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LES JEAN LIMOSIN

EMAILLEURS

JEAN 1, né vers 1561 † de 1602 à 1810.

JEAN 11, né vers la fin du xvie siècle (?), vit en 1610, 1619, 1623, 1646 (?) JEAN III (?) vit en 1679.

Les nombreux émaux du Musée du Louvre, de la fin du XVIe et du commencement du XVIIe siècle, signés Jehan Limosin ou d'un I et d'un L séparés quelquefois par une fleur de lis, sont tous catalogués sous le nom d'un seul et même artiste. Il a été, du reste, jusqu'ici d'usage général d'attribuer à un même auteur, sans distinction, tous les émaux de ce genre portant la signature ou le sigle ci-dessus.

M. Maurice Ardant avait, il est vrai, tenté autrefois de discerner parmi ces ouvrages la main de deux artistes du même nom, le père et le fils (1); mais il avait pour ainsi dire procédé d'intuition, sans méthode et surtout sans point de départ certain, comme nous le verrons bientôt. Aussi, après lui, tout en ayant connaissance des textes qu'il avait publiés et d'où il résulte qu'au moins deux et peut-être trois Limosin du prénom de Jean ont été émailleurs, MM. Jules Labarte, Darcel et Molinier (2), qui font surtout autorité dans la matière, ont abandonné la distinction qu'il avait cherché à établir, sans la justifier, et ont réuni sous un seul de ces noms d'émailleurs tous les travaux sortis des ateliers des Jean Limosin.

(1) Les Limosin, Limoges, 1859.

(2) La Notice de M. de Laborde était antérieure au travail de M. Maurice Ardant.

Nous-même (1), nous avions, sous toutes réserves, attribué récemment à un Jean II Limosin un émail qui, par son aspect et sa date (1622), nous avait semblé devoir être l'ouvrage ou de Jean II ou d'un élève et continuateur de Jean I Limosin (mort avant 1610). Nous verrons plus loin que c'est la seconde de ces suppositions qui doit seule être exacte.

Nous pouvons décrire aujourd'hui trois pièces et en citer quel.ques autres qui sont positivement l'œuvre d'un Jean Limosin, émailleur après 1622, lequel porte déjà ce titre en 1610, produit au moins depuis 1615 et peut avoir travaillé encore longtemps après la première des dates indiquées (1622); il est toujours appelé émailleur dans un acte de 1628 (2) et on peut le supposer encore vivant en 1646 (3). Cet artiste est évidemment distinct du Jehan Limosin, émailleur, son père, mort avant 1610 et dont il possède la maison à cette date (4) dans la rue Manigne. Nous verrons tout-à-l'heure, que les travaux du Jean Limosin dont nous nous occupons principalement ici, et que nous appellerons Jean II, diffèrent essentiellement comme aspect du reste, soit de la presque totalité de ceux que l'on groupe généralement sous le nom d'un seul et même Jean Limosin. Les monuments viendront corroborer les textes d'une façon précise.

Mais avant d'aller plus loin, tâchons d'établir clairement quels sont, parmi les Jean Limosin, ceux auquels nous allons attribuer ces deux séries distinctes d'ouvrages.

Les classifications faites jusqu'ici sont basées sur les documents fournis en 1859 par M. Maurice Ardant (5), documents que coordonna un peu plus tard M. Jules Labarte dans son Histoire des

(1) Les Émaux peints à l'Exposition rétrospective de Limoges en 1886. - Limoges, Ducourtieux, 1888.

(2) Voir Inventaire sommaire des archives départementales, par M. Leroux, archiviste du département. Ve fonds, B. 3: « reconnaissance faite aux bayles de la confrérie de Notre-Dame de la Conception ou de Saint-Laurent-des-Trépassés, d'une maison sise an Puy-Ponchet, ayant appartenu au curé de Saint-Bonnet et de présent à Jean Limousin, me émailleur, sous le devoir de 3 sols deniers de rente, 1628 »>.

(3) Voir M. Maurice ARDANT, Les Limosin; et LABARTE, Histoire des Arts industriels au moyen-âge et à l'époque de la Renaissance, t. IV, Emaillerie, article des derniers Limosin.

(4) M. Maurice ARDANT, Les Limosin, p. 4.

(5) Émailleurs limousins, Les Limosin.

Arts industriels du Mogen-âge et de la Renaissance, parue en 1866 (1). En 1867, M. Darcel emploie ces indications dans sa Notice des émaux du Louvre, et M. E. Molinier, tout récemment, les reproduit à peu près dans son Dictionnaire des émailleurs.

