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2. En 1879, M. Godard-Faultrier a lu aux réunions de la Sorbonne un mémoire sur les fouilles faites à Angers, place du Ralliement, dans un ancien cimetière. Je constate, mentionnée au procès-verbal, « une croix latine de commémoration, en plomb, trouvée dans un sarcophage et sur laquelle reposait la tête d'un squelette. On y lit une inscription oxydée et, partant, d'une lecture difficile; M. Godard-Faultrier y a cependant déchiffré ce qui suit:

ANNO
MIXVII

AB INCAR

N

ECCLESIÆ CA

QVI DV[m] VI[xit]
PAVP.... » (1).

Je crois la date fautive I avant X indique la suppression d'une unité, ce qui est inadmissible, vu la finale VII. Je proposerais donc de lire MLXVII, de manière à fixer la date de cette croix à l'an 1067.

D'après les analogues, après le millésime vient la constatation du décès par le verbe obiit, puis le nom du défunt, suivi de son qualificatif. Or ce fut un chanoine, puisque le cimetière avoisinait les églises collégiales de Saint-Mainbœuf et de Saint-Maurille; on peut donc lire: hujus ecclesiæ canonicus.

D'autres inscriptions du moyen-âge permettent de compléter le sens de la dernière ligne, qui peut s'interpréter Pauperibus largus, pauper ipse factus.

M. Godard reprend ainsi la question dans une autre publication (2):

<< La quatrième planche représente grandeur nature (0,26 de

sulte de cette inscription que le lieu de sépulture primitif de ces corps se trouvait dans l'ancien choeur roman de la cathédrale. Le choeur actuel fut bâti en 1488, et c'est au mois de juillet 1520 qu'eut lieu la translation de ces restes dans le transept actuel.

» La mort de ces ecclésiastiques remonte à une date bien antérieure à cette époque; leurs noms et dignités sont également gravés sur la plaque. Une croix pectorale est déposée en outre dans chaque compartiment; on y voit le nom, le titre et la date de la mort du défunt. Mais ces croix pectorales ne remontent qu'à l'époque de la translation où elles auront remplacé les croix primitives. >>

(1) Revue des Sociétés savantes, 7e série, t. I, p. 445.

(2) Voir aussi Invent. du Musée d'antiquités d'Angers, p. 338.

hauteur sur 0,20 de largeur), une croix de plomb, pesant un kilo 250 grammes, trouvée, le 26 décembre 1878 (place du Ralliement à Angers), au fond d'un sarcophage en molasse de Doué. Sur cette croix, de forme latine, reposait la tête d'un squelette, aux bras placés le long des cuisses; orient chrétien, grande ardoise brute sur le sarcophage, autre tombe en dessus, date de MIXVII au sommet de la croix, lettres et lignes réglées à la pointe, emploi simultané du C rond et du C carré. Caractères oxydés, par suite lecture difficile. ANNO, etc.

» C'est peu, mais c'est assez pour nous indiquer que cette croix a été plutôt une croix de commémoration que de préservation ou d'absolution. Excepté une seule croix de forme grecque, toutes celles découvertes à Angers qui sont venues à ma connaissance m'ont paru être des croix de commémoration ou d'épitaphe, notamment les quatre qui furent trouvées place du Ralliement, savoir l'une en 1714, deux vers 1868, et enfin la présente en 1878. Quant à celle des quatre qui appartient à M. Parrot (1), elle est mixte.

» A ce propos, nous avons remarqué qu'en Anjou la croix de plomb funéraire penche vers la forme latine, que sa hauteur moyenne est de 0,20 à 0,28, qu'elle porte presque toujours une date de décès, que l'on y voit rarement les formules connues d'absolution ou de préservation, qu'elle est, le plus ordinairement, posée sous la tête du défunt et que les avant-bras de celui-ci ne sont pas croisés sur la poitrine.

» Le contraire paraît exister en Normandie, où la croix de plomb est le plus souvent de forme grecque en manière de croix de Malte, assez petite, rarement portant date de décès, plus rarement posée sous la tête du défunt, mais bien sur sa poitrine, croix enfin chargée habituellement des formules d'absolution ou de préservation et placée dans les mains croisées du mort. On dirait qu'à la forme latine se serait plus spécialement rattachée la formule de commémoration et à la croix grecque la formule d'absolution; en effet, il est encore d'usage au sein de l'églique grecque, et spécialement en Russie, que le pope

(1) J'ai écrit à M. Parrot, président de l'Académie d'Angers. Voici sa réponse : « Vous me demandez le texte de l'inscription de ma croix de plomb. Je voudrais bien vous satisfaire, mais la première ligne est un peu altérée et toute la croix est dans un tel état de vétusté que je n'ose pas la soumettre à un frottis. Je la destine, ainsi que le curieux sarcophage qui la renfermait, à une étude spéciale. Elle a la forme d'une croix pattée ou croix de Malte. Les caractères sont tracés à la pointe. Son diamètre est de 0,21. »

dépose entre les mains du défunt une formule d'absolution. » (Mém. de la Soc. d'agric. d'Angers, t. XXI, p. 164).

En comparant la planche avec le texte de M. Godard, je crois devoir faire quelques observations. La date me paraît erronée. Le second chiffre n'est pas un I, mais probablement un C, dont on n'a plus que le dos ou même un L, ce qui donnerait 1117 ou 1067. Ces deux dates sont également acceptables, quoique je penche pour la première. Je lis, avec la ponctuation : M.CX.VII. Sur le bras droit, à gauche du spectateur, mais sans séparation de mots :

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Sur le bras gauche, ces fins de lignes ne donnent pas de sens déterminé :

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Enfin sur la tige, après quatre lignes disparues: PSBORA, suivies de quatre autres lignes également effacées (1).

