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la description topographique et pittoresque d'Uzerche et rappelle ses origines « C'est un sentiment de vive affection qui nous porte à parler de cette ville d'une façon toute particulière : elle est notre patrie d'adoption. Et puis, nous avons acquis la certitude que ce lieu oublié, négligé dédaigneusement jusqu'ici, était, sous nos premiers rois, l'un des plus connus de cette partie du Lemovicinum, et le premier, peut-être, dans les préoccupations intimes et politiques de ces princes » (1). Et il parle avec une affection toute filiale de cette campagne sévère des environs d'Uzerche, de cette « ligne de collines et de coteaux couverts de belles châtaigneraies, égayés par des prairies dues à des labeurs incessants, et animés par quelques habitations rustiques dont les noms se trouvent écrits dans des chartes qui datent de plus de huit cents ans; noms de lieux modestes que nous avons aimés, que nous aimons encore comme on aime tout ce qui rappelle à la pensée les joies et le bonheur du jeune âge!» (2).:

Cet attachement à sa patrie d'adoption ne lui fait pas oublier les règles rigoureuses de la critique historique; il sait se tenir en garde contre les légendes que des écrivains trop faciles ont répandues sur les origines d'Uzerche.

Le problème de l'évangélisation des Gaules et de la mission de saint Martial en Limousin est nettement posé par lui. Aucun des éléments de cette fameuse discussion ne lui échappe. Il rend hommage aux intéressants travaux de M. l'abbé Arbellot, à sa dissertation « vive, pressante », mais se refuse à prendre parti, se déclare flottant et incertain, laisse à d'autres le soin de juger le procès.

S'il n'a pu, au milieu de tant de données contradictoires, former sa conviction sur l'époque de l'arrivée en Limousin de l'apôtre d'Aquitaine, il se montre absolument résolu contre les prétentions de ceux qui ont cru trouver à Uzerche l'emplacement d'Uxellodunum. La question lui paraît définitivement tranchée en faveur du Puy-d'Yssolu. Les camps de César, signalés aux portes d'Uzerche, ne sont, d'après lui, que les traces effacées des campements du duc de Lancastre en 1374.

Après avoir repoussé énergiquement les conjectures de Baluze sur l'identification de Ratiastum (3) et combattu avec courtoisie la thèse ingénieuse de M. Deloche sur les Lémovices de l'Armori

(1) Etudes hist., p. 67.

(2) Ibid., p. 70.

(3) Dans son Histoire de Tulle, p. 6, Baluze laisse entendre que Tintiniac pourrait bien être le Ratiastum de Ptolémée.

que (1), M. de Larouverade aborde les origines des principales localités du Bas-Limousin.

Le nom d'Userca est gravé sur des triens mérovingiens; le nom de Briva se rencontre dans les écrits de Rorice et de Grégoire de Tours. Voilà les preuves irréfutables de l'ancienneté de ces deux villes. Pour la période antérieure on ne saurait émettre que des hypothèses. Le nom de Tutela ne se trouve dans aucun document de cette époque; notre auteur n'en pense pas moins qu'au vi siècle Tulle « était déjà un vicus considérable où l'on pouvait arriver par de belles voies de communication reconnues depuis »; mais nous devons déclarer qu'il n'apporte à l'appui de son opinion aucun argument décisif.

C'est avec le vi siècle que commence, en réalité, pour le BasLimousin, la période historique. Et encore les textes sont-ils d'une rareté excessive, et l'obscurité la plus grande enveloppe-t-elle la vie de cette province pendant toute la durée du gouvernement mérovingien. Grégoire de Tours, Geoffroy de Vigeois, Adhemar de Chabannes, Baluze sont les guides de M. de Larouverade au milieu des incohérences de cette époque difficile. Bernard Gui, Canisius, Justel lui ont fourni quelques renseignements précis. En réunissant et mettant en ordre les faits puisés à ces sources peu abondantes, il nous a donné, sinon l'histoire du Bas-Limousin, du moins l'énumération aussi complète que possible des événements politiques et militaires qui s'y sont produits jusqu'à la mort de Pépin.

