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Le tome I des Lettres de Peiresc aux frères Dupuy vient de paraître par les soins de M. Tamizey de Larroque. Nous n'y avons glané que quelques détails sans grande importance pour notre histoire provinciale :

P. 661, sous la date de 1627, la preuve que Peiresc était en correspondance avec le chanoine Decordes;

P. 662, sous la date de 1628, la mention de cette prétendue reine d'Angleterre, dont parle Bonaventure de Saint-Amable (Annales, 836) (1), qui exploitait les bounes ames en se disant persécutée comme catholique par le roi d'Angleterre. M. Tamizey de Larroque avait déjà rappelé dans ses Correspondants de Peiresc (fasc. I, p. 9) une lettre du temps mentionnant « certaine relation qui se promène icy [à Agen] de la procédure qui a esté faicte à Limoges contre une extravagante, soy-disant reyne d'Angleterre, qui a esté depuis quelques jours, à ce qu'on nous dit, pour sa folle supposition, condamnée au fouet. »>

Notre collègue, M. Emile Du Boys, vient de publier une instructive notice sur l'un de ses ancêtres, Siméon Du Bois (2), l'humaniste bien connu de la fin du xvIe siècle. On trouvera d'utiles compléments à cette notice dans un article de M. P. de Nolhac, publié par la Revue critique d'histoire et de littérature, 1889, p. 311.

Bonneval-Pacha a trouvé, il y a une cinquantaine d'années, un nouveau biographe, qui n'a point été signalé chez nous : l'allemand Frédéric Bulau, l'auteur des Personnages énigmatiques. Cet ouvrage a d'ailleurs été traduit en français, en 1861, par M. Duckett.

(1) D'après la Chronique de Pierre de Razès, comme nous le montrerons dans notre étude sur les Annales françaises de Limoges.

(1) Un magistrat érudit du XVIe siècle : SIMEON DU BOIS, 1531-1581, lettres inédites.- Chartres, Durand, 1888, in-8° de 40 pp. Tiré du Bulletin du Bibliophile.

Le rôle et les desseins du duc de Bouillon, pendant le séjour qu'il fit à Turenne, au cours de la Fronde, sont loin d'être pleinement éclaircis. Nous emprunterons quelques détails nouveaux à un curieux libelle du temps dont voici le premier titre :

La descharge des seaux (sic) du chancellier de France et remise entre les mains de Mr de Chasteau-Neuf. Et la déclaration du duc de Bouillon touchant sa fidelité au service du roy. A Paris, MDCL. Le titre de départ est un peu différent :

L'Aubépin refleury au mois de mars, ou le restablissement de Monseigneur de Chasteauneuf en la charge de garde des sceaux. Et l'obeissance des illustres sujets à la declaration du duc de Bouillon, touchant sa fidelité au service du roy.

Plaquette gr. in-8° de six pages chiffrées, plus le feuillet liminaire. A la fin A Paris, de l'imprimerie de la vesve Coullon, le 5 mars 1650.

Or, à la page 5 et 6, on lit ce qui suit:

Depuis l'emprisonnement des princes, quelques grands du royaume s'estans retirez de la cour, avoient donné quelque pensée de la fidelité de leur service toutefois, il paroist de jour en jour que leur absence n'a donné qu'une fausse presomption de leurs volontez. Le duc de Bouillon principalement, qui, pour quelques affaires domestiques, s'en estoit allé dans quelques-unes de ses terres, a, cette semaine dernière, escrit expressement au duc d'Espernon, qu'il n'est entré dans la vicomté de Turennes que pour y servir le Roy, comme il doit et veut faire en qualité de fidele et bon sujet. Ce qu'il a encore confirmé par une declaration qu'il en a fait, à Brive-la-Gaillarde, devant les juges et officiers du Roy de cette ville, protestant qu'il n'a aucune intention qui soit éloignée de son devoir, et moins encore de la passion qu'il a toujours conservée pour le bien de l'Estat et utilité du royaume.

