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MONUMENTS HISTORIQUES

RAPPORT DE LA COMMISSION (1) chargée d'examiner à nouveau la liste des Monuments Historiques et de dresser la nomenclature des objets mobiliers auxquels il y a lieu d'appliquer les articles 8 à 13 de la loi du 30 mars 1887.

En 1873, la Société a été appelée à signaler au Gouvernement ceux des édifices anciens de la Haute-Vienne qui paraissaient, en raison de leur antiquité ou de leur caractère artistique, devoir être compris au nombre des monuments protégés par une législation spéciale et méritant au plus haut degré d'appeler la sollicitude de l'État. Rapporteur de la Commission chargée de dresser ce travail (2), je ne crois pas inutile d'en remettre sous vos yeux les conclusions, au début du nouveau rapport qu'à quinze années d'intervalle je suis appelé à vous présenter.

Nous demandions-la Commission était composée de MM. l'abbé Arbellot, président de la Société; Boulanger, architecte; Louis Guibert; l'abbé Lecler; Nivet-Fontaubert et le chanoine Tandeau de Marsac que la nomenclature des monuments classés s'enrichît de quelques édifices dignes à divers titres d'y figurer, et dont l'absence, sur cette liste, ne s'expliquait point.

Il ne paraît pas avoir été tenu compte de ces propositions; celles-ci nous semblaient pourtant répondre à la pensée qui avait inspiré la circulaire ministérielle réclamant ce relevé à l'autorité administrative et à la Société archéologique. L'insuffisance des crédits affectés à la restauration et à l'entretien des édifices classés a peut-être été la seule raison pour laquelle nos propositions n'ont pas été accueillies; nous devons donc profiter de toutes les occasions pour les rappeler, les reproduire et y insister.

(1) Cette commission se composait de MM. le chanoine Arbellot; Louis Bourdery, peintre émailleur; Ch. Geay, architecte, inspecteur des édifices diocésains; Louis Guibert; l'abbé Lecler; Ch. Nivet-Fontaubert, et Jules Tixier, architecte.

(2) Séance du 20 décembre 1873. Ce rapport se trouve inséré au t, XXII, p. 165 du Bulletin de la Société.

En second lieu, nous adressions au Gouvernement une demande instante pour la prompte restauration de l'église collégiale de Saint-Léonard, - du clocher en particulier, et de l'abbatiale de Solignac. Ces deux églises, qui figurent sur la première liste des monuments classés, étaient, il y a quinze ans, dans un état de délabrement de nature à inspirer à tous les amis de l'art, de l'archéologie et des souvenirs historiques, les plus sérieuses inquiétudes.

Sur ce point, il a été donné, dans une certaine mesure, satisfaction à notre requête. Après l'achèvement des travaux de réparation exécutés aux églises du Dorat et de Saint-Yrieix, le service des Monuments historiques a fait rebâtir en partie le beau clocher de Saint-Léonard (1), — et la nef, le transsept et l'abside de Solignac ont été l'objet de travaux de consolidation et d'assainissement devenus d'une urgence absolue.

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Malheureusement, pour quelques édifices, la situation a empiré : elle est telle, pour la collégiale de Saint-Léonard, par exemple, que l'Etat doit s'en préoccuper sans retard, sinon nous sommes menacés de voir avant longtemps ce précieux spécimen de l'architecture romane, avec son intéressant vaisseau et son rare baptistère, tomber en ruines au pied du clocher reconstruit.

Pour effectuer les travaux nécessaires, indispensables, il faut de l'argent, beaucoup d'argent. Pour prononcer le classement des édifices qu'il est d'un réel intérêt de conserver, de signaler tout au moins à l'attention, à la sollicitude des autorités locales et des populations, il n'est pas besoin de ressources et de crédits. Quelle que soit la situation financière, on peut obtenir du Gouvernement tout au moins la reconnaissance, la proclamation de la valeur de ces édifices; ce sera pour eux une première garantie, une première sauvegarde. Répétons-le la Haute-Vienne possède un certain nombre de monuments d'un haut intérêt qui ne sont pas encore déclarés « monuments historiques », et que nous devons nous efforcer de faire comprendre dans la nomenclature de ces édifices privilégiés, ne dussent-ils, de 'ce classement, retirer de longtemps d'autre avantage que la possession d'un titre.

