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FRANÇOIS MARVAUD.

Nous empruntons les principaux éléments de la notice suivante au discours prononcé sur la tombe de Marvaud par M. Jules Pellissier, avocat, sousbibliothécaire de la ville de Cognac. Ce discours a été publié dans l'Indicateur de Cognac du 16 janvier 1879, dans l'Ere nouvelle de Cognac du 19 janvier et dans le Charentais du 25 janvier.

François Marvaud est né le 10 janvier 1801 à Montbron Charente). Il fit ses premières études au collège de sa ville natale et entra en 1816 au petit séminaire d'Angoulême. En 1819, il débuta dans l'enseignement public comme régent d'une classe élémentaire au collège de La Rochefoucauld. En 1823, il fut envoyé comme régent de troisième au collège de Saint-Junien (Haute-Vienne). L'année suivante, il devint chef d'institution à Brantôme et employa ses loisirs à écrire un volume de vers intitulé: Huit Messéniennes, suivies des lamentations du Tasse dans les prisons de Ferrare, et dédié au comte de Montbron, membre de la Chambre des députés.

En 1828, Marvaud fut nommé principal du collège communal de Cognac et publia au bout de quelques années ses Études historiques sur l'Angoumois (1835). Chargé, en 1837, de la suppléance du cours d'histoire que faisait M. Rabauis au lycée de Bordeaux, il passa, peu après, comme professeur d'histoire au collège de Périgueux, puis à celui de Brive (vers 1838). C'est là qu'il composa son Histoire politique, civile et religieuse du Bas-Limousin (1842), son Rapport sur les archives de la ville de Brive (1844) (1), et sa Géographie du département de la Corrèze (1847). Sur la fin de 1846, le ministère de l'Instruction publique chargea Marvaud d'étudier les archives des arrondissements de Figeac et Gourdon. Le Rapport qu'il rédigea à cette occasion fut même publié (2). Sa mission terminée, Marvaud fut envoyé au lycée d'Angoulême où il resta jusqu'à la suppression de la seconde chaire d'histoire qu'il occupait (1852), puis au collège de Saumur. Comme il refusait ce dernier poste, ou le maintint à Angoulême comme professeur de sixième. C'est dans ces dernières fonctions qu'il publia, en 1850, sa Géographie du département de la Charente,

(1) M. Pellissier a ignoré ce petit fait. Le rapport en question est imprimé au t. III, p. 34-38, des Documents historiques tirés des collections manuscrites..... 1847.

(2) Comme ci-dessus, p. 49-63.

en 1856 son Étude sur Isabelle d'Angoulême ou la comtesse-reine, et en 1860 son Répertoire archéologique du département de la Charente, qui fut couronné au concours des Sociétés savantes, et, à une date que nous ignorons, son Guide de l'étranger à Angoulême, avec un plan de la ville.

La carrière universitaire de Marvaud s'arrête à l'année 1861, où il prit sa retraite pour se fixer à Cognac, près de son fils.

La dernière partie de sa vie fut remplie par la préparation de deux nouveaux ouvrages les Études historiques sur la ville et l'arrondissement de Cognac, qui furent imprimées en 1870 (2 vol. in-8°), et surtout l'Histoire des vicomtes et de la vicomté de Limoges, annoncée dès 1842, mais qui ne parut qu'en 1873 (2 vol. in-8°). Marvaud a également publié plusieurs Mémoires dans le Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente, dont il devint vice-président. Il était depuis 1834 membre correspondaut de l'Institut des provinces de France. Il a encore le mérite d'avoir doté Cognac d'une bibliothèque communale qu'il fut chargé de gérer concurremment avec les archives de cette ville. François Marvaud a laissé des Souvenirs personnels encore manuscrits. Il est mort à Cognac, le 11 janvier 1879, comblé de jours et de travaux.

Comme la génération de 1830, Marvaud cherchait dans l'histoire des données pour la solution des graves problèmes de l'avenir ». Cette préoccupation est aujourd'hui à peu près abandonnée des historiens de profession qui, à meilleur droit, cultivent l'histoire pour elle-même ou encore pour s'édifier sur l'homme en général, et visent surtout à introduire dans cette étude plus de rigueur scientifique qu'on n'en avait mis jusqu'ici. Quant aux politiques de tout bord, on ne voit point qu'ils aient jamais beaucoup profité des leçons de l'histoire ni que le passé ait jamais réellement instruit le présent.