Après cette declaration, faite publiquement, le dit seigneur duc de Bouillon a envoyé un gentilhomme vers leurs Majestés les asseurer de son obeissance, offrant de donner telle asseurance de sa parole qu'il plaira au Roy, n'ayant près de soy que ses domestiques, ainsi qu'il les avoit cydevant estant à Paris.

En 1841, M. Villemain, alors ministre de l'instruction publique, fit entreprendre le catalogue général des manuscrits conservés dans les bibliothèques des départements. Le tome I, format grand in-4°, parut en 1849; deux autres suivirent sous l'Empire. Mais, dès 1861, on trouva bon de laisser dormir dans les cartons du

Ministère de l'Instruction publique les catalogues envoyés par des savants de province. Heureusement la publication a été reprise sous la troisième République. De 1872 à 1885 ont paru quatre volumes grand in-4°; cinq autres de 1886 à 1889 dans le format in-8°, reconnu plus commode et moins dispendieux. Dans le tome IV de cette nouvelle collection figurent les manuscrits des bibliothèques de Brive et de Guéret, soigneusement identifiés et décrits par M. J. de Fréminville. Ils proviennent les treize conservés à Brive, de l'ancien collège des Doctrinaires de cette ville; les vingt-trois conservés à Guéret, en partie de l'ancien prieuré d'Evaux. Mais ancun d'eux n'offre un réel intérêt historique, ni par la date ni par le contenu.

Tout au contraire, parmi les trente-neuf manuscrits de la bibliothèque communale de Limoges, dont le catalogue a pris place dans le tome IX de la nouvelle collection par les soins de M. Louis Guibert, il y a quelques raretés: un manuscrit du XIIe siècle qui contient les œuvres de saint Jérôme, d'Eusèbe, de Prosper d'Aquitaine, d'Isidore de Séville; une vulgate du XIIIe siècle; puis de beaux livres liturgiques des XIII, XIV et XVe siècles, provenant des anciens monastères du diocèse; la curieuse chronique latine de Gérald Tarneau, notaire de Pierrebuffière, rédigée au commencement du xve siècle; enfin le fameux manuscrit dit de 1638 qui contient l'un des plus anciens essais d'histoire du Limousin par Jean Bandel.

Néanmoins, tout cela est peu de chose au total. D'autres villes, beaucoup moins importantes que Limoges, comme Troyes, Nîmes, Saint-Omer, Laon, Arras, Metz, Verdun, Douai, Bourges, La Rochelle, comptent leurs manuscrits par centaines. Nous n'en devons pas moins être reconnaissants à MM. de Fréminville et Louis Guibert d'avoir pris la peine de nous décrire aussi soigneusement ce qui subsiste en Limousin.

Vient de paraître Inventaire des archives départementales de la Haute-Vienne, série E supplément Archives communales. Tome I comprenant les archives de Saint-Junien, Rochechouart, Limoges (complément), Eymoutiers, le Dorat et Bellac. In-4° de xxx303 pages (1).

(1) Librairie V° Ducourtieux, Limoges.

A. L.

CHRONIQUE

NANTIAT.

Le 23 mars 1888, en nivelant l'emplacement sur lequel était autrefois l'église paroissiale de Saint-Vincent de Nantiat, la pioche des terrassiers a fait sortir de terre un cœur en plomb qui était à une profondeur de 0,50 centimètres. Tout auprès, on a recueilli quelques débris d'étoffe de soie, et un peu plus loin une petite urne en terre cuite. Ces trois objets ont été déposés à la mairie.

Averti par M. le juge de paix du canton, je suis allé les étudier sur place et rechercher les indications pouvant aider à découvrir la date de cette sépulture et le nom de la personne inhumée.

