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Ainsi, dès le XI. siècle, nos églises étaient surmontées de coqs.

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REPRESENTATION DU COQ DE L'ABBAYE DE WESMINSTER SUR LA TAPISSERIE DE BAYEUX.

Ce genre d'anémoscope doit avoir été emprunté à la civilisation romaine.

ICONOGRAPHIE DES XI. ET XII. SIÈCLES.

Qu'entend-on par iconographie?

La représentation en sculpture ou en peinture des personnages et des faits ayant trait à la religion, forme ce que nous appelons l'Iconographie chrétienne; l'Iconographie peut être considérée comme la connaissance des images et de leurs attributs. C'est dans la Bible, dans la légende dorée, et quelquefois dans les fabliaux, qu'il faut en chercher l'explication (1).

(1) V. Instructions sur l'Iconographic chrétienne, par M. Didron.

L'ère des iconoclastes avait, pendant long-temps, anéanti les études iconographiques; elles commencèrent à renaître au XI. siècle, mais ce ne fut qu'au XII. qu'elles firent de grands progrès, que les sculpteurs et les peintres chrétiens complétèrent le catéchisme monumental et parlèrent aux yeux des fidèles un nouveau langage par les figures. D'après quels principes sculptait-on et peignait-on les sujets religieux durant la période romane secondaire?

Jusqu'à la fin du XI. siècle, on avait rendu la figure humaine de la manière la plus bizarre et la plus incorrecte.

Mais au XII. siècle on vit paraître des statues et des bas-reliefs, qui, sans être exempts de défauts, étaient, au moins, ramenés à une certaine correction. Cette renaissance de la statuaire contribua puissamment à changer l'aspect des monuments religieux, en apportant un élément nouveau dans leur décoration.

Les archivoltes et les voussures des portes ornées auparavant de zigzags, de frètes crénelées, de billettes et des moulures diverses que j'ai fait connaître, commencèrent à se couvrir de personnages (Civray, Notre-Dame de La Coudre à Parthenay, cathédrales du Mans, d'Angers, etc., etc.); les tympans qui jusque-là n'avaient eu pour ornement que des figures chimériques ou simplement des pierres taillées symétriquement, parfois disposées en échiquier, furent tapissés de bas-reliefs.

On commença au XII*. siècle à sculpter des figures de grande proportion. On plaça sur les façades des édifices et sur les parois latérales des portes, des statues représentant des personnages de l'Ancien et du Nouveau-Testament; ces statues confiées sans doute aux artistes les plus habiles du temps, offrent pour l'histoire de l'art plus d'intérêt que les autres figures à cause de leurs grandes dimensions et de leur relief complet. La plupart sont vêtues de longues tuniques recouvertes d'une espèce de manteau qui s'ouvre par devant et laisse apercevoir de riches étoffes, le plus souvent bordées de galons renfermant des pierres précieuses enchâssées.

Dans toutes ces statues, on remarque de longs bustes, des yeux saillants fendus, des sourcils arqués, une sorte de raideur et d'absence de mouvement qui, indépendamment de leur costume et de leur physionomie byzantine, les feront toujours distinguer de celles du XIII. siècle et du XIV. Si l'on examine les statues qui décorent le grand portail de Chartres, celles que l'on voit au Mans, à Provins, à Bourges, à Arles, à St.-Gilles, à Angers, etc., etc., dans toutes on remarquera les caractères que je viens d'indiquer; on les retrouvera dans les autres représentations en bas-relief on en peinture qui appartiennent à la même école.

Ce qui distingue les figures de cette époque, soit bas-reliefs, soit statues, c'est l'imitation d'un type à peu près uniforme dans les traits

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du visage, la tournure et le costume des différents personnages (1).

(1) Souvent ces statues ont été peintes, leurs yeux ont quelquefois des prunelles en émail incrustées dans la pierre.

Le Père éternel, le Christ, la Vierge, les Apôtres, les Saints, les Anges, reçurent dans ce système leurs traits, leur forme, leur costume propre et déterminé. Ces types partout admis, partout reproduits avec le scrupule religieux qui tenait à la fois à un sentiment de dévotion et à l'impuissance de l'art, étaient partout exécutés au moyen de procédés semblables, comme le dit M. Raoul Rochette dans ses Leçons sur l'histoire de la statuaire (1).