Son tableau de la province sous l'administration carolingienne est tracé un peu trop en raccourci. Nous y voyons encore au premier plan la ville d'Uzerche avec son siège de justice et son monastère. Les autres grandes fondations contemporaines y sont à peine. esquissées. Notons, en passant, deux assertions qui nous semblent contestables. Lorsqu'il signale les premiers symptômes du régime féodal, M. de Larouverade dit qu'on en trouvait déjà le principe dans la législation gothe (2); or, les lois en vigueur sous le gouvernement mérovingien portent, selon nous, la marque du pouvoir le plus centralisé et le plus absolu qui ait jamais existé. Est-il plus

(1) Les Lémovices de l'Armorique, mentionnés par César, Peuplades qui les composaient. Limites de leur territoire. Leurs villes principales, par M. M. Deloche. Apud Mémoires de la Société des Antiquaires de France, . XXIII, p. 46; et apud Etudes sur la Géographie historique de la Gaule et spécialement sur les divisions territoriales du Limousin au moyen-âge, p. 438.

(2) Etudes historiques, p. 164.

exact d'attribuer à Charlemagne la création des comtes-gouverneurs des provinces (1)? Les rois francs héritèrent, sans le modifier, du système administratif organisé par les Romains; ils trouvèrent à la tête de chaque cité un fonctionnaire délégué du pouvoir central. Dès les premiers mérovingiens ce fonctionnaire était désigné sous le nom de comte. Charlemagne put réglementer ses pouvoirs, mais il n'eut pas l'initiative de son institution.

La période féodale est une des plus intéressantes de notre histoire; elle est particulièrement féconde, dans notre Limousin, en événements de toute sorte. Le pays se couvre de châteaux; les puissants seigneurs de Comborn, de Turenne, de Ventadour établissent leur domination; des fiefs sans nombre se groupent autour d'eux. La poésie, avec les troubadours, brille d'un vif éclat. Des idées d'indépendance commencent à agiter les esprits; les communes s'organisent. Et pendant que ces transformations profondes s'accomplissent dans l'état social, nous assistons à des luttes sanglantes : l'Angleterre et la France se disputent le Limousin; les vicomtes et les barons sont en guerre; des bandes de pillards désolent la province. Il fallait beaucoup de méthode pour présenter tous ces faits en peu de pages. Le récit de M. de Larouverade se distingue par une grande clarté; mais il est trop sommaire. Son livre, qui commence par d'amples développements sur les questions d'origines, devient un précis exact et agréablement écrit de notre histoire limousine.

Ce défaut d'équilibre entre les différentes parties de l'ouvrage est encore plus saillant dans les chapitres qui suivent. Il est vrai que l'auteur, par le titre et les divisions qu'il a adoptées, nous montre qu'il n'a pas eu la pensée d'écrire une histoire chronologique du Bas-Limousin. Ses six études, quoique logiquement liées l'une à l'autre, comprennent autant de phases distinctes que l'auteur a traitées avec plus ou moins d'étendue suivant la multiplicité des questions qui y prennent place.

Il nous fait assister, dans sa cinquième Etude, à la splendide floraison ecclésiastique du xiv° siècle et à l'épanouissement religieux de la fin du xvi et du commencement du XVIIe siècles. Les grands seigneurs, qui ne se gênaient pas pour violenter le clergé et prendre ses biens, éprouvaient la plupart du temps des retours de foi vive ou des terreurs superstitieuses qui les poussaient aux pieds de ce même clergé; ils restituaient ce qu'ils avaient usurpé, fondaient des monastères et des églises. De ce clergé limousin sortirent trois papes et une foule de cardinaux, d'arche

(1) Etudes historiques, pp. 163 et 165.

vêques et d'évêques, que M. de Larouverade nous fait connaître en quelques traits. Il s'occupe ensuite d'une façon plus spéciale de l'église de Tulle et des prélats qui l'ont gouvernée depuis Arnaud de Saint-Astier jusqu'à Mer Berteaud.