L'urne ne fournit aucun élément pour la solution du problème. Elle a été trouvée à quelque distance des autres objets et ne présente rien de particulier. J'en ai recueilli de semblables dans tous les cimetières de la contrée et en ai déposé de différentes formes ou musée céramique de Limoges. Dès le XIIIe siècle, jusqu'à la fin du siècle dernier, les religieuses populations de ces contrées avaient l'habitude de les mettre, remplies d'eau bénite, dans la tombe des défunts, au jour de leurs funérailles. Celle-ci a 0,20 centimètres de hauteur, elle est pourvue d'une anse et d'un goulot et recouverte d'un émail vert.

Le cœur est en plomb. On ne peut pas le considérer comme une œuvre d'art, car il est tout uni et ne porte aucune trace de sculpture ou de gravure; mais il n'a rien de grossier et il reproduit parfaitement la forme du cœur humain. Sa hauteur est de 0,19 centimètres; il en mesure 0,21 dans sa plus grande largeur. Il est formé de deux valves, qui ont été soigneusement soudées ensemble, après avoir reçu dans leur cavité le cœur humain à conserver.

Un coup de pioche y a fait une ouverture par laquelle sortait une odeur de baume. On l'a ouvert en séparant les deux valves, au point de jonction où elles avaient été soudées. C'est alors qu'on a trouvé à l'intérieur un cœur embaumé et parfaitement

conservé. Pour avoir la certitude que c'était bien un cœur naturel, on l'a coupé en deux.

Il y avait plus de huit jours qu'il était ouvert lorsque je l'ai examiné. Je n'y ai découvert aucun signe de décomposition. C'est bien véritablement le muscle formant le cœur humain. Il est toujours flexible au toucher, et n'est nullement desséché. Il a pris une couleur de terre ferrugineuse. Je remarque la ressemblance parfaite qu'il a, pour la couleur, avec celui de la Bienheureuse Marie-Marguerite, que j'ai vu dans la chapelle intérieure du monastère de Paray-le-Monial, conservé dans un cœur en cristal et qui date de 1690.

Cet usage d'ensevelir séparément le cœur était assez répandu dans nos contrées. On pourrait en citer un bon nombre d'exemples, depuis Richard-Coeur-de-Lion, mort en 1199, dont le corps. fut inhumé à Fontevraud, auprès de son père Henri II, le cœur dans l'église de Notre-Dame de Rouen, et les entrailles dans l'église du château de Châlus, où il avait été blessé mortellement.

On a publié, il y a peu de jours, le testament de Joseph Aubusson, curé de Bourganeuf en 1749. C'est le plus curieux. exemple connu de la séparation des diverses parties du corps dans les sépultures. Par ce testament, il veut que sa tête soit ensevelie au grand portail de l'église de Saint-Jean, son estomac à la porte de la chapelle de l'hôpital, sa main droite dans la chapelle de Notre-Dame du Puy, la gauche dans la chapelle des pénitents bleus, son pied droit dans la chapelle du Pont-dela-Roche, le gauche dans la chapelle des pénitents blancs et le reste de son corps dans le cimetière.

Mais revenons à la sépulture de Nantiat.

J'ai tenu à constater dans quelle partie de l'église avait été placé ce cœur. Or, d'après quelques indications, fournies par des documents et quelques débris de l'ancien monument, je ne crois pas me tromper en assurant que cette église était de construction romane et datait du x1o ou du XIe siècles. Ses matériaux ont servi à construire l'église actuelle, bénite en 1833. Sur son emplacement, on voit encore une de ces vastes cuves baptismales qu'on trouve dans quelques rares églises. Elle a 3 mètres 40 centimètres sur un côté et reproduit exactement les formes de celle qui est conservée dans l'église du Dorat et qui date du xre siècle. Le plan cadastral faisant aussi connaître l'orientation et la disposition de cette église, je constate que ce cœur a été trouvé dans le sanctuaire, auprès du maître-autel, du côté de l'épître.

T. XXXVI.

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