Voici les hypothèses établies par ces différents auteurs. Dans des contrats passés en 1554 et 1555 devant les notaires Albiat et Pénicaud, figure un Jean Limosin qui y reconnaît l'obligation de payer une rente foncière sur un domaine du Puy-Ponchet. Ils en concluent que Jean étant alors majeur, devait être né au plus tard en 1528, d'où cette date de 1528 indiquée dans tous les tableaux généalogiques donnés jusqu'ici. Ce Jean Limosin a, dès 1561, un fils du même prénom que lui qui paierait encore la même rente en 1628. Lui-même est inscrit en 1602, au rôle des tailles, canton du Marché, pour neuf livres, une des plus fortes cotes. Il meurt avant 1610, puisqu'à cette date, son fils qualifié « émailleur » possède la grande maison de feu son père, rue Manigne. Ce Jean I Limosin, ne portant pas dans les actes le même titre que son fils, ne se serait point adonné à l'émaillerie, d'après M. Darcel, quoique M. Maurice Ardant lui ait attribué (sans justification) quelques émaux. On suppose, d'après ce qui vient d'être dit ci-dessus, que Jean II, fils du précédent, serait né vers 1561. Il est dit « émailleur » et aurait produit notamment le portrait de Bardon de Brun, du cabinet de M. Germeau, daté de 1597 (2) et la girouette de l'église de Solignac datée de 1619 et signée JEHAN LIMOSIN, ESMAILLEUR DU ROY, I fleur de lis L; il aurait encore vécu en 1646, époque à laquelle il payait la moitié d'une rente due aux prêtres communalistes de Saint-Michel, sur la maison de la rue des Pousses qui avait appartenu à Léonard I. C'est à ce Jean Limosin que les auteurs que nous

(1) Voir t. IV, pp. 124 et 125 notamment. Pour établir la filiation des deux Jean Limosin dont nous nous occupons, il y renvoie aux Limosin de M. Maurice Ardant, p. 4, où il faut lire évidemment à la ligne 26 au lieu de Léonard devait être né vers 1533 », « Jean devait être né vers 1533 ». M. Labarte ne l'explique point, mais on voit qu'il l'a lu ainsi. C'est, en effet, par une erreur involontaire de transcription que M. Maurice Ardant, qui parle tour à tour ici de Léonard et de Jean Limosin, aura écrit « Léonard » au lieu de « Jean », erreur qui lui aura échappé dans la correction des épreuves. Il avait déjà écrit, en 1854, la biographie de Léonard I Limosin où il disait avec raison que ce dernier avait dû naître vers 1505, et il connaissait l'émail de M. Taillefer, Adam et Eve chassés du Paradis terrestre, signé et daté L. L. 1534. (2) M. DARCEL, Notice des émaux du Louvre, p. 17”.

venons de citer attribuent indistinctement tous les émaux de la fin du xvie et du commencement du XVIIe siècle portant un I et un L séparés quelquefois par une fleur de lis ou la signature entière; sous son nom seul sont réunis tous les émaux de ce genre du musée du Louvre et de toutes les collections en général. Un Jean III Limosin, fils de ce dernier, et émailleur comme lui, est enfin dit en 1678, acquéreur de l'auberge de La Poire, rue Pont-Hérisson; il possède toujours le domaine de famille du Puy-Ponchet.

Nous devons admettre l'existence du Jean Limosin, chef de famille, né vers 1528, puisqu'elle est authentiquement prouvée par les contrats de 1554 et 1555; mais, comme il ne porte pas le titre d'« émailleur », que le premier émail à date certaine, signé I fleur de lis L, le portrait de Bardon de Brun, ne remonte qu'à 1597 et que tous les émaux des Jean Limosin, sans exception, se rapportent rigoureusement par leur aspect à l'extrême fin du xvie et aux premières années du xvIIe siècle, comme nous le verrons plus tard, nous en concluerons comme M. Darcel que ce premier Jean n'a pas été émailleur. En tout cas, aucun de ses travaux ne nous serait connu, même d'une façon dubitative. De plus, nous pensons qu'il ne s'agit pas de lui dans la mention de décès de 1610. On peut supposer vraisemblablement qu'il mourut au xvie siècle. Pour ces diverses raisons, nous ne lui donnerons pas le titre de Jean I, que nous réservons pour son homonyme qui va suivre, le premier émailleur de ce nom (1). Inutile de désigner directement parmi les émailleurs des membres de leur famille qui n'ont pas exercé cet art.

Nous nous séparerons ici nettement des auteurs ci-dessus quant à l'attribution de l'universalité des émaux signés I fleur de lis L, ou analogues, au Jean II Limosin de MM. Labarte et Darcel, et quant aux dates d'existence assignées à cet émailleur (1561-1646). En effet, il est incontestable, en présence des émaux que nous allons décrire tout-à-l'heure, que la masse des travaux attribués jusqu'ici à un seul et même Jean Limosin, doit être scindée en deux parts, dont l'une, de beaucoup la plus forte, comprend par exemple, au Louvre, les grands plats d'Esther et Assuérus, la femme d'Urie, l'Enlèvement d'Europe, etc., bref tous les numéros du catalogue de D. 382 à D. 391 (2) et à l'Exposition de Limoges les

(1) Dans la généalogie que nous avons donnée aux Émaux peints à l'Exposition rétrospective de Limoges en 1846, nous ne faisons pas figurer ce Jean Limosin, et Jean I est celui qui va suivre.

(2) Sous réserve des observations que nous émettons plus loin, quant aux nos D. 390 et D. 391.

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