D'après le dernier relevé des Monuments historiques mis à notre disposition, le département possède seulement neuf églises ou châteaux qui aient été jugés dignes d'y figurer. Ce sont :

(1) La Société a concouru, par une souscription de cent francs, à la dépense de ces travaux; elle avait antérieurement voté une allocation de mille francs pour la continuation de la Cathédrale.

1o Les ruines du château de Châlucet (propriété particulière)(1): 2o L'église du Dorat (propriété communale);

3o L'église cathédrale de Limoges (propriété de l'Etat);
4o Le château de Rochechouart (propriété départementale);
3o L'église de Rochechouart (propriété communale);
6o L'église de Saint-Junien (propriété communale);
7° L'église de Saint-Léonard (propriéte communale);
8° L'église de Saint-Yrieix (propriété communale);
9° L'église de Solignac (propriété communale).

L'église de Rochechouart, nous le faisions déjà remarquer il y a quinze ans, n'a pu être introduite dans cette liste que par l'effet d'une erreur, ou plutôt à la faveur de condescendances administratives remontant à bien des années. Il s'agissait, sans doute, de faciliter l'allocation d'un crédit sollicité du Gouvernement pour la réparation de cette église. Celle-ci a, croyons-nous, bénéficié de ce caractère officiel de monument historique dans le passé. Comme elle ne pourrait en bénéficier, dans l'avenir, qu'au détriment d'autres édifices plus intéressants à tous égards et plus précieux qu'elle, nous croyons devoir demander de nouveau sa radiation de la liste des monuments historiques. Elle n'a aucun titre à y figurer.

Par contre, nous sollicitons de nouveau, et avec instance, l'adjonction, à la nomenclature officielle, des édifices ci-après :

1° Eglise d'Eymoutiers, XIe au XVe siècles - propriété communale, dont le classement est demandé depuis 1841: la valeur exceptionnelle de ses vitraux suffirait à la signaler à l'attention toute particulière du Gouvernement.

2o Eglise du Chalard,

· XIe et XIIe siècles propriété communale. Classement demandé en 1873, et depuis, en 1885, par M. Geay, à trois inspecteurs généraux: MM. Ruprich-Robert, Bruyerre et Lisch (2).

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3o Eglise de Châteauponsac, édifice du x siècle, récemment réparé; plan curieux, abside intéressante; débris antiques utilisés dans la construction. Propriété communale. Classement demandé depuis 1847.

4o Clocher de l'église de Saint-Pierre de Limoges, XIVe siècle type intéressant et heureusement proportionné des clochers limousins de grandes dimensions. Propriété communale. Classement demandé en 1873.

(1) Châlucet appartient à M. Ch. de Thézillat, ancien préfet.

(2) Bien que l'édifice n'ait pas été classé, le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts a alloué, il y a peu d'années, un crédit pour des réparations exécutées à l'église du Chalard.

5° Château de Montbrun, XIIe au XVe siècles.

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XIe et XIe siècles

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réparé. Propriété particulière (1). Classement demandé en 1873. 6o Eglise des Salles-La-Vauguyon, priété communale. Classement demandé depuis 1847. 7° Tours de Châlus, XIIe et XIIe siècles propriété particulière (2). Classement déjà plusieurs fois demandé.

8° Chapelle gothique de Notre-Dame-du-Pont, à Saint-Junien.

Nous désirerions aussi le classement de quelques monuments mégalithiques. Bien qu'ils appartiennent à des particuliers, ils ont le caractère d'immeubles et peuvent par suite être compris dans ce classement, aux termes de l'article 3 de la loi du 30 mars 1887. Nous signalerons plus particulièrement les suivants :

Dolmen et petit menhir de Cognac, près Saint-Laurent-surGorre (dessin à l'Album de Tripon).

Menhir de Villemonteys, près Bujaleuf.

