprimé avec quelques variantes sur divers monuments du XII. siècle, ne voudrait-il pas dire que l'homme fortifié par la religion, parvient maîtriser les monstres les plus redoutables, images des passions humaines ; ce serait la traduction de la légende qui nous montre parlout les premiers évêques terrassant des dragons et s'en faisant obéir au nom de JésusChrist.

Du reste, il faut se garder de pousser trop loin l'interprétation des figures et prendre garde de donner trop d'extension au symbolisme. A toutes les époques, la fantaisie a été un des éléments de l'art, et l'on ne doit pas s'é

tonner qu'il y ait eu

dans l'ornementation,

au moyen-âge, des figures de convention comme il y en avait dans l'architecture grecque et dans l'architecture romaine.

Quant aux figures grotesques et parfois obscènes qui ornent les façades ou l'entablement des édifices religieux, ce serait, selon l'opinion de quelques antiquaires, la personnification des vices. Ils seraient là pour avertir les fidèles qu'ils doivent entrer dans le temple le cœur pur, et laisser à l'extérieur toutes les passions qui souillent l'âme. Selon d'autres, la plupart de ces figures bizarres n'avaient aucune signification et n'étaient que des ornements créés par le caprice des sculpteurs.

Les figures grotesques déplaisaient à saint Bernard. Voici comment il s'exprime à ce sujet dans une lettre écrite, vers l'an 1125, à Guillaume, abbé de St.-Thierry : « A quoi bon tous ces monstres grotesques en peinture et en sculpture?..... A quoi sert une telle difformité, ou cette beauté difforme? Que signifient ces singes immondes, ces lions furieux, ces centaures monstrueux.....? Que signifient ces guerriers qui combattent, ces chasseurs qui donnent du cor..... ces quadrupedes à queues de serpent, etc., etc. ?..... » (1).

Les sculpteurs chrétiens ne se sont pas bornés à reproduire des sujets religieux et des sujets symboliques, ils ont trouvé dans les fables, des moralités qu'ils ont jugées bonnes pour l'instruction du peuple : la scène du renard et de la cigogne, et quelques autres sujets, ont été sculptés, dès le XII. siècle, sur plusieurs de nos églises.

Les calendriers illustrés ont aussi tenu leur place dans les façades de nos églises, quelquefois même sur le tympan des portes, comme dans le spécimen suivant (le tympan de la porte St.-Ursin à Bourges), où les mois sont représentés chacun par une action en rapport avec la saison.

Chaque scène est encadrée dans une arcature particulière, et, pour qu'il ne puisse rester d'incertitude, le nom du mois auquel elle correspond est inscrit au-dessous.

Ce curieux monument de la sculpture du XII. siècle porte le nom de son auteur, Girauldus fecit ISTAS PORTAS; cette inscription, gravée dans un cartouche au-dessous des figures, atteste donc qu'il s'appelait Girauld. La porte St.-Ursin a survécu à l'église dont elle faisait partie ; elle a été replacée le long d'un mur, près la promenade publique, grâce à un administrateur éclairé qui en a compris l'intérêt à une époque où on ne s'occupait guère d'antiquités de ce genre.

(1) Apud Mabillon, inter opera sancti Bernardi, cap. xu, no. 29, t. I, p. 53. Paris, 1690.

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TYMPAN DE LA PORTE SAINT-URSIN A BOURGES.

Quel parti a-t-on tiré de la peinture pour la décoration des églises romanes?

On en a couvert les murs et les voûtes et reproduit en couleurs tous les sujets que le ciseau du sculpteur gravait sur la pierre. Malheureusement le badigeon et le goût déplorable pour le regrattage ont fait disparaître la plupart des peintures anciennes qui pouvaient montrer l'effet de ces décorations polychromes. Il nous en reste pourtant quelques débris à l'aide desquels on peut encore s'en faire une idée assez juste. Ainsi beaucoup de colonnes ont été peintes en rouge, quelques chapiteaux en vert, les voûtes l'ont été en bleu-ciel : il est facile de reconnaître que souvent les figures des bas-reliefs se détachaient sur des fonds de couleur différente et que leurs vêtements ont été peints et dorés.

Les murs et les voûtes ont dans quelques églises été couverts de peintures représentant des scènes de l'Ecriture; l'église de St.-Savin, en Poitou, nous fournit l'exemple le plus remarquable que l'on puisse citer. Les peintures d'un immense intérêt qui couvrent les voûtes de cet édifice représentent dans une suite de tableaux dont les personnages sont de grande proportion, des sujets de l'Histoire Sainte et de l'Apocalypse. Les peintures de la crypte offrent l'histoire de saint Savin et de saint Cyprien, martyrisés, selon la tradition, tout près du bourg actuel; la description de ces curieuses figures nécessiterait un long mémoire: il me suffit de les signaler.

Les teintes ocreuses ou rougeâtres dominent dans ces grands tableaux et dans ceux beaucoup plus petits que l'on rencontre ailleurs, aux XI. et XII. siècles.

Voici le spécimen d'une des peintures de St.-Savin, mais au trait, et ne pouvant par conséquent donner une idée de l'effet et de la couleur.

C'est le combat de l'archange Michel contre le dragon, que nous avons déjà vu représenté en bas-relief sur un tympan de l'église de St.Michel d'Entraigues (p. 97).

L'Archange y est accompagné de ses anges, selon le texte de l'Apocalypse (1), tandis qu'il est scul sur le tympan de St.-Michel d'Entraigues.

(1) Et factum est prælium magnum in cœlo: Michael et Angeli ejus præliabantur cum dracone, et draco pugnabat et angeli ejus. Apoc. XII, 7, 8.

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