mesurer la hauteur des montagnes. » Cet empressement à connaître l'étendue d'un pays conquis, emportait, pour le propriétaire, colon ou autre, l'obligation de déclarer le nom du fonds, celui de deux des voisins qui le confinaient, et le nombre d'arpents que contenait son domaine. Si c'était une vigne, un verger, il fallait dire combien il y avait de ceps, combien de pieds d'arbres. Quelques tiges venaient-elles à périr ou une portion de terre à s'engloutir, il obtenait un dégrèvement. Mais s'il avait coupé ses vignes ou ses arbres fruitiers, il ne devait pas moins, sous des peines sévères, en accuser le nombre et en acquitter le tribut, à moins qu'il ne justifiât de la nécessité de son opération (1).

Ces indications éclairaient le pouvoir sur la nature du sol, sur les productions qu'il fournissait; et, d'après ces données, on réglait le chiffre des Colonies qu'il devait recevoir, et dont le nombre était subordonné à la quotité du terrain confisqué. Les Colons n'en étaient pas moins tributaires du fisc. Et, si des Colonies obtinrent, à cet égard, leur affranchissement, elles durent cette faveur aux services qu'elles rendirent, surtout dans les temps d'anarchie, aux Empereurs éphémères, qui payaient leur dévoûment par la concession du droit italique, jus italicum. Ulpien

(1) Digest., lib. 1, tit. xv, 3.

cite, comme affranchie, la colonie de Tyr, sa patrie, celle de Béryte, celle d'Emèse, de Palmyre, de Jérusalem, alors appelée Ælia Capitolina, parce qu'elle avait été rebâtie par Adrien, qui lui avait donné son nom. Le Digeste en nomme d'autres en Asie-Mineure, en Macédoine, en Lusitanie, en Afrique, en Gaule et en Germanie, qui jouissaient de ce privilége.

Mais, privilégiés ou non, ces établissements constituaient partout une prise de possession irrévocable; partout ils secondaient la politique et l'esprit d'envahissement de la métropole, et, sentinelles avancées, ils inspiraient de justes alarmes aux peuples encore indépendants. Des députés d'Antium disaient aux villes voisines, pour les engager dans une ligue défensive contre Rome : « Ce ne sont plus des armées, mais des Colonies que le Sénat jette sur nos frontières. Quand les Gaulois virent arriver sur leur territoire les Colonies de Plaisance, de Modène, de Crémone, ctc., ils en furent tellement irrités, qu'ils tournèrent leurs regards vers Annibal, encore occupé du siége de Sagonte. Plus tard, le germain Arminius disait à ses concitoyens : « Si, à des maîtres, à des Colonies nouvelles, vous préférez la patrie, la famille, l'antique indépendance, suivez Arminius qui vous mène à la gloire et à la liberté. » En effet, on pouvait expulser une Colonie de sa position, on pouvait l'exterminer, ce qui arriva souvent au début d'une invasion; mais elle était bientôt remplacée, et les nouveaux colons, ordi

nairement en plus grand nombre, et soutenus par une armée expéditionnaire, obtenaient, de gré ou de force, une complète réparation, et relevaient les murs que leurs prédécesseurs n'avaient pu défendre.

Une Colonie s'abritait toujours dans une enceinte fortifiée, dont la forme était subordonnée à la configuration de l'emplacement. Ici, c'était un carré ou un trapèze; là, une ellipse, un octogone, ou toute autre figure. Des tours s'élevaient, de distance en distance, sur tout le périmètre du rempart. Au milieu était le temple, et, sur un des côtés, à l'intérieur, le principal corps de logis, qui servait de citadelle. A peine ce premier établissement était-il terminé, qu'on s'occupait d'ouvrir des chemins de communication avec le voisinage. Des relations faciles s'établissaient aussitôt entre les Colonies, et, au moyen des voies publiques, elles s'étendaient à toutes les cités importantes. En peu de temps, l'Auvergne et la Gaule furent couvertes d'un réseau de chemins. de toute espèce, via vicinales, viæ militares, etc., tous entretenus aux frais des particuliers et des provinces. La largeur était proportionnée à leur degré d'utilité elle variait, pour les voies publiques, depuis 10 jusqu'à 120 pieds romains. « Aquinum, dit Frontin, colonie ceinte d'un mur, emmenée par les Triumvirs, doit au peuple un chemin de 30 pieds de large. Son territoire, d'une seule étendue, est assigné en limites, »