3. Le pitacium de plomb de Pierre I, abbé d'Airvault (DeuxSèvres), découvert récemment dans sa tombe, est superposé à une croix de plomb, à branches pattées et égales, qui reposait sur sa poitrine. L'inscription, qui se réfère à l'an 1081, est ainsi conçue:

(1) M. Godard signale encore, au Musée d'Angers, trois croix pattées, anépigraphes et en plomb, trouvées dans cette ville. L'une, no 2068, de « l'époque romane », provient de la place du Ralliement (1867); l'autre, no 2070, de même date, était « sur la poitrine d'un squelette, au fond d'un cercueil de pierre en forme d'auge, vis-à-vis de l'hôtel de la Préfecture, ancienne abbaye de Saint-Aubin » ; la troisième, no 2071, du x1o siècle, était a fixée à une vergette de bois, longue de 4m,70 (bâton cantoral, présumé du chantre Girard). Cette croix, trouvée à Toussaint,. en 1845, a de longueur 0,15, de largeur 0,15 ». (Invent., p. 338, 339).

Sur l'épitaphe « gravée sur ardoise », d'Ermenbergane, découverte en 1867 « sur l'emplacement de l'ancienne église Saint-Mainbœuf », on voit a trois petites croix pattées, dont deux plombées ». (Ibid., p. 102). Trois croix, symbole de la Trinité, comme à Monza, caractérisent l'époque mérovingienne.

PETRVS

PRIMVS

ABBAS

Cette précieuse croix est conservée au Musée de la Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.

4. La Société des Antiquaires de Londres, dans le tome XXIII de l'Archæologia, a publié la croix déposée en 1088 dans la tombe de Godefroy, évêque de Chichester. Cette croix a une importance particulière, parce que l'inscription contient, avant la date du décès, une formule d'absolution, usage liturgique savamment élucidé par l'infatigable abbé Cochet:

ABSOLVIMUS TE GODE

FRIDE EPE VICE SCI

PETRI PRINCIPIS

APLO CUI DNS DEDIT

LIGANDI ATQUE SOLVENDI

POTESTATEM UT QUANTUM TUA EXPETIT
ACCUSATIO ET AD NOS PERTINEAT REMISSIO
SIT TIBI DEUS REDEMPTOR OMPS SALUS OMNI
PECCATORUM TUORUM PIUS INDULTOR.AMEN.
VII KL. OCTOBRIS IN FESTIVITATE SCI
FIRMINI EPI ET MART.

OBIIT GODE

FRIDUS EPS

CICESTREN

SIS IPSO DIE

V LUNE FUIT.

La lecture courante donne: Absolvimus te, Godefride episcope, vice sancti Petri, principis apostolorum, cui Dominus dedit ligandi atque solvendi potestatem, ut, quantum tua expetit accusatio et ad nos pertineat remissio, sit tibi Deus redemptor omnipotens, salus, omnium peccatorum tuorum pius indultor. Amen. VII kalendas octobris, in festivitate sancti Firmini, episcopi et martyris, obiit Godefridus, episcopus Cicestrensis; ipso die quinto lunæ fuit.

5. Le chroniqueur d'Anjou, Jean Balain, nous a transmis, page 564 de ses Annales, une inscription, gravée sur une croix de plomb qui fut trouvée à Angers, le 15 mai 1711, en creusaut une fosse dans l'église de la Trinité (1). L'écriture est l'onciale du xie

(1) Cette inscription a été reproduite, en majuscules et sans abréviations, dans l'Histoire de l'université d'Angers, par Rangeard, t. II, p. 115. 3

T. XXXVI.

siècle, avec quelques abréviations et surcharges de lettres. Au dessous de chaque ligne est gravé un trait, ainsi que cela se pratiquait alors en épigraphie.

VI. KaLendas

DECEM

BRIS

OBIIT

GVET CANOAFVS SACER

DOS HVIVS ECLesiÆ CANO

NICVS. ANNO. A. PASSIO

NE DomiNI

M. LXXX

HIII. AIMA

EIVS. IN

PACE

REQVI

ESCAT. AM

Il résulte de ce texte que le défunt, nommé Guet Canoafus (peut-être ce dernier nom a-t-il été mal lu), était prêtre et chanoine de l'église de la Trinité et qu'il mourut le 26 novembre 1084. On remarquera que l'année est datée, non à partir de l'Incarnation du Seigneur, mais de sa Passion, formule inusitée en épigraphic. A la fin est un souhait de paix pour le repos de son âme, comme il a été pratiqué pendant toute la durée du moyen-âge: Anima ejus in pace requiescat. Amen.

M. Godard-Faultrier revient sur cette croix dans l'Inventaire du musée d'antiquités de la ville d'Angers (Angers, 1884), p. 147-148,

en ces termes:

«79 B. Marbre noir. Haut. Om, 46, long. Om,49. Inscription provenant de l'aumônerie de Saint-Jean:

EPITAPHIVM

GVETOANCÆI SACERD HVIVS ECCLESLE CANONICI DEFVNCTI ANNO A PASSIONE DNI MLXXXIIII.

t

CETTE CROIX DE PLOMB A ÉTÉ TROUVÉE DANS VN TOMBEAV PROCHE CE PILIER COUVERT DVNE

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