Menhir de Cinturat, commune de Cieux.
Dolmen de Bagnol, commune de Fromental.
Dolmen de Borderie, commune de Berneuil.
Dolmen de Poujol, près Eybouleuf.

Dolmen de La Roche-l'Abeille.

Le classement est le seul moyen d'assurer la conservation de ces monuments. La même mesure devrait être prise à l'égard des restes de Courbefy et des camps de Saint-Denis-des-Murs et du Grand-Fà, près Magnac-Laval.

Il est une catégorie de petits monuments qui ne sont pas, à proprement parler, particuliers au Limousin, mais qu'on ne trouve en aucune contrée de l'Europe aussi répandus, aussi caractérisés, et sur lesquels il nous paraît indispensable d'appeler d'une manière toute spéciale la sollicitude du Gouvernement avec son attention. Lui seul peut efficacement intervenir, auprès des maires peu instruits ou peu soucieux de la conservation des restes archéologiques, pour empêcher la destruction de ces petits édifices, presque tous propriétés des communes, et dont un certain nombre déjà ont disparu. Nous voulons parler des fanaux funéraires, souvent désignés sous le nom de « Lanternes des morts », et qui ont été tout spécialement étudiés par notre laborieux et érudit confrère, M. l'abbé Lecler, curé de Compreignac (3).

(1) Ce château appartient à MM. de Labonne.
(2) Propriété de M. le Comte de Bourbon-Busset.
(3) A. LECLER, Les Fanaux en Limousin.

Limoges, Chapoulaud,

1863.
A. LECLER, Etudes sur les Lanternes des morts.
Ducourtieux, 1882; 2 broch in-8°.

Limoges,

Il n'y a pas bien longtemps, le département de la Haute-Vienne possédait encore dix au moins de ces édicules, appartenant presque tous aux XII, XIII° et xive siècles. C'étaient :

Arrondissement de Bellac:

Le fanal de Saint-Amant-Magnazeix (carré);

Celui de Saint-Barbant (octogone);

Celui de Montrol-Sénard (base carrée, transformée en chapelle par l'aveuglement des arcades);

Celui d'Oradour Saint-Genest (octogone);

Celui de Rancon (rond).

Arrondissement de Rochechouart :

Celui de Cognac (carré);

Celui d'Oradour-sur-Glane (carré);

Celui de Saint-Victurnien (carré).

Arrondissement de Saint-Yrieix:

Celui de Coussac-Bonneval (octogone);

Celui de Vicq (carré, surmontant la chapelle de l'ancien cimetière). Ce dernier vient d'être jeté par terre, malgré l'intervention de la Société archéologique. Celui de Coussac-Bonneval, qui est un des types les plus caractéristiques et les plus complets de ce genre de monuments, tombe aujourd'hui en ruines. Le Conseil municipal, sollicité par la Société archéologique et l'Administration préfec torale, qui a bien voulu prêter son concours à nos vues, a déclaré ne pas avoir, quant à présent, de ressources disponibles pour faire restaurer ce précieux spécimen de nos anciens fanaux funéraires. Votre Bureau, désireux de conserver ce monument, a proposé d'entreprendre lui-même cette restauration, dont consentirait à se charger M. Jules Tixier, architecte, un de nos plus zélés confrères. La Société en ferait tous les frais; mais à cette offre, que nous avons prié M. le Préfet de la Haute-Vienne de vouloir bien transmettre à l'Administration et au Conseil municipal de Coussac, nous avons cru devoir mettre une condition expresse : la cession de la propriété de l'édicule à la Société archéologique ou au Département (1).

(1) Cette proposition a été acceptée le Conseil municipal de Coussac par une délibération du 12 août 1888, approuvée par l'Administration préfectorale, a cédé à la Société archéologique la propriété du fanal, à la condition de réparer le petit monument et de l'entretenir en bon état.

Nous pouvons ajouter que nous nous sommes rendus tout récemment à Coussac, avec MM. Jules Tixier et Paul Ducourtieux, pour constater l'état du monument et dresser le devis des réparations à exécuter,

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