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Une famille nombreuse de végétaux vient apporter à l'automne le large tribut de ses curieuses productions. Ce sont les champignons si variés, qui envahissent le sol des forêts, et les transforment en tapis colorés. Dans les lieux où fleurissaient les espèces brillantes du printemps, vous voyez naître, sur le terreau noir formé par la décomposition des feuilles, ces agarics aux formes analogues, dont tous les détails sont différents. Ce sont eux qui dominent sous ces sombres arceaux, et qui déroulent à nos yeux leurs étonnantes variétés. Au premier rang se trouve la délicieuse oronge, dont le large chapeau orangé se distingue de si loin. Tantôt, complétement épanouie, elle montre le jaune doré de ses feuillets; tantôt, enfermée dans une membrane d'une blancheur éclatante, elle découvre seulement le sommet du dôme coloré qui bientôt doit s'agrandir et faire l'ornement des forêts.

Près d'elle se dresse en rivale la fausse oronge, au port élégant, aux lames d'ivoire, et dont le chapeau écarlate est relevé de nombreuses mouchetures blanches.

Ailleurs, on trouve en abondance l'agaric poivré, aux vastes parasols d'un blanc pur, et qui laisse couler de ses blessures un lait corrosif et abondant. Près d'eux croissent les agarics sanguin et émétique, qui offrent toutes les nuances du violet et du carmin. L'agaric rosé est dispersé partout, et de grandes es

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nes et d'adolescents qui conservent dans toute leur Apreté les nervures endurcies de leurs organes foliacés.

Le lierre vient parfois chercher un appui sur cet arbre, qui rivalise avec lui par la durée de son feuillage. Il monte sur son soutien, applique sur son écorce ses griffes puissantes, s'y cramponne et s'efforce d'étendre ses rameaux au delà de ceux de son rival. Comme lui, il adoucit, en vieillissant, les angles de ses feuilles, et seul, à cette époque de l'année, on le voit préluder, par ses bouquets de fleurs jaunâtres, aux fruits noirs qui mûrissent en été, quand tous les autres végétaux sont couverts de leurs fleurs. Quelques insectes, ranimés par les derniers beaux jours, viennent encore bourdonner sur cette parure tardive, et cueillir quelques gouttes de miel avant de se plonger dans leur sommeil hivernal.

Le genévrier ajoute aussi son vert feuillage : c'est le cyprès du nord; ses fruits bleuâtres et parfumés restent souvent cachés sous la neige, comme réserve pour l'oiseau des montagnes pendant la triste saison.

Au milieu de cette verdure persistante, on voit les rameaux allongés du fusain garnis de leurs fruits quadrangulaires; leurs enveloppes de carmin sont ouvertes, et leurs arilles orangées tombent avec les semences qu'elles abritent jusqu'à leur prochaine germination. Le houx et le fusain croissent souvent en

semble, marient leur feuillage et leurs fruits, et luttent inutilement d'élégance et d'éclat. Tous deux ont leur beauté, chacun d'eux a sa nuance de rouge; l'un, rehaussé par du jaune, devient écarlate, et l'autre, adouci par du bleu, rappelle la teinte de la fleur du pêcher ou celle des pétales roulés des fuchsias. La viorme joint à cet ensemble ses bouquets suspendus, l'épine blanche s'est transformée en un arbre de corail, et les nombreux églantiers viennent aussi égayer les buissons par leurs calices charnus et couleur de fcu.

Des mûres bleuâtres se montrent encore près des grappes violacées du sureau ordinaire: elles s'enlacent dans les arbres, et forment d'épais fourrés, où leurs nombreuses espèces acquièrent de grandes di

mensions.

Le chèvrefeuille, qui entoure les arbres de ses longues spirales, apporte son contingent de baies orangées ou vermillon. On le voit envahir l'érable champêtre, dont l'écorce rugueuse offre aux oiseaux un support semblable au liége, et qui dégourdit leurs membres raidis par les premiers froids.

Le vent a depuis longtemps emporté les graines ailées de cet érable, mais l'alisier conserve encore des alises éclatantes, tandis que le sorbier des oiseaux perd chaque jour, au profit des voyayeurs aériens, les baies rouges et succulentes qui font pencher ses rameaux vers la terre.

pèces, dont plusieurs sont sans doute inconnues, dessinent sur le sol des cercles étendus ou des lignes sinueuses, au milieu des peuplades de ce beau groupe de végétaux.

L'agaric à long pied se mêle aux précédents, et partout le vénéneux agaric bulbeux, véritable Protée, se présente sous des aspects divers, jaune ou verdâtre, fauve ou rembruni, offrant en général des couleurs livides et parsemé de pustules plus ou moins rapprochées.

Les bolets sont encore plus répandus que les agarics. Les espèces comestibles sont en majorité; elles atteignent d'énormes dimensions, puis elles s'affaissent putréfiées et remplies des larves des staphylins.

Les bolets orangés montrent, au-dessus des mousses verdoyantes, leurs dômes vivement colorés. La série des bolets indigofères est une des plus communes; ses espèces bleuissent dès que leur chair est froissée. Le jaune blessé devient couleur d'indigo. Avec eux naissent le bolet pernicieux et le bolet marbré, à tubes couleur de sang.

Ces espèces, si belles et si curieuses, qui passent pour vénéneuses, sont loin sans doute d'avoir les propriétés délétères qu'on leur attribue. Elles nourrissent de nombreux mollusques, des limaces et des arions noirs, bruns ou couleur de feu, que l'on rencontre sous l'influence de l'ombre des bois et de l'humidité de l'atmosphère.

Chaque pas que l'on fait dans ces lieux nous montre les nouvelles richesses de cette flore éphémère, dont un seul jour voit parfois naître et mourir les fugaces ornements. D'autres vivent plus longtemps; le bolet oblique, d'un rouge vineux et verni, habite plusieurs années la même souche, et les bolets frangé et bisannuel ornent aussi le sol de leurs disques durables et veloutés.

De grands espaces sont couverts de pezize, corne d'abondance; ses tubes rembrunis, évasés par en haut, lui ont donné son nom; ils s'alignent en élégantes séries, au milieu des hypnes toujours verts, et contrastent avec la chanterelle orangée si commune dans les mêmes localités. Les bois sont alors de vrais jardins fleuris.

La clavaire coralloïde y prend les nuances les plus variées, depuis le gris et le fauve jusqu'au chamois et à l'orangé, depuis le blanc rosé jusqu'à la teinte presque pure du vermillon.

Les lycoperdon, semblables à des bourses ovoïdes remplies de poussière, forment de longues traînées sur la terre ou sur la souche des vieux arbres.

Sur les bords des sentiers, on voit de loin la magnifique pezize écarlate, dont les coupes enflammées répandent aux alentours des nuages de séminules.

Des champignons charnus, fauves ou chamois, paraissent çà et là en groupes presque enterrés. Ce sont des hydmuns comestibles, avec leurs chapeaux garnis

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