D'ailleurs, à en juger par l'Histoire du Bas-Limousin, Marvaud a plus d'imagination que de science, et il est vrai de dire qu'il a fait œuvre de vulgarisatien plutôt que d'érudition. Rien de personnel dans ses recherches, sauf sur quelques points; rien qui lui appartienne en propre, bien qu'il ait fouillé quelques dépôts d'archives. Il a beau se réclamer des Barante, des Thierry, des Guizot, il a beau déclarer qu'il entend donuer à l'histoire du Tiers-Etat la place qu'on lui a refusée jusqu'ici, il a moins avancé cette histoire par toutes ses publications que Leymarie par ses deux volumes sur la bourgeoisie limousine.

Nous disions que Marvaud a été un vulgarisateur plutôt qu'un érudit. On ne le voit que trop bien à la façon vague et inexacte

dont il indique ses sources, quand il les indique. Il a cependant connu à peu près tout ce qui était imprimé, même les chroniqueurs anglais. Sa critique vaut son érudition. Il déclare solennellement qu'il accepte telles quelles les traditions populaires, et il s'extasie devant le pâtre de Dextresses qui montre, en faisant le signe de la croix, le lieu où Raoul de Bourgogne extermina les Normands (1). Il prétend suivre pas à pas la mission évangélique de saint Martial par l'état des mouuments et les légendes. Il croit que les fortifications d'Uzerche datent de l'invasion des barbares. Il semble hésiter sur la question de l'apostolat de saint Martial et se décide finalement pour le premier siècle. Autant d'erreurs historiques qui, même en 1842, pouvaient être évitées.

L'Histoire des vicomtes et de la vicomté de Limoges est d'une composition moins diffuse et d'une trame plus solide. Le style est de meilleur aloi et sans recherche d'effets, comme précédemment. Les informations sont nombreuses sans être cependant vraiment copieuses. L'auteur a profité en une certaine mesure des chroniques publiées et, l'un des premiers chez nous, il a utilisé les archives limousines conservées à Pau. Néanmoins, il y a encore dans ce dernier ouvrage de Marvaud de grosses confusions, de nombreuses inexactitudes, des omissions surprenantes, aucun effort de généralisation, aucun désir de retrouver les principales phases de la vie provinciale: les chapitres n'ont d'autres rubriques que les noms des vicomtes. L'esprit de l'auteur, assez libre dans l'Histoire du Bas-Limousin, est devenu rétrograde et sénile. Marvaud écrit sous la préoccupation des évènements du moment et termine son livre avec l'année 1605, par des effusions larmoyantes sur le sort de la France qui, « pour avoir renié ses glorieuses traditions depuis quatre-vingts ans, joue sa fortune aux orages des révolutions >>.

L'œuvre de ce professeur universitaire est, à tout prendre, considérable. Mais c'est son plus grand mérite. Elle en a cependant quelques autres. Marvaud a nettement compris la nécessité de reconstituer d'abord l'histoire des provinces pour retrouver celle de la nation, et il a prêché d'exemple plus que tout autre. Sous une forme suffisamment correcte, il a résumé des notions éparses, avec plus d'abondance que Duroux, plus de précision que Verneilh-Puiraseau, plus d'élévation historique que Barny de Romanet.

(1) P. xv de l'introduction.

Alfred LEROUX.

AUGUSTE DE LAROUVERADE

Parmi les écrivains qui, dans ce siècle, ont traité de l'histoire du Limousin, M. de Larouverade mérite une place distinguée. Issu d'une famille de robe, magistrat lui-même, il a marqué son œuvre à l'empreinte de la plus rigoureuse impartialité. Ses Etudes, qui résument dans une série de tableaux tout le passé de notre province, ont été publiées par fascicules, tirées à un petit nombre d'exemplaires, distribuées à un groupe restreint d'amis, et sont devenues presque introuvables. Aussi, quoiqu'elles aient été écrites depuis moins de trente ans, sont-elles peu connues, et leur auteur, dont la vie s'est écoulée dans le silence et le travail, n'a-til pas la notoriété dont il est digne.

