Page images
PDF
EPUB

Ces quelques traits suffiront, assurément, pour faire apprécier les grandes qualités de Louis XII, et justifier le beau titre de père du peuple, qui lui fut décerné à sa mort, et que la postérité lui a confirmé.

Toutes ces choses, Messieurs, vous les saviez comme moi, et si je vous en ai parlé, ce n'a été que pour en venir à cette conclusion: que les hommes dont ce monarque vénéré s'entoura pour l'aider à conduire les affaires de l'État, durent être des hommes éminents, non-seulement par leur capacité, mais aussi par leur désintéressement et leurs vertus.

Je ne reproduirai pas ici dans son entier, la biographie de Rigaud d'Aurelle, que MM. Aigueperse, Gonod et Bouillet ont publiée, je me bornerai à la résumer en très-peu de mots, en y ajoutant, toutefois quelques faits inédits.

Je rappellerai donc que cet illustre Auvergnat, fut aussi habile diplomate que valeureux guerrier ; il servit avec zèle et succès quatre de nos rois : Louis XI, Charles VIII, Louis XII, François Ier. Il combattit vaillamment à la bataille de Saint-Aubin du Cormier, à la tête de cinq cents francs archers d'Auvergne en 1488; accompagna Charles VIII à la conquête de Naples en 1493, en qualité de capitaine de cent hommes d'armes des Ordonnances, et fut fait chevalier au retour de cette expédition. Rigaud d'Aurelle fut tour à tour ambassadeur auprès du grand

maître de Rhodes, Pierre d'Aubusson, en 1482; deux fois en Suisse et en Italie, et enfin, auprès de l'Empereur Maximilien Ier, de 1508 à 1512.

Une circonstance dont ne parlent pas les biographes, mais que mentionne l'historien Audigier, prouve que si Rigaud d'Aurelles avait à la fois négosier et combattre, il n'ignorait pas, non plus, le cérémonial de cour; ce fut lui, en effet, que Louis XII choisit pour aller, avec une brillante suite de seigneurs, recevoir à Savone, Ferdinand le Catholique, roi des Espagnes, lorsque ce monarque y vint conférer avec le roi de France, après la soumission de Gênes en mai 1507.

Les services que Rigaud d'Aurelle rendit dans l'intérieur ne furent pas moins considérables; il y exerça avec fermeté et justice la charge de bailli royal en Auvergne et au pays Chartrain, ainsi que celle de sénéchal en Agenois et en Gascogne, jusqu'à l'année 1515.

Rentré dans la vie privée, Rigaud d'Aurelle revint en Auvergne et fit reconstruire son château de Villeneuve que l'on admire encore comme l'un des plus remarquables de la province. Qu'il me soit permis de faire observer ici que ce manoir que Rigaud faisait démolir pour le réédifier, n'était cependant pas ancien, car Audigier fait connaître l'acte de concession par lequel Jean Ier, duc de Bourbon et d'Auvergne, autorisa Jean d'Aurelle A prendre et occu

:

per les places communes pour accroitre l'hostel de Villeneuve, y édifier murailles, tours, tourelles, cannonières, bombardes, fossés et aultres défenses convenables. Et cette concession n'est pas antérieure à 1400, époque à laquelle Jean de Bourbon épousa l'héritière du duc de Berry et d'Auvergne, et peutêtre même est-elle postérieure à la mort de ce dernier, arrivée en 1416.

D'après une tradition rapportée par M. Gonod, Rigaud d'Aurelle aurait épousé une fille naturelle du roi Louis XII; mais ceci me paraît invraisemblable; et d'abord, on sait qu'il eut deux autres femmes : 1o. Catherine de Rancé ; 2o. Charlotte de Rouy, et puis on ne connaît à Louis XII d'autre enfant illégitime, que Michel de Bucy, élu archevêque de Bourges en 1511, et mort la même année. On ignore, a-t-on dit, l'époque de la mort de Rigaud d'Aurelle; M. Georges de Soultrait l'a cependant fixée au 15 septembre 1517, et si cette date est certaine, ce ne fut point ce seigneur qui reçut le roi François Ier à Villeneuve en juillet 1533; c'est à Maximilien d'Aurelle, son fils, que cet honneur aurait été réservé.

Passons maintenant à l'archevêque, de Sens, collègue de Rigaud d'Aurelle dans sa mission en Suisse ; c'était Tristan de Salazar, évêque de Meaux en 1473, et archevêque de Sens en 1474, successivement ambassadeur en Suisse, en Angleterre et en Italie. Ce prélat, que l'on vit figurer armé de toutes pièces,

à la grande armée de Charles VIII, n'était pas entièrement étranger à l'Auvergne ; il était fils de cet intrépide chevalier espagnol, Jean de Salazar, écuyer d'écurie du roi Charles VII, auquel le dauphin, depuis Louis XI, donna la Seigneurie de Chaudesaigues, en Haute-Auvergne, en récompense de ses brillants exploits contre les Anglais et les Bourguignons ennemis de la France. Tristan de Salazar fit construire, à Paris, l'hôtel connu depuis sous le nom d'hôtel de Sens. Aucun de ses prédécesseurs n'enrichit autant son église et ne défendit mieux ses droits. Il mourut en 1518.

J'arrive, Messieurs, au secrétaire d'État, signataire des Lettres de créance, objet de la présente notice C'était Florimond Robertet, presque compatriote de Rigaud d'Aurelle, car il naquit à Montbrison, c'est-à-dire à trois lieues des limites de l'Auvergne, et à environ quinze lieues du château de Villeneuve. I habita longtemps Riom, où il fut, avec Marillac, Dubourg, Duprat et Forget, au nombre des principaux officiers et serviteurs du duc Pierre de Bourbon et d'Anne de France, sa femme. Florimond Robertet prêta aussi le concours de son patriotisme et de ses lumières aux quatre règnes de Louis XI, Charles VIII, Louis XII et Francois Ier. Les services importants qu'il rendit à ces princes, et le génie supérieur qu'il déploya dans l'exercice de la charge dont il était revêtu, lui méritèrent le surnom

de Père des secrétaires d'État. En effet, c'est sous son administration que cette charge acquit tout l'éclat, toute l'autorité dont on la vit plus tard environnée. Florimond Robertet accompagna Charles VIII à Naples; il conduisit les négociations les plus épineuses, fit les dépêches les plus importantes, prit part au traité conclu avec les Napolitains, puis avec le pape Alexandre VI, avec Ludovic Sforce, duc de Milan, avec la République de Venise, etc., etc. Les historiens de son temps le représentent comme l'homme le plus capable de France, et comme dirigeant toutes les affaires du royaume. La réputation de capacité et probité qu'il laissa à sa mort, porta le roi François Ier à ordonner que son corps fût transporté aux frais de l'État, sur un char funèbre jusqu'à Blois, où il fut inhumé en 1526. Cette ville que j'ai visitée l'été dernier, offre encore quelques souvenirs de Florimond Robertet, entre autres l'hôtel d'Alluye qu'il habita, et à peu de distance au nord de la ville, les ruines du château de Bury qu'il avait fait construire, et qui, après Chambord, fut au xvre siècle, le plus magnifique monument de la contrée.

« PreviousContinue »