Le dernier chapitre est consacré à l'administration judiciaire et aux guerres de religion en Bas-Limousin; il se termine par une série assez complète de portraits, succinctement tracés, des hommes illustres que la province a produits.

Si le livre, dont nous venons de donner la physionomie générale ne ressemble pas à ce qu'on a coutume d'appeler une œuvre d'érudition, on ne saurait le classer non plus dans la catégorie des compilations banales. L'auteur, en effet, n'a pas esquivé les problèmes ardus; dans ses premières Études, il a abordé les questions les plus controversées et a proposé souvent des solutions ingénieuses et justes. Mais ces dissertations et ces commentaires n'occupent qu'un petit nombre de pages. M. de Larouverade n'a pas eu la prétention de faire un travail neuf, établi sur documents, compendieusement annoté; il a voulu, avant tout, résumer et vulgariser l'histoire de sa province natale. C'est sous cet aspect. qu'il faut considérer son ouvrage pour le bien juger et en apprécier les qualités de clarté, de bonne exposition et d'exactitude.

Auguste de Larouverade mourut à Tulle en 1868, quatre années après la publication des Études historiques, laissant le goût des choses du passé et des travaux intellectuels à son fils, magistrat comme lui (1), qui, après avoir passé par tous les degrés de la hiérarchie, s'est élevé jusqu'à la Cour de cassation, dont il est un des conseillers les plus estimés.

René FAGE.

(1) M. Elie de Larouverade a prononcé, le 4 novembre 1867, en qualité de substitut du procureur général, à l'audience de rentrée de la Cour de Bordeaux, un discours sur les Dernières années du Parlement de Bordeaux (1775-1790). Bordeaux, Gounouilhou, 1867, in-8° de 51 pages.

LA FAMILLE DE L'ABBÉ NADAUD

En feuilletant, il y a peu de jours, aux Archives de la HauteVienne, une liasse du très riche fonds de l'Evêché (article 212 du classement provisoire), nous avons mis la main sur un petit dossier concernant le plus laborieux de nos érudits Limousins du dernier siècle, l'abbé Joseph Nadaud.

Les pièces dont se compose ce dossier, fournissent quelques indications sur la famille du savant ecclésiastique. En contrôlant ces renseignements, nous avons remarqué, sans beaucoup de surprise, qu'ils diffèrent d'une façon très sensible de ceux consignės dans plusieurs notes biographiques relatives à l'ancien curé de Teyjac, et en particulier dans les additions au Nobiliaire de la Généralité de Limoges, comprises dans le quatrième volume de la publication faite sous les auspices de la Société archéologique et historique du Limousin par notre savant et excellent confrère, M. l'abbé A. Lecler.

La notice généalogique consacrée par le Nobiliaire à la famille Nadaud nous avait, il faut le dire, inspiré depuis longtemps quelque méfiance. Il est visible que l'article a été fourni, bâti et rédigé par un intéressé, et que celui-ci s'y est complu. Il y avait lieu de craindre que l'éditeur n'eût pas eu assez de temps pour vérifier des renseignements dont l'abondance même et la précision devaient cependant appeler son contrôle et le faciliter.

La plus intéressante des pièces de notre dossier est un acte en forme par lequel Anne André, veuve de sieur Joseph Nadaud, tapissier, demeurant faubourg Manigne, à Limoges, constitue, à la date du six novembre 1734, une pension de cent livres au profit de son fils Joseph, acolyte au Séminaire des Ordinands de la même ville. Voici le texte de cet acte:

Aujourdhuy, sixieme novembre mil sept cent trente quatre, avant midy, par devant le notaire royal apostolique à Limoges soussigné, a elé presente

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