Un des sujets qu'on observe le plus ordinairement et qui frappe le plus, tant par la dimension des figures que par la place qu'elles occupent, c'est la représentation de Dieu entouré de divers attributs, qui, à partir du XI. siècle, se trouve fréquemment sur le tympan des portes et parfois au milieu des frontons des églises. On remarque deux manières principales de représenter ainsi la divinité.

Souvent Jésus-Christ est assis sur son trône, vêtu d'une longue tunique enrichie de broderies et tenant la main droite élevée comme pour donner la bénédiction: autour de lui sont les symboles des quatre évangélistes désignés dans la vision de saint Jean, savoir, dans la partie supérieure du tympan, au niveau de la tête du Sauveur, l'aigle (saint Jean), l'ange (saint Mathieu ), et plus bas, le lion (saint Marc), et le bœuf (saint Luc). Il a les pieds sur une espèce de tabouret ou escabeau scabellum à claire-voie, que les sculpteurs du XII. siècle ont presque toujours fidèlement reproduit (Voir la page 98).

Souvent on remarque à côté de ce tabouret figurant peut-être la terre et au centre du tableau, des ondulations figurant des eaux, suivant ce passage du chapitre IV, verset 6, de l'Apocalypse: En face du trône du Seigneur il y avait comme une mer de verre semblable a un cristal. Les eaux sont figurées par des lignes ondulées, à Bourges, dans le tympan de la belle porte méridionale de la cathédrale du Mans, à Angers et ailleurs (2). En résumé, la représentation du Christ au milieu des animaux symboliques a été reproduite à peu près de même dans les tympans byzantins.

Les artistes paraissent avoir une grande prédilection pour ce sujet tiré de l'Apocalypse.

(1) Cours d'archéologie professé à la Bibliothèque royale en 1825.

(2) Des ondulations semblables, qui font le tour du tympan, expriment peut-être dans quelques tableaux l'arc-en-ciel dont il est parlé dans le chapitre IV, paragraphe 3.

(3) Les sculpteurs du XII. siècle ont essayé de peindre l'image du trône

Ailleurs Jésus-Christ est représenté dans l'attitude que je viens d'indiquer, mais, au lieu des symboles des quatre évangélistes, on voit seulement à ses côtés deux anges, tantôt debout et tenant des encensoirs, tantôt à genoux et dans l'attitude de la prière. Au lieu de tenir un livre, le Christ est représenté parfois les deux mains étendues : c'est ainsi qu'on le voit à Autun.

Sur le tympan de la grande église de Vézelay, nous voyons le Christ de grandeur colossale la tête entourée d'un nimbe croisé, les cheveux séparés sur le front et retombant sur les épaules, la figure grande et noble, les mains étendues comme pour bénir.

Le costume se compose d'un péplum plissé à très-petits plis, retombant jusqu'à la ceinture, d'une robe très-ample, plissée de même, à grandes manches, qui laissent voir une autre robe d'une étoffe différente (1).

A droite et à gauche du Christ sont les douze Apôtres, de proportion relativement plus petite, leur tête n'arrivant guère qu'aux hanches du personnage principal : tous tiennent des livres ou des tablettes.

De l'extrémité des mains du Christ sortent des lignes ou rayons qui se dirigent sur la tête de chacun des personnages dont il vient d'être question, et qui sont évidemment les apôtres.

Cette représentation mystique des graces opérées par l'imposition des mains se voit dans quelques autres bas-reliefs, mais ici elle est plus curieuse peut-être qu'ailleurs, à cause de l'expression des figures : elles paraissent frappées, saisies, par l'inspiration qu'elles reçoivent du rayon lumineux qui vient toucher leurs têtes.

Saint Pierre, reconnaissable à la clef qu'il porte, est le plus rapproché du Christ; sa tête et ses genoux touchent presque aux vêtements du Seigneur.

Nous avons figuré dans le tome IX du Bulletin monumental une esquisse de fresques de Montoire qu'il est bon de rappeler ici. Cette

céleste, tel qu'il est décrit dans le chapitre IV de l'Apocalypse, versets 6 et 7, que nous transcrivons ici :

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En face du trône, il y avait comme une mer de verre semblable à du cristal, et au milieu du trône et à l'entour, il y avait quatre animaux qui étaient pleins d'yeux devant et derrière.

7. Le premier animal était semblable à un lion, le second semblable à un bœuf, le troisième avait le visage comme celui d'un homme, le quatrième était semblable à un aigle qui vole. »

(1) Notes d'un voyage dans le centre de la France, par M. Mérimée.

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