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et leur confie désormais ses ambitions et ses joies!

M. Nivet s'est beaucoup occupé des sources thermales de nos pays. En 1849, il a publié ses Études sur les Eaux minérales de l'Auvergne et du Bourbonnais. L'auteur passe successivement en revue les questions tant de fois agitées à propos de ces sources dont tout est mystère, le berceau, le mode de formation, la constitution intime et l'action sur notre économie. En pareille matière, innover est rare et difficile. Le voile est épais; malgré bien des efforts, son obscurité persistante a laissé rarement filtrer un rayon de lumière. Si donc les études sur les eaux minérales du Puy-de-Dôme ne nous apportent pas de solutions neuves, elles ont cependant un très-réel mérite, celui de présenter un résumé clair, substantiel et complet des faits et des principes sur ce point de la science.

Il y a peu d'années encore, la présence de l'arsenic fut pour la première fois signalée dans quelques eaux minérales. L'auteur de cette découverte, M. Henry, si je ne me trompe, émit en même temps l'opinion que ce métalloïde se retrouverait probablement dans nombre d'autres sources. Je voulus savoir à quoi m'en tenir pour le Mont-Dore. En 1850, dans une leçon publique au Laboratoire de Clermont, l'essai eut lieu, et l'arsenic fut reconnu dans les dépôts ocreux abandonnés par les caux. Si j'indique ce fait, d'ailleurs assez peu important par lui-même, c'est qu'il

eut pour résultat d'éveiller l'attention de notre laborieux confrère. Bientôt M. Nivet examine à son tour plusieurs sources du département; il y constate la présence de l'arsenic, et publie, en 1850, une note sur cet objet. Donc, le fait reste acquis, un certain nombre de nos eaux contiennent de l'arsenic, ce qui, bien entendu, ne les rend ni plus salutaires, ni plus dangereuses qu'elles ne l'étaient d'abord. M. Nivet, et cette opinion paraît tout-à-fait admissible, attribue à cet agent les bons effets de certaines sources contre les fièvres intermittentes. Pour compléter à cet égard ce bref résumé, je dois rappeler que M. Martial Lamotte publiait, à la même époque, une note sur l'existence de l'arsenic dans un grand nombre d'eaux minérales de l'Auvergne. Avec la plupart des chimistes d'ailleurs, M. Lamotte pense que ce corps s'y trouve combiné au fer, à l'état d'arsénite.

Divers faits précédemment recueillis et des observations plus récentes de M. Nivet induisent à admettre Je développement d'une espèce particulière de goître aigu, parfois même devenant un peu douloureux. Notre confrère en a fait l'objet d'un mémoire publié en 1852, sous ce titre : Du goître estival épidémique et variqueux dans le département du Puy-de-Dôme. Le mal, dans son apparition, semble tout-à-fait indépendant de la nature des eaux, ici calcaires, là magnésiennes, ailleurs diversement minéralisées. Dans certains cas, il a paru se rattacher à l'usage

habituel de l'eau fraîche en boisson, lorsque, par les grosses chaleurs d'été, la transpiration devient plus active. Peu grave, au surplus, sans complications ni conséquences fâcheuses, la maladie cède facilement et en peu de jours aux moyens appropriés, les émollients et les résolutifs. Ce mémoire contient des indications véritablement utiles pour la pratique médicale dans notre pays où se rencontre une disposition bien caractérisée aux affections de cette nature.

Puisque nous parlons du goître, épuisons en une fois ce triste sujet. Il y a quelques années, le gouvernement sarde instituait une commission spéciale pour rechercher les causes du goître et du crétinisme, et les moyens de combattre et de faire disparaître ce double fléau. Ses atteintes, vous le savez, Messieurs, désolent certaines contrées montueuses du Piémont. Cette commission a publié naguères le résultat de ses travaux, et vous aviez remis à M. le docteur Aguilhon le soin de vous en rendre compte. Quelle que soit l'importance de la question, nous ne suivrons pas le laborieux rapporteur dans tous les détails scientifiques parmi lesquels il s'engage. Son résumé vous offre le calque fidèle de l'immense travail de la commission, œuvre qui se distingue par la variété des faits, leur choix judicieux, leur interprétation rationnelle, et par l'ordre logique de l'exposition et des corollaires déduits. En beaucoup de choses, prévenir est moins difficile que remédier. Aussi la commission sarde

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termine-t-elle en indiquant les précautions et les moyens hygiéniques capables de combattre les causes du mal. Surtout elle fait connaître les mesures générales à prendre soit au point de vue de la législation, puisqu'enfin, dans certaines données, le goître et le crétinisme deviennent héréditaires, soit en ce qui concerne le régime de vie et le genre d'industrie à introduire parmi les peuples en proie à ce genre de dégradation lamentable. Définissant, en effet, le crétinisme, la commission le considère comme « une dégénération profonde de l'espèce humaine, dégénération doublement caractérisée par un degré » plus ou moins avancé d'idiotisme, associé à un >> habitus vicié du corps, une cachexie physique, dus » l'un et l'autre à des causes tellement générales, » qu'une partie des indigènes de la contrée atteinte » s'en ressent plus ou moins dans le développement » physique et intellectuel. » En suivant les sages conseils de la commission et avec beaucoup de temps, on pourrait obtenir l'amoindrissement graduel et peut-être l'extinction complète du mal. L'humanité ne serait plus affligée par l'humiliant spectacle de ces malheureux déshérités de la raison, livrés à tous les appétits grossiers de la brute, et dans leur masse informe, dans leur tête volumineuse et tombante, sur leur face hébétée et hideuse ne gardant plus rien de l'homme au front intelligent, au regard éclairé par un rayon de la flamme divine.

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Dans la dernière partie de son Mémoire, M. AguiIhon abandonne la question générale pour traiter plus spécialement du goître assez commun dans certaines régions du Puy-de-Dôme, et de quelques cas de crétinisme sporadique, par bonheur chez nous fort rares. Discutant les opinions émises sur les causes du goître, il démontre, d'une façon pour nous concluante, que le système de M. Grange, qui explique le mal par l'intervention de la magnésie et de ses composés, se trouve en contradiction complète avec les faits, et qu'il reste dès lors inadmissible. Vient ensuite l'opinion de M. Chatin. Cet expérimentateur a démontré la présence de l'iode et des iodures dans les eaux naturelles d'abord, plus tard dans l'air que nous respirons, et enfin dans tous les êtres du règne organique. Tel est le principe. Or, l'iode et ses composés sont des stimulants énergiques. Leur action porte sur l'ensemble de l'organisme dont elle favorise le développement et anime les fonctions. Cette excitation va tout spécialement retentir sur le système général des glandes. Enfin l'iode constitue le remède spécial et efficace du goître. De ces considérations réunies, M. Chatin conclut que le goître est dû surtout à l'usage habituel d'une eau complétement privée d'iode, ou ne le renfermant qu'en proportions insuffisantes. Le rapporteur incline pour cette manière de voir, à laquelle une masse de faits prête une grande probabilité. Ne nous pressons pas trop néanmoins de conclure; la

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