Léonard-Auguste de Larouverade naquit à La Genette, commune de Troche (Corrèze), le 29 décembre 1791, du mariage de JeanBaptiste avec Léonarde de Cessac. Son père, avocat en parlement, avait été nommé, en 1787, juge de Vignol; il rédigea le cahier des doléances de la paroisse de Troche, et fut élu, en 1790, membre du directoire du département de la Corrèze.

Après avoir fait ses études classiques au collège d'Uzerche (18031808, dirigé alors par l'abbé Goumot, humaniste de grand mérite, le jeune de Larouverade alla à Paris pour y apprendre le droit. Il s'y maria, le 14 septembre 1813, avec mademoiselle Marguerite Philippine Malès, fille de l'ancien député du Bas-Limousin aux Etats généraux (1789-1790), qui fut plus tard président du Tribunat et du Conseil des Cinq-Cents, et mourut conseiller-maître à la Cour des comptes (1).

De retour à Uzerche, il fut nommé, en 1816, adjoint au maire de cette ville. Il se fixa à Brive dans le courant de l'année 1822 et y

(1) Malès était avocat à Brive et maire de cette ville en 1789.

prit place au barreau. Nous le voyons, en 1824, attaché au tribunal de Brive comme juge auditeur. Il suivit sa carrière de magistrat dans les ressorts des Cours de Limoges et de Bordeaux, franchit rapidement les premiers échelons, fut nommé, le 15 mars 1827, substitut à Bourganeuf, le 11 juin suivant, substitut à Tulle, le 30 juin 1828, président du tribunal de Sarlat, et, le 29 avril 1852, conseiller à la cour de Bordeaux. Il fut admis à la retraite, sur sa demande, le 11 août 1859. Depuis le 4 mai 1844, il était chevalier de la Légion d'honneur.

Les premiers essais historiques d'Auguste de Larouverade remontent à ses années de début dans la magistrature; le journal intime, où il consignait les événements survenus dans sa maison (1), en fixe la date à 1827: « Ce fut à cette époque que, pour mêler quelques distractions à mes travaux judiciaires, je commençai à écrire sur l'histoire d'Uzerche, ville où j'avais laissé tant de chers souvenirs. Cette composition avança rapidement et je ne tardai pas à en voir la fin; mais je m'aperçus bientôt qu'il existait des lacunes dans mon travail; je le retouchai et j'en fis insérer quelques fragments dans l'Annuaire de la Corrèze (1828-1830). Je songe aujourd'hui à la refondre presque entièrement. »

Le travail originaire n'existe plus. Quant aux fragments imprimés, en voici les titres :

Lettres à Madame de B... sur Annuaire de 1828 (pp. 198-212), le Limousin. Histoire d'Uzerche. Lettre XV. Sans nom d'auteur. Annuaire de 1829 (pp. 186-205), — Lettres à Madame de B... sur

(2) Le livre de raison de M. de Larouverade comprend 240 pages in-4o; il est conservé par son fils, M. Elie de Larouverade, conseiller à la Cour de cassation. En notant ses souvenirs intimes, l'auteur des Etudes Historiques sur le Bas-Limousin a peu parlé de lui et de ses travaux littéraires, il s'est surtout attaché à raconter les origines de sa famille et les événements domestiques qui en constituent l'histoire privée. Dans la première partie, la plus courte, il a résumé les informations qu'il a puisées dans un registre tenu, depuis la fin du xve siècle jusqu'à 1789 environ, par la maison de Raffailhac de Larouverade, en Périgord, d'où sont issues les diverses branches de la famille; la seconde partie du livre est consacrée à la relation chronologique des faits intéressant la branche représentée aujourd'hui par M. Elie de Larouverade. Cette relation s'arrête à l'année 1859. L'auteur a eu soin de noter, en passant, les faits politiques qui se déroulaient pendant qu'il écrivait. Nous y trouvons aussi, à sa date, le récit d'une excursion qu'il fit, en 1835, aux ruines de Tintiniac, et l'indication sommaire du résultat des fouilles qui venaient d'être pratiquées sur l'emplacement de cette station romaine.

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